Rebootée en 2013 avec un certain brio, la saga Tomb Raider livre le dernier volet de sa trilogie avec Shadow of the Tomb Raider. Un chapitre duquel on ressort aussi satisfait qu'échaudé. La faute, notamment, à une formule dont on a déjà fait le tour deux fois.
La promotion autour du dernier volet de la trilogie bâtie par Crystal Dynamics laissant entrevoir un épisode qui n'avait pas grand-chose de neuf à proposer. Du moins dans son gameplay. Car la grande promesse de ce Shadow of the Tomb Raider, c'est celle du basculement psychologique de son héroïne Lara Croft.
Les trailers ne montraient d'ailleurs pas autre chose qu'une Lara Croft aux faux airs de Predator, traquant, grimpant, éviscérant et massacrant ses antagonistes de Trinity à tour de bras. Pari réussi sur ce point ? Partiellement.
Sans l'ombre d'un changement
Après un épisode inaugural sur une île perdue au large du Japon et une épopée plus grandiose dans le froid sibérien, c'est au Mexique et au Pérou que nous emmène Shadow of the Tomb Raider. La fuite en avant de Lara Croft pour terminer les recherches de son défunt papounet la mène à la quête d'une relique précolombienne censée avoir le pouvoir de « refaire le monde ». Autrement dit : le détruire pour mieux le façonner à l'image de son détenteur.Vous l'avez compris : Trinity est une nouvelle fois dans le coup, et Lara Croft, toujours accompagnée de son fidèle Jonah, a pour mission d'empêcher la secte de s'en emparer. Seulement voilà, si on en est là, c'est précisément parce que Lara a permis aux trinitaires de mettre la main sur ladite relique.
« une Lara Croft qui ne semble plus rien avoir à perdre »
En bon roman d'apprentissage qu'il est Shadow of the Tomb Raider met ainsi en avant les doutes et regrets d'une Lara Croft qui ne semble plus rien avoir à perdre. Une emphase sur la psyché d'un personnage plutôt lisse qui fait plaisir à découvrir, même si elle reste très superficielle. Dommage que les saynètes mettant en avant ces doutes et regrets se voient quasi systématiquement douchées par un énième gunfight peu inspiré.
D'autant plus dommage que les mécaniques de gameplay n'ont guère évolué depuis Rise of the Tomb Raider, sorti il y a deux ans. Cette suite ne semble ainsi qu'une bête transposition de mécaniques vues, revues, digérées et prémâchées par des années « d'inspiration » plus ou moins prononcée puisée du côté de Naughty Dog et d'Uncharted.
De victime à prédatrice
On applaudit malgré tout l'évolution que Crystal Dynamics a offerte à son héroïne. Nous avons tous en mémoire les misères par lesquelles est passée Lara au cours du premier épisode. Jamais avare en os brisés, en flèche logée dans l'abdomen et en cavités étroites à traverser, Tomb Raider cuvée 2013 laissait progressivement place à une Lara plus sûre d'elle, au point de ne plus s'émouvoir, déjà, du massacre de ses ennemis jurés de Trinity dès le deuxième épisode.« offre à Lara Croft de vrais moments de furie sanguinaire »
Ce troisième et dernier volet va plus loin dans la démarche, et offre à Lara Croft de vrais moments de furie sanguinaire. Une mise en scène parfois un brin ridicule (Lara qui se relève triomphante devant un mur de flamme...), qui contribue pourtant à faire passer la pilleuse de tombe de victime fragile à héroïne badass.
Aussi ce nouvel épisode incorpore à sa recette quelques petits ajouts bienvenus pour rendre les phases de combat plus intéressantes. Lara peut désormais s'enduire de boue afin de se dissimuler plus facilement dans les fourrés et ainsi faciliter l'infiltration. Une idée judicieuse, même si l'intelligence artificielle ne rend jamais justice aux efforts que l'on produit pour se rendre invisible aux yeux des ennemis. C'est bien simple : les soldats de Trinity sont au moins aussi sourds qu'aveugles, au point qu'on ne se sent rarement vraiment en danger.
