Bluesky, le réseau social décentralisé © Koshiro K / Shutterstock
Bluesky, le réseau social décentralisé © Koshiro K / Shutterstock

Suite à l'élection de Trump et à la nomination de son fidèle acolyte Elon Musk au prochain gouvernement des États-Unis, rien que cette semaine, plus d'un million d'utilisateurs se sont rués vers l'alternative de Jack Dorsey : Bluesky.

Passé sous le giron d'Elon Musk, Twitter, rebaptisé X, a largement évolué ces dernières années. Mais pas forcément comme on l'aurait souhaité. Certains dénoncent la propagation de fake news, d'autres y voient un terrain politique biaisé, d'autres encore sont fatigués de l'incessante promotion des comptes premium. Après une longue période d'inscription par invitation uniquement, Bluesky est accessible à tous les utilisateurs sans restriction depuis le mois de février. Et si vous lui donniez votre chance ?

Créé par le fondateur de Twitter

Bluesky est à l'origine un projet développé en parallèle par… la société que l'on appelait encore Twitter à l'époque. Jack Dorsey, ancien PDG du groupe et actuel membre du conseil d'administration de Bluesky, avait monté une équipe pour mener à bien cette initiative. Il expliquait alors que l'objectif était de créer « une norme ouverte et décentralisée pour les réseaux sociaux ». À terme, Twitter devait adopter ce nouveau standard open source pour faire partie d'un système dans lequel règne l'interopérabilité entre les plateformes.

Jack Dorsey © Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock.com
Jack Dorsey © Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock.com

Cela n'arrivera finalement jamais. Les débuts de Bluesky remontent à 2019, mais il faut attendre 2022 pour que le service se lance officiellement, sous une forme encore incomplète. Cette même année, Twitter est obnubilé par son rachat par Elon Musk, finalement validé à l'automne.

Elon Musk a une vision bien différente de ce que doit être la plateforme et n'est pas intéressé par l'initiative Bluesky. Son but est au contraire de limiter les interactions avec le reste d'internet pour que les utilisateurs passent le plus de temps possible sur son réseau social. Dès fin 2022, Twitter laisse Bluesky prendre son indépendance.

Elon Musk a transformé Twitter en X © Shutterstock x Clubic.com

Un réseau social décentralisé, ça veut dire quoi ?

Comme Mastodon, Bluesky mise sur la décentralisation pour se démarquer de Twitter. Avec un réseau social décentralisé, les données des utilisateurs et les contenus partagés n'appartiennent plus à une entité unique. Les utilisateurs peuvent créer leurs propres serveurs tout en choisissant leur solution d'hébergement, obtenant ainsi plus de contrôle sur leurs informations.

Ils ont aussi l'opportunité de définir leurs propres règles sur leur instance afin de personnaliser leur expérience selon leurs goûts et besoins : fonctionnement de l'algorithme, activation ou non de certaines fonctionnalités, options d'interopérabilité…

Pour y parvenir, Bluesky a mis au point un tout nouveau protocole, baptisé AT (Authenticated Transfer). Celui-ci est encore en cours de développement et ne permet pour l'heure pas à la plateforme de proposer une expérience décentralisée et interopérable complète, tant s'en faut. Bluesky compare son protocole AT au World Wide Web et son réseau social à un navigateur web. L'architecture de base est AT et Bluesky une interface qui permet au grand public de l'exploiter.

Bluesky est basé sur le protocole AT © Poetra.RH / Shutterstock

Le protocole AT étant open source, Bluesky encourage les développeurs tiers à y recourir pour leurs applications et plateformes, afin de créer un grand réseau facilitant la communication et les interactions entre services. Bluesky explique que le but est de transformer l'écosystème des réseaux sociaux pour qu'il se rapproche plus de ce qu'il se faisait aux débuts du web, avec les plateformes de blog ouvertes à n'importe qui et les flux RSS permettant la syndication des contenus web.

Comment s'inscrire à Bluesky ?

Bluesky est disponible sous la forme d'une application mobile sur Android et iOS. L'app peut être téléchargée sur le Play Store et l'App Store. La plateforme est également accessible depuis un navigateur web via l'adresse URL https://bsky.app/. Toutes ces options permettent de s'inscrire à Bluesky et d'utiliser le service.

Pour l'inscription, il est obligatoire de renseigner une adresse email et de choisir un mot de passe. Il n'est pas possible de se connecter par le biais d'un token Google, Apple, Facebook ou autre. Il est aussi nécessaire de donner un numéro de téléphone valide : un code par SMS nous est envoyé pour confirmer le compte.

