Si vous ne connaissez pas encore Mengzhou et Lan Yue, cela devrait bientôt changer. Ces deux véhicules vont amener, d'ici la fin de la décennie, les premiers astronautes chinois sur la surface lunaire. Mais malgré les budgets, les missions Chang'e et la détermination, il reste beaucoup à prouver en peu de temps.
La Chine avance avec un rythme qui lui est propre, mais qui ne ralentit pas dans une aventure lunaire commencée dès les années 2000 avec le programme Chang'e. En parallèle, les progrès sont également fulgurants dans le domaine de l'astronautique.
La Lune d'un côté, les astronautes de l'autre
Géré par les forces armées chinoises, le programme CMS (Chinese Manned Spaceflight) est passé en une décennie de ses premiers amarrages en orbite à une station habitée de façon permanente, avec de grands modules-laboratoires et des équipages qui se succèdent tous les 6 mois, des ravitaillements automatisés et des sorties extravéhiculaires. Voir les astronautes chinois « jouer » avec une flamme olympique à travers leur station n'est pas un hasard : ils ont de nouvelles capacités et de grandes ambitions.
Bientôt, la Chine utilisera les avancées de la CLEP avec Chang'e, pour les additionner aux progrès de son astronautique. Et l'administration ne s'en cache plus dans les conférences ou dans ses déclarations officielles, l'objectif majeur des années à venir est bien d'envoyer se poser sur la Lune des astronautes avec un drapeau rouge sur l'épaule. L'année dernière, la date a même été communiquée avec confiance : ce sera avant 2030.
La Chine annonce son moment Apollo avant 2030
En 2024, la Chine a détaillé la version actuelle de son plan lunaire. Contrairement aux missions Apollo des années 70, leur tentative reposera avant tout sur deux décollages séparés, et deux véhicules différents : la capsule capable d'emmener trois astronautes autour de la Lune, nommée Mengzhou, et un atterrisseur lunaire particulier, Lan Yue. Les deux véhicules se rencontreront et vont s'amarrer en orbite lunaire, puis deux astronautes vont embarquer au sein de Lan Yue pour descendre sur la surface. Là encore, malgré des ressemblances avec Apollo et Artemis, l'architecture de mission est un peu différente.
Lan Yue dispose en effet d'un module de propulsion particulier qui ne lui sert qu'en orbite et à la descente, pour se freiner jusqu'à quelques centaines de mètres (voire moins) de la surface. Il est ensuite éjecté, et l'atterrisseur se pose par ses propres moyens, tout en gardant ses réservoirs quasiment pleins pour pouvoir redécoller. Potentiellement équipée d'un rover de 200 kilos (type jeep lunaire), la première mission habitée de Lan Yue ne devrait durer que 6 heures environ. Largement de quoi planter le drapeau et préparer la suite.
En effet, la Chine a bien prévu d'y retourner, et surtout de profiter d'installations robotisées sur place. Mengzhou et Lan Yue peuvent sembler encore lointains aujourd'hui, mais la détermination actuelle ne doit faire aucun doute. Des maquettes des deux véhicules ont déjà été montrées au public lors de salons en 2024.
S’aventurer au-delà de l’orbite basse, déjà un défi
Autre indice potent des progrès sur Mengzhou, ce sont les différents essais et préparations qui ont cours en Chine. En 2020, un vol d'essai du lanceur lourd actuel (CZ-5 ou Longue Marche 5) emportait un modèle de capsule à plusieurs milliers de kilomètres d'altitude avant que cette dernière ne revienne se poser sous parachutes.
Ce décollage posait beaucoup de questions, car la Chine utilise toujours ses capsules à trois astronautes, inspirées de Soyouz, les Shenzhou. Il s'agissait bien d'un modèle de capsule de Mengzhou, qui devrait à terme être décliné en deux versions, selon les besoins de l'astronautique chinoise. Vers leur station orbitale, avec une capacité améliorée jusqu'à 7 passagers... et vers la Lune, avec trois occupants et de quoi rapporter des échantillons de surface.
