En ce mois de mars 2020, à l'instar de nombreux autres secteurs et sur l'ensemble du globe, le secteur spatial est impacté par l'épidémie de coronavirus. Les agences réduisent notamment la voilure pour protéger leurs employés.
En Chine
En tant que premier pays touché par le COVID-19, on pourrait s'attendre à ce que le secteur spatial chinois soit particulièrement impacté. Pourtant, le « bouclage » de la région du Hubei, qui est l'une des plus actives, avec de nombreux sites de production industrielle, ne semble pas engendrer trop de retards sur les grands projets chinois.Le pays envisageait originellement 40 lancements orbitaux environ, sur l'ensemble de l'année ; et si seulement six décollages ont eu lieu pour le moment, rien ne semble compromis, la période de fin janvier à début février étant traditionnellement très calme, en raison des congés du Nouvel An et du retour de nombreux employés dans leurs familles. Les programmes prioritaires, comme le déploiement de la constellation de positionnement Beidou, la préparation de la mission vers Mars ou les opérations de Chang'E 4 sur la Lune ont donc, à priori, été préservés.
Toutefois, le secteur privé chinois et ses multiples start-up du « New Space » connaîtront peut-être plus de retards. En effet, plusieurs d'entre elles ont des attaches ou des sous-traitants à Wuhan. L'entreprise Expace, très active au second semestre 2019, n'a réalisé qu'un décollage à la mi-janvier. Les autres ? Silence radio pour le moment.
En France
Jusqu'au 16 mars, le CNES n'avait pas instauré de mesures particulières (outre des recommandations sanitaires), mais l'agence a récemment changé de cap et mis en œuvre un « plan de continuité d'activité » : sur les sites de Paris et Toulouse, les employés sont, dans leur grande majorité, renvoyés chez eux, et seules les activités strictement nécessaires sont maintenues sur place.Ces dernières comprennent les opérations et le maintien à poste des satellites, la gestion des activités des stations au sol et des services comme le Cospas-Sarsat et Galileo. Le changement le plus significatif a en fait eu lieu à quelques milliers de kilomètres de Paris : il s'agit de la fermeture du Centre Spatial Guyanais. Sur place, les lanceurs en cours d'assemblage et les satellites en préparation ont été mis en sécurité au début de la semaine. Les campagnes de vol seront bien sûr retardées (c'est le cas du retour en vol de Vega, ou du vol Soyouz pour le satellite émirati Falcon Eye 2) et les équipes ont progressivement quitté le site pour rentrer dans leurs nations respectives. Le chantier pour préparer et équiper le futur ensemble de lancement d'Ariane 6 est également à l'arrêt.
Le reste de l'Europe est dans le même cas de figure : télétravail et présence absolument minimale requise dans les différents centres de l'ESA. L'astronaute Thomas Pesquet , actuellement à Cologne et que l'on a vu s'entraîner en piscine au début du mois, devait se rendre, fin mars, au centre spatial Johnson pour démarrer sa formation en vue de sa prochaine mission, prévue fin 2021. Le voyage sera probablement reporté, mais son moral a l'air intact !
Aux Etats-Unis
La NASA n'a pas appliqué les mêmes directives à ses différents centres et à ses 17 000 collaborateurs, en raison de leur répartition sur l'ensemble du territoire américain : en effet, dans certains états les nombres de cas déclarés de COVID-19 sont faibles ou inexistants, là où d'autres sont plus durement impactés. L'agence spatiale américaine met donc en œuvre différents stades de confinement (c'est le « NASA Response Framework »).Ce 23 mars, tous les douze centres majeurs de la NASA sont au moins au stade 3 : le télétravail est obligatoire pour l'ensemble des employés, sauf ceux dont la mission requiert la présence effective, les crèches et cantines sont fermées, les meetings sont reportés et les voyages limités à ceux dont les missions sont critiques. Trois centres ( Ames en Californie, Stennis au Mississipi et Michoud en Louisiane) sont au stade 4. Ce dernier correspond à une évacuation totale du site, les équipements sont mis en sécurité et tous les déplacements sont interdits. Pour l'heure, l'agence a prévu que si tous ses centres devaient passer au stade 4, seuls les travaux sur le rover Perseverance se poursuivraient sur site en vue de son lancement en juillet.
En outre, si les missions déjà en cours devraient être quelque peu touchées, notamment parce que les équipes ne peuvent pas se réunir autant et travailler aussi efficacement que d'habitude, l'impact sur le plan des opérations devrait être relativement faible. L'enjeu le plus critique est surtout d'enregistrer et de stocker un maximum de données des différentes missions en cours ; ces informations pourront toujours être analysées dans un second temps ou depuis le domicile des équipes de chercheurs.
En Russie
Plutôt épargnée par la pandémie, la Russie a pour le moment mis en place des mesures limitées sur ses installations spatiales. Les délégations étrangères n'ont plus le droit de venir en Russie - et surtout pas à Baïkonour - et le prochain décollage à destination de l'ISS se fera sans l'habituelle caravane médiatique. Les procédures de quarantaine sont ainsi renforcées à Baïkonour pour les prochains équipages, notamment pour la conférence pré-vol qui se tiendra à l'extérieur du site. Les opérations, elles, continuent sans perturbation particulière. Deux lanceurs Soyouz ont décollé de Plesetsk en février et mars, tandis que 34 nouveaux satellites de la constellation OneWeb ont été lancés avec succès depuis Baïkonour, ce samedi 21 mars.Les entreprises privées
Pour les entreprises du secteur privé, les impacts dépendent essentiellement du pays dans lequel elles sont basées et dans lequel elles opèrent. Depuis mardi, les équipes d'Airbus Defense and Space à Toulouse sont en télétravail et organisent des rotations par équipes, qui n'ont ainsi pas de contact entre elles, pour les travaux réalisés directement sur les satellites. Ces tâches ne sont donc pas à l'arrêt, contrairement aux lancements (on apprend d'ailleurs la reprise partielle de la production à partir de ce lundi 23 mars).Virgin Galactic et Blue Origin ont pour leur part déployé des « task force », qui présentent chaque matin un rapport aux dirigeants, lesquels décident, en fonction des sites, si le travail sur place est autorisé. La préparation des prochains vols paraboliques de Blue Origin sera « sans doute perturbée ».
En Californie les grands sites de production sont censés être à l'arrêt, mais SpaceX maintient sans doute une partie des équipes en place, tandis que les travaux sur Starship au Texas ne semblent absolument pas perturbés : des équipes de plusieurs centaines d'ouvriers se relaient jour et nuit pour faire progresser le chantier.