Si vous aimez vos géantes bien gelées, Uranus est la destination de rêve. Unique à bien des égards, elle garde beaucoup de secrets, si loin du Soleil. Une sonde n'a pu l'approcher qu'une seule fois !
Loin des yeux, loin du cœur ?
Mais... Qu'est-ce que vous faites là ? Vous avez raté l'arrêt sur Saturne ? C'est qu'il ne reste plus grand monde pour étudier Uranus, en général. La première de nos deux géantes de glace réside à environ 2,9 milliards de kilomètres du Soleil, ce qui est terriblement lointain (presque quatre fois plus loin que Jupiter). Visible à l'œil nu dans un excellent ciel nocturne et en sachant précisément où regarder, elle est la première planète dont on peut dater la découverte : le 26 avril 1781 grâce à W. Herschel (même si elle était documentée avant... En tant qu'étoile).Uranus, selon les rares photos dont on dispose avec une bonne résolution, est une bille couleur nacre avec bien peu de variations en surface : piège visuel, puisque l'on suppose aujourd'hui des tempêtes épisodiques dans son atmosphère, jusqu'à 900 km/h.
Pâle, mais unique !
Uranus cache au béotien bien des surprises, en plus d'un jeu de mot sympathique, pour ceux qui apprennent l'anglais. Ses anneaux par exemple, sont les deuxièmes plus visibles du Système Solaire. Et c'est sans parler de son étrange rotation : la planète est couchée sur le plan de l'écliptique, avec un pôle incliné à 97°. Cela signifie que, sur place, les pôles font face au Soleil deux fois par an (et les nuits polaires durent 42 ans, soit plus que la durée de l'attente au service des cartes grises).Uranus est aussi la planète majeure la plus froide du Système Solaire (même en comptant Neptune, qui se trouve encore une étape plus loin). La sonde Voyager 2 y a mesuré -224°C à une altitude où la pression était équivalente à celle de l'atmosphère terrestre. Ce faible flux de chaleur, qui reste encore aujourd'hui inexpliqué même si la planète n'émet pas grand-chose, est l'une des raisons pour lesquelles la géante gelée semble pale et laiteuse. Mais sous les premières couches « immobiles », sa météorologie serait plus tourmentée.
Uranus vue depuis l'orbite terrestre par Hubble (et des relevés qui mettent en évidence des éléments non visibles à l'œil nu. © NASA/ESA/JPL/STScl
Nouveaux continents...
Si on connait aujourd'hui 27 lunes dans le système planétaire d'Uranus, il en existe sans doute quelques-unes supplémentaires que l'on pourrait découvrir en envoyant un véhicule passer du temps dans le voisinage. On en profiterait aussi pour observer pour la première fois, les satellites naturels déjà identifiés de cette étrange planète... Car on les connait très peu. Parmi eux il y a par exemple Miranda (474 km de diamètre) et ses étranges banquises de glace rectangulaires de centaines de kilomètres de long. Ou bien Umbriel (1 169 km) et sa sombre surface, pourtant essentiellement constituée de glace d'eau. Il a aussi les canyons gelés d'Ariel (1 159 km) et de Titania (1 578 km), ou encore les gigantesques cratères d'impact sur Oberon (1 523 km)... Mais leur composition, leur cartographie et leur passé, nous restent encore obscurs aujourd'hui. On sait juste qu'il y fait très froid !D'autant que c'est sans compter plus de la moitié des autres lunes plus petites, dont on ne connaît rien, à part les caractéristiques orbitales : découvertes grâce à des télescopes terrestres, ce sont de simples « points » sur la voûte céleste... Et tout un monde à découvrir ! Sérieusement, vous aviez déjà entendu parler de Sycorax et Trinculo ? Peut-être dans la littérature, car les lunes d'Uranus sont des personnages de Shakespeare ou d'Alexander Pope.
Visites limitées
Voyager 2 est l'unique sonde a avoir survolé Uranus, le 24 janvier 1986. Un trajet idéal, qui constituait une étape du « Grand Tour » de la NASA, mais qui fut aussi court ; en un seul survol, la plupart des lunes (c'est-à-dire, celles qui ont pu être photographiées) n'ont été vaguement cartographiées qu'à 40 % environ. Au cours de ce seul survol, la sonde a aussi pu définitivement décrire le système d'anneaux d'Uranus, et identifier dix nouvelles Lunes, étudier les rayonnements magnétiques et identifier des nuages dans l'atmosphère de la géante pâle. Une belle prouesse donc...Qui n'a jamais eu de suite. Et bientôt 35 ans plus tard, aucune autre visite n'est encore prévue.Pour un peu, Uranus ferait donc office de « mal aimée » de l'exploration spatiale. Même Neptune suscite plus d'intérêts, notamment grâce à sa lune Triton. Du coup, il est plus ou moins acquis aujourd'hui qu'Uranus gardera la majorité de ses secrets, au moins jusqu'en 2035 voire 2040. Une éventuelle mission chinoise paraît aujourd'hui être l'une des pistes les plus prometteuses pour continuer l'exploration de la géante.
On attend les autorisations pour des activités de cryorafting dans les canyons d'Ariel. © NASA/JPL-Caltech
Fun fact : Pour expliquer l'exceptionnelle inclinaison d'Uranus, plusieurs scénarios sont mis sur la table. Le plus probable d'entre eux reste celui d'une titanesque collision avec une protoplanète, qui aurait « couché » Uranus et l'aurait fait basculer sur son axe. Un impact à 72 000 km/h dont la géante ne se serait jamais relevée.
Notes touristiques :
- Voyage 2/10 : Neuf ans de trajet minimum pour se retrouver face à l'une des planètes les plus étranges et mal connues de tout le Système, c'est long. Mais le Tour des Lunes est encore inédit, alors si vous avez l'esprit d'aventure...
- Paysages 6/10 : Il faut aimer les perles, la glace, et tout ce qui, de façon générale, est froid et silencieux. Aussi, n'espérez pas trop profiter des pluies de diamants tant vantées aux pôles, à moins d'avoir confiance dans le vaisseau.
- Habitabilité 3/10 : Il y a moins de radiations qu'ailleurs, certes. Pour le reste, on devrait pouvoir vous trouver de belles cavernes de glaces sur les lunes locales. Car vous aimez la glace, non ?