Qu'il s'agisse d'une nouvelle découverte ou d'un astéroïde géocroiseur revenant à proximité de la Terre après plusieurs années, vous allez voir de nombreuses informations erronées. De la fake news à la mauvaise traduction, faisons un peu le tour des écueils à éviter. Et surtout, souvenez-vous : pas de panique.
Et une bonne dose d'indulgence…
Cet astéroïde va-t-il frôler la Terre ?
Tout d'abord, il faut revenir un peu sur ce que sont les astéroïdes géocroiseurs. Du moment qu'il s'agit de corps mineurs du Système solaire et que leur orbite passe à moins de 200 millions de kilomètres du Soleil (ou 1,3 unité astronomique), ils entrent dans cette catégorie. Inutile de le préciser, mais cette dernière compte évidemment des dizaines de milliers de membres, dont plusieurs milliers sont découverts chaque année. Ils sont d'ailleurs répartis en différentes familles (Apollon, Aten, Amor, Atira), mais ce n'est pas le sujet du jour. Ce qu'il faut retenir, c'est que les géocroiseurs (ou NEO, pour Near Earth Objects en anglais) ne sont pas nécessairement proches de la Terre.
Mieux, parmi ces géocroiseurs, on retrouve les objets « potentiellement dangereux ». Cela fait toujours hausser un sourcil lorsqu'on lit un article : voici un astéroïde géocroiseur potentiellement dangereux. Mais là encore, c'est une étiquette qui ne reflète pas réellement le risque. En effet, un PHO (Potentially Hazardous Object) est un astéroïde géocroiseur brillant ou d'au moins 140 mètres de diamètre, amené à passer à moins de 20 fois la distance Terre-Lune, soit la bagatelle de 7,7 millions de kilomètres. Eh oui, ils ont reçu cette étiquette car ils ont été, ou pourraient être (notez bien le conditionnel), amenés dans les milliers d'années à venir à passer près de la Terre ou sur la trajectoire de la Terre.
Alors, à votre avis, est-il bien nécessaire d'écrire ou d'aller lire un article sur un astéroïde qui va « frôler » notre planète, sous prétexte que c'est un géocroiseur potentiellement dangereux ? Ce n'est pas à nous de juger, mais juste une information de fréquence : dans la seconde moitié du mois de mars 2023, ce sont au moins 8 astéroïdes géocroiseurs qui vont s'approcher de notre planète, et tous sont classés « potentiellement dangereux ». Aucun ne passera cependant à moins de 2,8 millions de kilomètres, ils auront donc autant d'influence sur vous que du sel de table manipulé en Islande, ou que votre signe astrologique.
Sa taille est exprimée en crocodiles du Nil : c'est pour vous faire cliquer
Il peut être scientifiquement intéressant d'observer un astéroïde géocroiseur, qui plus est un « potentiellement dangereux » lors de son passage près de la Terre. Cela permet de bien le documenter, de comprendre éventuellement d'où il vient, ou tout simplement d'affiner les estimations de sa taille et de sa masse. Mais en dehors de quelques clichés radars ou de passages extraordinairement rares d'astéroïdes suffisamment proches pour que les images puissent révéler quelque chose, on n'y verrait qu'un point ou une courbe spectrale qui permet d'analyser les matériaux. Pas très vendeur…
Mais ce n'est pas grave, la tendance est autre. Comme le public s'est un peu lassé de tous ces astéroïdes qui « frôlent » la Terre, et que la réputation des Américains avec le système de mesure international n'est plus à établir, les cotes des astéroïdes sont exprimées n'importe comment. Un rocher de 4 girafes de large, un autre gros comme 3 frigos, ou un pâté de maisons, 8 autobus… Tout pour se démarquer.
En réalité si quelques-uns des premiers titres d'article versaient dans la démesure avec humour, c'est devenu une pratique courante : pour râler, lire ou aller commenter, le public clique. Ironiquement, la NASA n'est pas étrangère à ce phénomène, à force de marteler que l'ISS est large comme un terrain de football et que les CubeSats font la taille d'une boîte à chaussures. Les comparaisons, pourquoi pas, mais quand c'est trop exotique, c'est qu'il n'y a rien d'autre à raconter.
Les agences spatiales font de bien mauvais complots
Certains voudraient parfois croire que les agences spatiales (saviez-vous que NASA, ça fait SATAN si on fait n'importe quoi avec 20 % de lettres en plus ?) cachent la présence d'astéroïdes de « fin du monde ». Si Hollywood a également utilisé ces ficelles, la réalité est bien plus ennuyeuse. En effet, les listings des découvertes d'astéroïdes sont générés automatiquement. Ils sont la plupart du temps découverts par des logiciels spécialisés à la suite d'observations qui font peu appel à l'humain.
