Antonio Casilli : "le Troll enrichit la qualité du Web"

Olivier Robillart
Publié le 24 novembre 2010 à 15h25
Sociologue-chercheur auprès du Cnrs et de l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales), Antonio Casilli avait fait paraître un ouvrage consacré au web. Dans le livre intitulé, « Les liaisons numériques » (édition du Seuil), le spécialiste consacre un chapitre aux trolls. Les velus peuvent-ils vivre tranquillement ?

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Pouvez-vous donner une brève définition du troll et des conséquences d'une telle activité sur un environnement numérique ?
Un troll est un usager d'un service en ligne qui pour une raison personnelle ou interactionnelle va commencer à bombarder un site de commentaires désobligeants. Ces propos vont entraîner une dynamique d'échanges que je qualifierais de moins en moins civilisée.
Après, il faut bien comprendre qu'un troll ne doit être défini selon un individu mais selon un processus social. Un commentaire peut-être anodin dans un contexte donné mais pas dans un autre. Tout est question de code et de contexte.

Quels sont les motifs qui peuvent pousser un internaute à troller?
Il y a sans doute des motivations personnelles qui poussent un commentateur à donner son avis mais ce n'est pas la bonne justification. Nous sommes dans une société où l'on a exclu la possibilité d'avoir de « mauvais comportements », qui dépassent les limites, le trolling entre alors dans un phénomène d'expression plus vaste. Le Web permet une certaine opacité, briser les règles devient donc un élément de richesse. C'est un moyen de faire exploser des barrières sociales mais aussi de communication. Un peu comme le hacking ou le téléchargement illégal, c'est une manière d'être « au dessus » de la mêlée...

Nous sommes donc en face d'une réaction à un ordre établi, dans le cas d'un forum, le troll vise-t-il à contrer le pouvoir des modérateurs, des rédacteurs ?
Le troll introduit un élément perturbateur au sein d'une communauté. Pour cela, on peut le situer dans le bas de l'échelle hiérarchique. La meilleure réponse pour le contrer reste encore l'autorégulation ou des formes souples de répression. Le troll sera montré du doigt par l'ensemble de la communauté et perdra toute crédibilité.
Mais il faut bien comprendre que la censure n'est pas la meilleure solution car le troll a aussi de bons côtés. Il est là pour enrichir l'expérience, la qualité du Web...

Est-il possible de dresser un portait robot d'un troll ? L'identifier plus facilement afin de cerner au mieux ses motivations.
Encore une fois, cela dépend du contexte. Prenons par exemple Wikipédia, le troll qui ira « vandaliser » certaines pages peut ressembler à n'importe qui. De même, le troll n'est pas forcément du sexe masculin, une étude a révélé que sur le site MySpace, les femmes étaient largement présentes dans le flot de critiques. Mais s'il faut dresser un portrait robot, on parle d'un usager type, plutôt jeune, curieux et imprégné de la culture Geek-pop.

Existe-t-il des professions sujettes au troll. Les hommes politiques sont-ils des trolls en puissance ?
Oui, les politiques en sont lorsqu'ils s'embarquent sur des sujets ou des services qu'ils ne maîtrisent pas. Ils sont mal placés, alors ils trollent. La plupart n'ont pas compris qu'Internet n'est pas une interface technique mais sociale. Du coup, ils prennent parfois la parole de manière inadaptée. Et là, on est bien souvent dans du pur troll...
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