L'agence souhaite utiliser la technologie de reconnaissance faciale de la société britannique Yoti, censée respecter la vie privée des utilisateurs. Une promesse difficile à tenir, selon les critiques, qui craignent un débordement généralisé de la part de l'industrie du numérique et des gouvernements sur la question du contrôle de l'âge des mineurs.
L'ESRB, l'organisation qui classifie les logiciels de divertissement en Amérique du Nord, a déposé une demande auprès de la FTC pour pouvoir déployer de tels outils afin de mieux faire respecter ses restrictions d'âge. Du moins, dans certaines situations.
Une technologie capable de rapidement déterminer l'âge de l'utilisateur
Depuis de nombreuses années, les jeux vidéo sont soumis à des limites d'âge, plus ou moins respectées par les parents et les enfants, tant il peut être difficile ou peu pratique d'en restreindre l'accès quand cela est nécessaire. Cependant, les technologies évoluent rapidement et des solutions pourraient rendre ce processus plus facile.
C'est du moins la promesse de Yoti. L'entreprise londonienne développe des solutions de reconnaissance faciale, dont l'une est capable de déterminer l'âge d'une personne à partir d'un selfie, et c'est cette dernière qui intéresse l'ESRB. Dans sa demande faite auprès de la FTC et rapportée par Gizmodo, l'agence propose de l'utiliser en complément des systèmes de vérification de l'âge déjà en place ou prochainement déployés par certains services et gouvernements.
Pour l'instant, il n'est pas prévu d'utiliser l'outil pour empêcher les enfants d'acheter des jeux dont la classification est restrictive. « Si un joueur ou un utilisateur souhaite s'inscrire à un nouveau service et qu'il a moins de 13 ans, il lui sera demandé de fournir l'adresse électronique de ses parents pour y accéder », explique un porte-parole de l'ESRB. Les internautes seraient invités à soumettre un selfie à Yoti, lequel serait en mesure de déterminer leur âge avec précision en près d'une seconde. Selon le cas, un courriel ou une notification permettra à un parent de donner son accord pour que l'enfant puisse créer un compte ou non.
Une idée dans l'air du temps
L'agence américaine et Yoti précisent qu'il ne sera pas possible de tricher, en soumettant la photo d'un des parents pour contourner le système par exemple, et les clichés de mauvaise qualité ne seraient pas pris en compte. S'il ne faut pas sous-estimer l'inventivité de nos petits, l'outil semble tout de même assez robuste pour que l'ESRB lui fasse confiance.
Cependant, la plus grande faille de cette démarche réside dans la protection de la vie privée et des données des utilisateurs, même si l'entreprise britannique assure qu'elle ne conservera jamais les clichés qui lui sont envoyés. Selon elle, son outil ne permettrait pas « d'établir l'identité d'une personne », ce qui le différencie d'autres systèmes de reconnaissance faciale. Pour Julie Dawson, responsable chez Yoti, « l'estimation de l'âge par reconnaissance faciale peut confirmer qu'une personne est adulte sans que l'utilisateur n'ait à fournir d'informations personnelles supplémentaires ». Ce qui en ferait une solution préférable à celles nécessitant des numéros de cartes bancaires ou des documents d'identité.
Les critiques soulignent également les difficultés qu'ont ces technologies à être pleinement inclusives, notamment en ce qui concerne l'identification des personnes de couleur, ce qui n'a pas été sans poser de problèmes ces derniers temps. Si l'ESRB et Yoti affirment que leur système a un taux d'erreur « très faible », il sera certainement difficile de convaincre tout le monde.
Cette demande intervient alors que le sujet de la vérification de l'âge des mineurs dans le monde numérique devient un enjeu important pour de nombreux gouvernements, à l'instar de l’État français qui y travaille d'arrache-pied depuis plusieurs mois. Cependant, les solutions pour mettre en place des restrictions ne font pas l'unanimité et beaucoup craignent des dérives. Selon Albert Fox Cahn, directeur du Surveillance Technology Oversight Project, « ce type de pratique constitue une menace sérieuse pour la promesse d'un Internet ouvert », avant d'ajouter : « Le fait que l'ESRB explore à cette fin une technologie invasive, biaisée et sujette aux erreurs, telle que la reconnaissance faciale, est encore plus inquiétant. »
Source : Gizmodo