La supergéante rouge est à nouveau de plus en plus lumineuse. L'occasion de revenir sur deux mois d'excitation autour de la fascinante Bételgeuse, entre réel intérêt scientifique et emballement médiatique.
On la voit, on la voit plus
Les premiers articles à son propos datent de début décembre. Bételgeuse, qui est habituellement facile à identifier dans un ciel étoilé (elle se trouve dans la constellation d'Orion) subit une baisse de luminosité... Intrigant ? Pas vraiment, car la supergéante rouge a un comportement variable : à des intervalles pas forcément réguliers, son intensité lumineuse peut baisser ou augmenter. Pourtant cette fois, il s'agit d'une baisse record, en 150 ans d'observation documentée de Bételgeuse, cette dernière n'ayant jamais brillé aussi faiblement dans le ciel.Pour les astronomes professionnels, c'est une occasion unique de profiter de nouveaux instruments pour suivre cette évolution avec précision et de bien la comprendre. Par exemple, Bételgeuse a continué, durant tout l'hiver, d'être l'étoile du ciel brillant le plus en infrarouge : dans ces longueurs d'ondes, il n'y a pas eu de variation.
Ne pas confondre...
Pourtant, l'emballement médiatique est sans commune mesure. Bételgeuse fait son apparition dans toutes les rédactions, tout simplement parce qu'elle va un jour... Exploser. La supergéante se transformera alors en supernova, c'est une certitude scientifique. Mais quand ? Il est impossible de le dire.Cela pourrait être arrivé il y a 650 ans (la lumière de Bételgeuse met environ 700 ans à nous parvenir), aujourd'hui ou dans un intervalle futur de 100 000 ans environ. Or cette transformation en supernova n'a malheureusement aucun rapport avec la baisse de luminosité observée : associer les deux événements n'a pas de sens. « J'aimerais bien savoir d'où cette rumeur est partie » se demande l'astronome et spécialiste de Bételgeuse Miguel Montargès dans une interview donnée en février, avant de rappeler « il n'y a rien qui puisse nous laisser penser qu'une baisse de luminosité va mener à une supernova [...]. Nous n'aurons aucune indication dans le domaine visible avant son explosion ».
G. Doyen est allé interviewer les astronomes M. Montargès et E. Lagadec
Oui, mais va-t-elle exploser ?
Amusés d'abord, puis ennuyés par cet amalgame et cette question qui leur a été posée tout l'hiver « l'explosion de Bételgeuse est-elle imminente ? » (à laquelle en bons scientifiques ils n'ont pu que répondre « on ne sait pas »), les astronomes vont pouvoir souffler un peu : la supergéante a repris du poil de la bête. Depuis mi-février, sa luminosité augmente régulièrement.Le temps de la recherche n'étant pas l'immédiateté médiatique, les véritables conclusions de cette baisse de luminosité record sont en cours d'interprétation et de rédaction, et feront l'objet de publications dans des revues à comité de lecture. À défaut, une partie du public aura découvert cette étonnante étoile, que l'on peut pour ainsi dire re-découvrir, grâce à la fascinante comparaison d'images issues de l'instrument SPHERE du Very Large Telescope de l'ESO au Chili (et que l'on doit à Miguel Montargès et son équipe).
On y voit son hémisphère Sud complètement masqué, ce qui indique qu'un événement a eu lieu à la surface, ou qu'une éjection entre la surface et notre point de vue masque partiellement l'étoile. Voir sa surface à 700 années lumière vaut déjà bien des articles...
Source : Guillaume Doyen via YouTube