Lutter contre le coronavirus passera-t-il forcément par une application de contact tracing ? C'est l'avis de nombreux spécialistes qui, pourtant, semblent avoir écarté cette bonne vieille fracture numérique de l'équation.
En réalité, plus de deux milliards de téléphones portables dans le monde ne pourront tout simplement pas supporter l'API développée conjointement par Apple et Google, laquelle servirait de base au développement d'applications de traçage.
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Le contact tracing repose sur du matériel technologique récent
Pour fonctionner, le contact tracing utiliserait le Bluetooth. Une technologie éprouvée, qui a la bonne idée de préserver au maximum la confidentialité des données de l'utilisateur.Or, l'API imaginée par Google et Apple utiliserait en particulier le Bluetooth dit « low energy » (basse consommation). Une fonctionnalité permise par une puce dédiée, laquelle serait absente de près d'un quart des 3,5 milliards de smartphones en activité au quotidien, selon Counterpoint Research.
« En tout, près de 2 milliards d'utilisateurs mobiles ne bénéficieront pas de l'initiative », constate Neil Shah, analyste pour le cabinet Counterpoint. Et d'après lui, « la plupart de ces utilisateurs avec des appareils incompatibles proviennent du segment de la population le plus démuni, ou du segment des seniors, qui sont les plus vulnérables au virus ».
1,5 milliard d'êtres humains ne disposent que d'un téléphone « basique »
Plus de 20 % de la population mondiale n'a pour téléphone qu'un appareil classique. Les fameux feature phone qui ne tournent ni sous iOS, ni sous Android, et qui ne pourront donc bien entendu pas utiliser les futures applications de contact tracing.Une nouvelle fois, ce sont les populations les plus démunies qui se retrouvent sur le banc de touche technologique. Au Royaume-Uni, le régulateur des télécoms Ofcom estimait l'an dernier que plus de 80 % des adultes possédaient un smartphone. Malgré tout, Ben Wood, un analyste pour le cabinet CCS Insight, seuls deux tiers de ces personnes disposeraient d'un smartphone compatible avec les solutions imaginées par Apple et Google.
« En Inde, vous pourriez avoir 60 à 70 % de la population immédiatement exclue » des mesures de contact tracing à cause de la fracture numérique, prévoit encore Ben Wood. Mais les prédictions varient selon les cabinets interrogés. Counterpoint estime pour sa part que 88 % des smartphones au Royaume-Uni, États-Unis et Japon seraient compatibles, et jusqu'à 50 % en Inde. Plus optimiste, mais loin d'être idéal.
Source : ArsTechnica