L'arsenal de Lara ne se trouve d'ailleurs pas beaucoup plus fourni par rapport à l'épisode précédent. La jeune britannique ne renoue toujours pas d'amour avec les emblématiques pistolets HK USP Match, mais se fait meilleure archère que jamais.
Un fusil d'assaut, un pistolet 9mm et un fusil à pompe complètent le râtelier de Lara, ainsi que d'autres armes plus exotiques à acquérir auprès des marchands. Un peu excessif, tant l'approche bourrine semble s'éloigner de l'essence même du jeu. De plus, les compétences à débloquer ne disent pas autre chose en ne proposant quasiment que des améliorations de vos techniques d'infiltration.
Sauver le monde en prenant son temps
Il est extrêmement difficile de concilier scénario catastrophe et monde semi-ouvert. Lara Croft est censée sauver le monde de la destruction, mais, sans cesse, le jeu l'invite à s'aventurer dans cette crypte qui lui débloquera une nouvelle tenue, ou dans ce tombeau qui lui déverrouillera l'accès à une compétence inédite. Le chemin de l'aventurière est bardé de distractions qui, si elles sont plutôt bien amenées et agréables à suivre, créent une dissonance avec l'urgence de la situation.Du reste, ce genre d'activité est plutôt rafraîchissante, et s'intègre fort bien à l'environnement luxuriant créé par les équipes de Crystal Dynamics. Elles vous permettent d'en apprendre davantage sur les lieux, et vous feront gagner de l'expérience assez facilement. Shadow of the Tomb Raider reprend l'une des features les plus agréables de son prédécesseur avec l'apprentissage des langages vernaculaires. Des découvertes qui vous mèneront, elles aussi, vers de nouvelles tombes à piller. On ne se refait pas.
« Un soin tout particulier a été apporté à rendre ces endroits vivants »
Ceci étant dit, il faut reconnaître aux équipes artistiques un certain talent pour créer des panoramas ravissants. La partie du monde s'y prête, certes, mais une impression d'immensité nous agrippe et ne nous lâche jamais, même si notre marge de mouvements est plutôt limitée. On s'extasie devant la représentation de la jungle péruvienne, mais on admire d'autant plus les villages qui borderont la route de votre aventure. Un soin tout particulier a été apporté à rendre ces endroits vivants, et Lara pourra converser avec de nombreux badauds pour ajouter un peu plus de crédibilité à tout cela.
On regrettera néanmoins que si les autochtones parlent espagnol, Lara s'évertue à leur répondre en anglais, sans que cela ne gêne personne. Ce qui nous permet d'ailleurs d'aborder la version française du jeu, d'un niveau de médiocrité au moins égal aux précédents épisodes. Shadow of the Tomb Raider parvient même à foirer une partie des sous-titres français. Balèse.
Enfin, la difficulté du jeu est plutôt équilibrée, à l'exception du boss de fin qui, en difficulté maximale, vous donnera des envies de fulguropoing dans votre écran. Crystal Dynamics a tenu à inclure un système permettant de régler finement la difficulté de son jeu. On trouve ainsi un degré de difficulté attaché aux combats, un autre à l'exploration et un autre à la résolution d'énigmes. Plutôt pratique, et immersif : le curseur dédié à l'exploration faisant ainsi disparaître progressivement les taches blanches indiquant où se diriger pour poursuivre l'aventure.
La fin des fins
Sur la petite quinzaine d'heures que compte la dernière aventure de Lara Croft, on en passe 6 à croire profondément à la promesse d'un épisode plus sombre, plus adulte.Les 6 suivantes tempèrent nos espérances, et nous abreuvent simplement de tout ce que l'on a pu apprécier dans les précédents épisodes.
Enfin, les 3 dernières ruinent les efforts des premières heures en nous donnant en pâture une bouillie scénaristique dont on sait qu'il ne ressortira rien de bon.
Shadow of the Tomb Raider n'est pas un mauvais jeu. Il manque simplement d'audace. En cela, il constitue une piètre conclusion pour une trilogie qui avait tout pour plaire.