En comparant des images radars de la mission Magellan de la NASA autour de Vénus, le chercheur Robert Herrick a finalement réussi à trouver une preuve directe de volcanisme actif. Ce résultat était supposé depuis des décennies, et on le doit finalement en partie à… l'ennui généré par des heures de réunion.
Mais aussi à beaucoup de travail, l'ennui, ça ne fait pas tout !
Cette réunion aurait pu être un e-mail
C'est une découverte qui a le mérite de commencer dans le quotidien de millions de travailleurs au cœur de la pandémie de 2020 : un trop-plein de réunions Zoom. Robert Herrick, chercheur à l'Institut de géophysique de l'université de l'Alaska s'ennuie et décide d'utiliser ces heures « perdues » pour observer et comparer des images radars de Vénus.
Ces dernières sont issues de la mission Magellan, arrivée autour de la planète il y a presque 33 ans, en août 1990. Et contrairement à ce que l'on peut imaginer, les montagnes de données de cette mission, qui a duré quatre ans, n'ont pas toutes été entièrement exploitées. L'arrivée de l'exploitation numérique mène alors à envoyer aux chercheurs des piles de CD avec les « images », jusqu'à ce qu'elles soient renumérisées, indexées et stockées en ligne, deux décennies plus tard.
Die Hard : Vénus
La planète Vénus est entièrement recouverte de plusieurs couches nuageuses, à différentes altitudes, de différentes compositions et densités. La météorologie y est complexe, à une exception près. En effet, on sait qu'à la surface, c'est l'enfer tous les jours : 450 °C, un sol stérilisé par les pluies acides, des vents importants et une pression de surface de 75 bars environ. Toutefois, c'est la planète la plus proche de la Terre, avec une taille similaire et sans doute un processus de formation qui lui ressemble.
Est-elle donc si inactive que cela ? Depuis les missions soviétiques Venera dans les années 70, puis 80, les chercheurs soupçonnent différentes régions d'héberger des volcans actifs (car l'enfer ne serait pas complet sans des tremblements de terre et des coulées de lave). La mission Venus Express de l'ESA a ensuite posé des bases concluantes, mais sans pouvoir y apporter de preuve directe. C'est là qu'intervient la recherche de Robert Herrick.
Robert devient Volcano Man
Ce dernier s'est focalisé sur les relevés radars de deux volcans suspectés d'être actifs sur Venus, Ozza Mons et Maat Mons. L'orbite de la sonde Magellan ne permettait pas une revisite (passer au-dessus d'un point à un intervalle fixe pour des observations fixes) idéale, il a donc dû fouiller les données disponibles durant 200 heures environ, en les comparant manuellement. Et finalement, il a pu observer un changement qui avait eu lieu entre février et octobre 1991 sur la pente nord de Maat Mons. Le flanc du volcan a changé. Une zone de plusieurs kilomètres carrés n'est plus la même et présente toutes les caractéristiques d'une coulée de lave.
Mais s'il s'agissait d'un simple glissement de terrain ? Le chercheur a travaillé avec Scott Hensley, l'un de ses collègues au laboratoire JPL, qui a modélisé la zone et testé des dizaines de scénarios de simulation. Et bingo, c'est bien une coulée volcanique. La nouvelle fait grand bruit, car à moins d'observer directement la coulée en formation, on ne peut pas produire de preuve plus directe. C'est un progrès important pour mieux comprendre Vénus et ses processus internes, et qui fera peut-être même avancer la planétologie toute entière (jusqu'ici, on pensait que seules la Terre et la lune de Jupiter Io possédaient des volcans actifs). Et cela apporte des sites de choix à observer dans le futur !
In budgeto VERITAS
L'étape suivante est naturellement d'aller vérifier avec de nouvelles mesures, que ce soit pour cette zone en particulier ou pour l'étude par radar de la surface sur un nouvel intervalle de temps conséquent. Non seulement les radars se sont énormément améliorés, mais en plus, depuis Magellan, aucune autre sonde n'est partie compléter le travail.
Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle à ce sujet. La bonne, c'est que la NASA a déjà approuvé une mission avec une sonde radar vénusienne : VERITAS. Mais ironiquement, il faut savoir qu'après un audit lancé l'année dernière pour pointer les problèmes liés à la mission Psyché, le laboratoire JPL a été considérablement bridé… jusqu'à voir certains budgets taillés à la machette.
Cela touche directement VERITAS. Si la proposition de budget 2024 est acceptée, la mission ne recevra que 1,5 million de dollars, soit le salaire de la petite équipe consacrée. Le projet est donc à l'arrêt. Dans la communauté scientifique, l'article et la présentation officielle ne sont sortis que depuis deux jours, mais là aussi, le volcan gronde !
Source : NASA