Création d'un compte Bluesky © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Par défaut, les noms d'utilisateurs finissent par bsky.social. Si vous êtes propriétaire d'un nom de domaine ou appartenez à une structure en possédant un, il est possible de personnaliser son identifiant pour supprimer la mention bsky.social et ajouter le nom de son organisation. Cette méthode a l'avantage d'assurer une certaine authentification des comptes, et ce gratuitement, à la différence de X. Autre avantage, la possibilité de conserver un même pseudo sur toutes les plateformes ayant recours au protocole AT.

Vous pouvez ajouter le nom de domaine de votre site à votre pseudo © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Le nouvel inscrit est ensuite invité à choisir des centres d'intérêt parmi une sélection de thèmes. Cette étape permet ensuite à Bluesky de recommander des comptes et des fils d'actu thématiques à suivre. Étant donné qu'il n'est pas possible d'importer (nativement) ses abonnements depuis Twitter, cela permet de se constituer une base pour commencer.

Le réseau social met largement en avant des contenus anglophones. Cela oblige à devoir chercher les contenus francophones qui nous intéressent à la main sans pouvoir compter sur un coup de main de l'algorithme. D'ailleurs, même certains éléments d'interface ont tendance à mélanger anglais et français, rappelant que l'on est encore loin d'avoir affaire à un produit fini.

Renseigner ses centres d'intérêts sert aux recommandations © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Une expérience très proche de celle de Twitter… en apparence

Les habitués de X / Twitter ne sont pas perdus sur Bluesky, l'interface et les fonctionnalités de base y sont presque identiques. Un système d'onglets permet d'accéder à l'écran d'accueil, à l'outil de recherche, aux fils d'actu, aux notifications, aux listes, aux options de modération personnelles, au profil et aux paramètres.

Comparatif entre l'interface de Bluesky et X © Bluesky / X / Alexandre Schmid pour Clubic

On interagit aux messages des autres de la même manière, avec la possibilité de répondre, de republier, de citer ou d'aimer. Il n'y a par contre pas de bouton de partage rapide ou de système de signet pour mettre de côté une publication à revoir plus tard. Il est toute fois possible de traduire et de copier le texte d'une publication, de copier le lien vers un post, de masquer un fil de discussion entier ou de cacher un post spécifique.

Les options d'interaction avec les posts © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Les publications sont limitées à 300 caractères, liens inclus. Il est possible d'ajouter jusqu'à quatre images, que l'on peut éditer directement via un outil tout simple pour zoomer, pour changer le ratio (4:3, 1:1 ou 3:4) ou modifier la rotation de l'image. Les GIF ne sont pas pris en charge à ce jour, même importés depuis votre appareil en local.

L'éditeur d'image © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Bluesky ne permet pas d'uploader de la vidéo ou de l'audio en natif. Le réseau social intègre néanmoins un lecteur pour lire nativement les contenus provenant d'autres plateformes. Celui-ci n'est pour l'instant compatible qu'avec YouTube, SoundCloud, Spotify et Twitch. Contrairement à X, il n'y a pas d'autoplay des vidéos sur Bluesky. Pour les contenus des autres plateformes, il faut se contenter du partage de liens à l'ancienne.

Le lecteur vidéo © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Quand X mène la vie dure à la presse en ligne, Bluesky permet encore de partager des articles avec un aperçu complet : image de une, titre et description. Son algorithme d'origine ne pénalise pas les messages qui contiennent un lien externe ou certains mots-clé, mais les utilisateurs ont le pouvoir de créer et de rejoindre des instances ou des fils d'actu qui adoptent une telle politique.

Visualisation du partage d'article © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Autrement, Bluesky manque de nombreuses petites attentions, comme les sondages, l'identification de la localisation, ou la programmation de publications. Il n'y a pas non plus de système de messages privés sur la plateforme. Au rayon des bonnes nouvelles, Bluesky offre pour le moment une expérience sans publicité, comme sur Threads.

Les fils d'actu

Les fils d'actu sont une composante essentielle de l'expérience Bluesky. Ils peuvent être spécifiques à un thème (sport, sciences, jeux vidéo…) ou modifier le fonctionnement de l'affichage des contenus, par exemple en proposant un fil mettant en avant les publications des comptes suivis, mais en occultant les réponses et les republications.