Malgré tout, Mengzhou comme Lan Yue demanderont des moyens que les fusées actuelles chinoises ne peuvent fournir. CZ-5, malgré toute sa puissance, ne peut envoyer plus que les missions Chang'e 5 et 6 actuelles, c'est-à-dire entre 6 et 7 tonnes vers notre satellite naturel. Il faudra donc un lanceur super-lourd, une SLS ou un Starship « à la chinoise ». Et ce dernier est également en préparation, c'est le CZ-10.
CZ-9, CZ-10, en attendant les lanceurs géants
Longtemps, les observateurs du programme spatial chinois ont été amenés à penser que le futur « lanceur géant » consacré au programme lunaire serait la future CZ-9. Mais cette dernière, gigantesque avec ses 9 mètres de diamètre et son étage principal réutilisable, ne viendra finalement qu'en second volet.
C'est la plus petite CZ-10 (5 mètres de diamètre, et entre 80 et 96 mètres de haut, selon la version) qui est développée pour envoyer Mengzhou en orbite. D'abord avec une variante à un seul étage central, capable d'emporter le véhicule en orbite basse (ou LEO), puis une impressionnante version avec deux boosters supplémentaires de 5 mètres de diamètre, un sur chaque flanc. Réutilisable, cet ensemble pourrait embarquer environ 27 tonnes jusqu'à l'orbite lunaire, un chiffre clé à la fois pour Mengzhou et Lan Yue : les deux utiliseront CZ-10 pour rejoindre la Lune, après quoi ils s'amarreront l'un à l'autre.
Il n'existe pas beaucoup de visuels de CZ-10, à l'exception de maquettes pour l'instant, mais le projet est concret. Le site de lancement est en construction à Wenchang, site qui abrite déjà les CZ-5 et CZ-7 du programme chinois, et qui est en pleine expansion. Les moteurs de CZ-10 (il y en a 7 par étage), réutilisables, sont eux aussi testés au sol avec un programme intensif. Le premier vol de cette fusée, dans une version simple, pourrait avoir lieu en 2025-26. Trop tard pour enquiquiner les américains et leur "tour de la Lune" avec Artemis II, mais assez proche pour laisser penser que leur effort pour se poser sur la Lune aura bien lieu avant 2030.
D'autre part, si l'objectif de la première mission pour poser le pied sur la Lune est connu, le nombre d'étapes intermédiaires n'a pas été révélé. Combien de fois Mengzhou volera-t-elle avant de partir pour la Lune ? Combien de tests avec ou sans astronautes à bord ? Et combien de missions au profil similaire à celles d'Apollo pour tester le vol autour de la Lune, ou les amarrages lunaires ? En réalité, avec ses missions Chang'e, le décollage lunaire, les rendez-vous lointains, la communication lunaire sur le long terme ou les manœuvres pour arriver et repartir de la Lune, la Chine les connaît déjà sur le bout des doigts. Reste à savoir si la confiance est telle qu'il sera possible d'y envoyer directement des astronautes.
Poser le pied sur la Lune… Et après ?
L'avantage de disposer de deux véhicules différents pour rejoindre la Lune et s'y poser, c'est que l'un et l'autre pourront évoluer. En effet, la Chine a plus d'ambitions que « simplement » rester quelques heures sur la surface. À l'aide de moyens robotisés, elle souhaite mettre en place une véritable petite station lunaire occasionnellement habitée, l'ILRS (International Lunar Research Station).
Mengzhou et ses 3 occupants seront peut-être un peu à l'étroit après les premières missions, il n'est donc pas interdit d'envisager une évolution en fonction des capacités du lanceur. De la même façon pour Lan Yue, une version réutilisable est sans doute à l'étude (le véhicule actuel largue son « étage de freinage » après la descente lunaire). Mais ce ne sera pas pour tout de suite. Il faudra être patients, et surtout que la Chine dévoile une partie de ses plans après celui qui consistera à se poser et à planter son drapeau sur la Lune. Un défi à la hauteur des moyens engagés.
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