Ce sont ensuite les scientifiques qui vont confirmer la présence (ou le faux positif), mais aussi affiner la trajectoire définie en observant les astéroïdes découverts pour pouvoir les classer dans les géocroiseurs, les « potentiellement dangereux », voire en les faisant monter dans les différents formats de « listes de risque ». Car oui, les agences comme la NASA et l'ESA ont bel et bien un classement public des astéroïdes qui vont passer au plus près de la Terre. Il est actualisé chaque jour ou presque en fonction des dernières observations.
Un simple exemple ? Le 26 février dernier, l'observatoire de l'Atacama a détecté 2023DW, d'environ 50 mètres de diamètre, qui est resté une dizaine de jours au sommet de la liste des astéroïdes les plus dangereux, la « risk list ». Mais les observations se multiplient, et les scientifiques ne calculent plus qu'un risque de collision le 14 février 2046, évalué à 1 sur 1 953. Ce processus est parfois lent. Les astéroïdes ont des trajectoires qui les conduisent parfois hors des champs de vue durant plusieurs mois… Il est toutefois public et rien n'est masqué. De la même façon, lorsqu'un petit astéroïde a été détecté à la mi-février quelques heures avant de traverser le ciel de Normandie, l'annonce a tout de suite été propagée.
Apprendre rapidement à faire le tri
Il n'y a actuellement aucun astéroïde, zéro, connu avec une trajectoire l'amenant à entrer en collision avec la Terre. Même Apophis, celui qui a longtemps fait peur à de nombreux prédicateurs et qui, pour le coup, frôlera vraiment la Terre à moins de 35 000 kilomètres d'écart en 2029. Cela ne veut pas dire que ça n'arrivera jamais.
Le plus simple, si vous lisez une annonce spectaculaire en ce sens, est d'aller vérifier par vous-même sur la fameuse « risk list », sur laquelle vous allez découvrir plusieurs nombres. Le premier est le diamètre, suivi par la date de l'approche de astéroïde vers la Terre, qui lui a donné sa place sur la liste.
Suivent la probabilité mathématique d'impact (IP) et deux indicateurs relatifs avec des échelles différentes, qui permettent avant tout de se faire une idée des risques d'impacts importants : l'échelle de Palerme (si elle est négative, il n'y a aucun risque avéré) et l'échelle de Turin (qui peut faire hausser les sourcils si elle dépasse 2). Si vous n'avez pas envie de les déchiffrer, il suffit d'observer ces valeurs et de ne pas oublier de regarder depuis quand l'astéroïde a été découvert. Si c'est moins d'un mois et que le risque de collision est dans plusieurs décennies, alors le calcul sera probablement affiné plus tard. Apophis avait très brièvement atteint une échelle de Palerme positive et une échelle de Turin de 4.
De façon plus prosaïque, il est même possible d'aller regarder les éphémérides de passage de l'astéroïde près de la Terre. Il y a un faible mais persistant risque d'impact si la distance minimale du survol de la Terre est inférieure à la marge d'erreur sur la trajectoire… Mais les probabilités et les échelles fixées plus haut donnent généralement une meilleure image globale de la situation.
Et si jamais on se faisait percuter ?
Toujours pas de panique. Si l'astéroïde ne fait que quelques mètres de diamètre, il n'y a rien à faire. Il va très certainement se consumer dans une splendide traînée lumineuse, que ce soit au-dessus de l'océan (c'est le plus probable, puisque cela représente 72 % de la surface de la Terre) ou juste au-dessus de chez vous. Notifiez le Geipan si jamais, cela peut aider les scientifiques à retrouver des morceaux d'astéroïdes. Si le caillou spatial est plus gros, eh bien, ça dépend. Un météore comme celui de Chelyabinsk en 2013 peut faire beaucoup de dégâts s'il est dense, malgré un diamètre compris entre 10 et 15 mètres. Pour ceux-ci, il faut espérer faire progresser nos moyens d'observation pour en détecter un maximum, mais ils ne présentent toujours pas de risque majeur.
Au-delà cependant, on peut estimer qu'il y a un danger avéré, et si jamais les observatoires détectaient un candidat avec une probabilité suffisamment élevée de collision, une mission pourrait être envoyée afin de le dévier. C'est l'avantage, depuis 2022, la méthode est considérée comme effective. Seul écueil, il faut du temps… Et plus l'astéroïde venant nous percuter sera gros, plus il faudra s'y prendre tôt pour espérer le dévier. Toutefois, pas d'inquiétude particulière : il en reste de moins en moins qui échappent aux détections. Et promis, si cela devait arriver, on ne râlera pas sur les articles d'actualité.