Pour emmener et assembler de grandes structures en orbite, il va falloir muscler les lanceurs européens. Alors l'ESA lance Protein ! Au sein du projet, ArianeGroup et Rocket Factory Augsburg planchent sur de nouveaux designs pour une fusée lourde, performante et la moins chère possible.
Pas question de s'attendre à les voir avant la prochaine décennie, c'est pour plus tard.
Champion super-lourd
Le monde est à nouveau entré, l'an dernier avec le décollage de la fusée SLS, dans une ère de lanceurs « super lourds », capables d'emmener 70 ou même plus de 100 tonnes de charge utile vers l'orbite terrestre. Des vitrines technologiques autant que des défis industriels… qui coûtent cher, très cher et qui doivent donc être justifiés par leurs objectifs. SLS est une brique indispensable aujourd'hui pour emmener la capsule Orion autour de la Lune dans le projet Artemis. Starship, autre « super-lourd », sera utilisé par SpaceX pour sa stratégie commerciale (déploiement de Starlink) mais aussi pour des missions lunaires, des missions habitées et même, si l'objectif de long terme est tenu, pour des missions martiennes de grande envergure. Les États-Unis ne sont d'ailleurs pas les seuls avec ce genre de fusées. Les CZ-9 et 10 en préparation en Chine soutiendront leurs projets lunaires, le projet Lenisseï en Russie idem, s'il voit le jour.
Et en Europe ? Jusqu'ici, les besoins de l'ESA ne pouvaient véritablement pousser à la dépense, tandis qu'Ariane 6 promet déjà des capacités adaptées. Mais dans la décennie à venir, ces besoins sont justement appelés à évoluer… vers des projets lourds, avec de grandes charges utiles. L'ESA doit-elle se doter d'un lanceur lourd ? Est-il possible d'en développer un en tenant compte de nos contraintes budgétaires, et en tirant parti de notre industrie existante ? Avec le NewSpace ? Combien cela pourrait-il coûter, et pour quel résultat ?
Lipides, glucides, protéines
Pour répondre à ces questions en amont, mais aussi pour se donner une meilleure idée de ce que les industriels pourraient proposer, l'ESA a lancé (sans grande pompe) son projet nommé PROTEIN. Un acronyme de euroPean Reusable and cOsThEavy lift transport InvestigatioN, Vous remarquerez au passage que comme l'ESA imagine un lanceur lourd qui devra décoller régulièrement, l'étude sera centrée sur une solution réutilisable. Il se trouve que l'Europe envisage justement des projets à large envergure comme la construction de centrales solaires orbitales (Solaris), ou le stockage de données souverain (Ascend), mais aussi la mise en orbite de véhicules de service (ISTV, In-Space Transportation Vehicles), voire des missions vers l'espace lointain. Une étude sur un lanceur super-lourd réutilisable, d'autant qu'il y en a d'autres en développement dans le monde, ne paraît donc pas superflue.
Oldspace et Newspace
L'ESA a confié la tâche à deux industriels, qui devront rendre un épais dossier en septembre prochain. Et le choix est intéressant. On y retrouve ArianeGroup, le maître d'œuvre du lanceur Ariane 6. Lorsque celle-ci sera en opération, l'ESA avait déjà confié un premier volet au groupe européen pour améliorer ses capacités… Il est donc possible que la solution proposée repose sur un mix « protéiné » avec ce que l'ESA finance déjà comme technologies à court et moyen terme. Mais l'agence a aussi fait confiance à un groupe plus jeune et fer de lance du « NewSpace » européen avec RFA, Rocket Factory Augsburg. La jeune pousse munichoise proposera sans doute un concept plus disruptif, puisque le lanceur « One » sur lequel elle travaille actuellement n'a aucune capacité lourde. Gageons toutefois qu'avec leur ambition et leur volonté de bousculer le marché européen, le concept de RFA sera taillé pour rêver !
Gare toutefois à ne pas trop s'émoustiller, PROTEIN est avant tout une étude… Pour l'instant.
Source : air-cosmos.com