Le fil d'actu Discover est basé sur un algorithme de recommandations © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Sur desktop, on peut passer rapidement d'un fil d'actu à un autre via des raccourcis positionnés sur le côté droit. Comme son nom l'indique, le fil Following n'affiche que des publications de comptes que vous suivez, par ordre chronologique. Il s'agit de l'expérience par défaut, et il est ensuite possible d'ajouter d'autres fils selon nos préférences.

La plupart des fils d'actu ne sont pas créés par Bluesky mais par des utilisateurs © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Bluesky propose lui-même des fils d'actu, comme Discover pour découvrir les contenus tendance, ou Popular With Friends, un mélange de contenus populaires provenant des comptes que l'on suit et de contenu que nos abonnés ont aimé. Ensuite, il existe une multitude de fils d'actu créés par des utilisateurs tiers.

On peut ajouter ou supprimer un fil d'actu à tout moment © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Une personnalisation très poussée

Bluesky donne bien plus le contrôle à ses utilisateurs que ne le fait X dans sa manière d'interagir. Lors de la rédaction d'un message, l'on peut décider de qui peut répondre entre quatre options : personne, tout le monde, comptes mentionnés et comptes suivis.

Vous pouvez choisir qui peut répondre à vos posts © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Les préférences de fils d’actu de l’accueil donnent de nombreux choix pour affiner son expérience. Afficher ou non les réponses, filtrer les réponses pour ne voir que celles de comptes suivis ou à partir d'un certain nombre de likes, voir ou non les reposts et citations, tout cela est possible. Une fonction en bêta permet aussi d'afficher des échantillons de vos fils d’actu enregistrés dans votre fil d’actu suivant.

Personnalisez vos préférences de fils d'actu © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Un autre volet des options de personnalisation concerne la modération des contenus. Vous avez le pouvoir d'afficher, de cacher ou d'être averti pour certains types de contenus, comme ceux prônant la violence ou la haine, et affichant de la nudité, de la sexualité explicite ou suggestive. Les mêmes options sont disponibles pour le spam et les comptes qui usurpent l'identité d'une personne ou d'une organisation.

Sur Bluesky, la modération, c'est vous-même © Bluesky / Alexandre Schmid pour Clubic

Bluesky propose de créer des listes publiques de comptes à masquer ou à bloquer. Les utilisateurs peuvent aussi bloquer ou masquer un compte de manière privée. Enfin, le réseau social propose d'empêcher l'accès à son profil et à ses publications aux personnes qui ne sont pas connectées à un compte Bluesky. La plateforme étant ouverte et décentralisée, cette fonction ne marche que depuis le site web ou l'appli Bluesky, il reste possible de consulter, voire d'interagir avec vos contenus depuis d'autres plateformes basées sur le protocole AT.

Bluesky peut-il supplanter X ?

Entre communauté toxique et décisions d'Elon Musk en défaveur de ses utilisateurs, nombreux sont ceux qui souhaitent quitter X et lui cherchent une alternative. Bluesky est le réseau social qui s'en rapproche le plus, mais sa dimension centralisée le rend plus complexe à appréhender pour le grand public. Cet aspect constitue aussi sa force, les utilisateurs pouvant établir leurs propres règles pour obtenir l'expérience qui leur convient le mieux.

Pour l'instant, il manque un certain nombre de fonctions à Bluesky pour réellement concurrencer X. Le succès à long terme de Bluesky dépendra aussi de l'adoption ou non de son protocole AT par les développeurs tiers. Si des synergies intéressantes peuvent être créées avec d'autres services, le réseau social pourrait gagner en popularité. On peut aussi imaginer qu'un autre réseau social que Bluesky basé sur AT parvienne à tirer son épingle du jeu.

24 heures après l'ouverture du réseau social à tous, celui-ci gagnait un million d'abonnés, soulignant un réel engouement. Mais avec un peu plus de 4 millions d'inscrits à la plateforme, nous sommes encore loin de pouvoir parler d'une menace pour X ou Threads. Bluesky est actuellement une plateforme de niche, où l'on constate un certain manque de contenu original. Généralement, les publications sont des copies de posts Twitter ou Threads et ne génèrent que peu d'interactions. Si la sphère anglophone s'en sort mieux, l'écosystème francophone de Bluesky se montre très limité.

  • Algorithme ouvert.
  • Fonctionnement proche de Twitter.
  • Initié par l'un des co-fondateurs de Twitter.
7 / 10