Selon la World Toilet Organisation, l'être humain se rend, en moyenne, entre 6 à 8 fois aux toilettes dans une journée, soit environ 2500 fois par an, et y passe approximativement 3 ans de sa vie. Clairement, ce n'est pas rien. De fait, nombreux sont les gens qui en profitent pour faire autre chose, comme dormir, lire, ou utiliser un appareil mobile. Tout n'est qu'une question d'optimisation du temps.
Devine d'où je t'appelle ?
En 2011, une étude menée par Staples Advantage révélait que 35% des utilisateurs de tablettes utilisent fréquemment leurs appareils aux petits coins. Une étude réalisée en Grande-Bretagne en 2012 démontrait pour sa part que sur 1000 personnes interrogées, 750 admettent utiliser leur téléphone aux toilettes pour surfer, jouer ou envoyer des SMS. Fin 2013, une étude IPSOS réalisée pour Microsoft soulignait quant à elle que 50% des jeunes de 15 à 24 ans utilisent également leur smartphone aux petits coins. En clair, aller aux cabinets est souvent un moment privilégié pour communiquer ou s'informer, ce qui n'est pas banal quand on y pense.Le paradoxe, c'est qu'un téléphone peut contenir jusqu'à 500 fois plus que bactéries qu'un siège de toilettes et ça, de nombreuses études l'ont démontré ces dernières années. En 2010, des chercheurs de Manchester déclaraient que « parmi ces ennemis intimes qui s'invitent au creux de vos oreilles ou au bord de vos lèvres, on retrouve un vivier de bébêtes microscopiques, allant d'Escherichia coli aux salmonelles, en passant par les streptocoques ou staphylocoques dorés ». Quand on sait que la bactérie e-coli se trouve dans les intestins, on devine assez bien comment elles peuvent atterrir sur un téléphone. Même constat dans une étude menée à Chicago en 2012, dont la conclusion pourrait être « lavez-vous les mains en sortant des petits coins ».
Mais la relation entre le téléphone portable et les waters ne débute pas forcément sur le trône de faïence. En 2008, alors qu'il n'était pas encore question de surfer sur Facebook avec le pantalon sur les genoux, la Finlande avait mis en place des toilettes publiques dont la gratuité était compensée par la nécessité d'envoyer un SMS non-surtaxé pour en ouvrir l'accès. Un moyen comme un autre d'éviter le vandalisme de ce lieu souvent salvateur. Dans une telle situation, on comprend bien l'intérêt de disposer de son terminal sur soi. La bonne excuse, en somme. Et si, aujourd'hui, les toilettes publiques se font plus rares, il est toujours possible de visualiser sur Internet les endroits où se soulager proposés par les entreprises et particuliers sur le bien nommé AirPnP.
L'osmose entre les toilettes et le téléphone s'avère finalement assez évidente. Et ce n'est probablement pas un hasard si, dans un sondage réalisé en 2011 par le musée des sciences de Londres, le mobile arrive juste derrière les toilettes dans la liste des éléments essentiels à la vie des personnes interrogées. On ne change pas une équipe qui gagne.
Un haut lieu de technologie
Dans un monde où les objets connectés se font de plus en plus présents, les toilettes n'ont pas attendu une révolution technologique pour imposer leur style. Au Japon, les toilettes électroniques sont même inscrites au patrimoine national. Il faut dire que, chez les Nippons, les fameuses Washlet-G existent depuis 1980 et qu'il est impossible d'y couper. D'ailleurs, tout technophile qui se respecte devrait envisager un voyage au pays du soleil levant au moins pour tenter cette expérience, dont on ne revient assurément pas indemne.Mais la technologie a ses limites et ses contraintes, et quand on invente des toilettes qui se connectent à un smartphone, mieux vaut s'assurer d'avoir comblé toutes les failles - et non pas bouché tous les trous, ce qui complique leur utilisation. La firme Lixil en a fait l'expérience avec Satis, un siège de toilette dont les paramètres peuvent se régler sur un smartphone. Grâce à une application installée sur le téléphone, le siège de toilette est capable de reconnaître les habitudes de l'utilisateur et d'ajuster des fonctionnalités au besoin. Pour se sentir chez soi aux cabinets, il faut débourser entre 1800 et 3500 euros.
Le problème, c'est que ce concentré de technologies essentielles a été mis en vente avec une faille de sécurité qui a interpellé les experts de Trustwave Holdings. Pour résumer, la connexion en Bluetooth n'était pas sécurisée, ce qui permettait à n'importe qui passant à proximité des toilettes d'en prendre le contrôle à distance. « Les attaquants pourraient utiliser l'appareil pour ouvrir et fermer inopinément le couvercle, activer la fonction séchage et le jet, ce qui peut provoquer un inconfort ou un sentiment de détresse pour l'utilisateur » expliquaient alors les chercheurs. Les toilettes hantées, les réalisateurs de films d'horreur japonais n'avaient pas encore osé, mais Lixil l'a fait. Espérons que la faille a été corrigée depuis !
Si les toilettes high-tech ne sont pas forcément accessibles à tous, il existe des solutions pour rendre l'endroit plus connecté. Intel, par exemple, propose depuis 2012 dans ses locaux californiens un système de QR Code à flasher en cas de problème dans les cabinets - et, par problème, comprenez l'absence de papier toilettes. D'ailleurs, sur ce point, on peut également opter pour un dévidoir à papier toilette connecté, qui vous prévient lorsque vous arrivez au bout du rouleau. Bienvenue dans le futur !
Mais les toilettes connectées peuvent également être utilisées à des fins de réflexion : à Toronto en mai dernier, à l'occasion de la conférence CHI 2014, les Quantified Toilet ont fait parler d'elles. Non seulement elles enregistraient les données de leurs utilisateurs à leur insu, mais elles publiaient également certaines informations en temps réel. Sexe de l'utilisateur, quantité d'urine déposée, odeur, drogues détectées... on imagine facilement les dérives d'un tel appareil s'il était utilisé dans certains contextes. Finalement, la conclusion est la même que pour n'importe quel objet connecté : utilisé avec parcimonie et pour le bien-être de ses utilisateurs, l'expérience est agréable... mais gare aux dérives !