Alors que les constructeurs européens calment le jeu sur le terrain de la voiture autonome au profit de l'électrification, les Japonais restent plus que jamais attirés par ses promesses. L'édition 2019 regorge de concepts sans conducteur mais déçoit en ce qui concerne la motorisation « zéro émission ».
Pour l'esprit européen, le calme, la fluidité et la parfaite organisation de la circulation tokyoïte prend déjà des airs de science-fiction. Malgré la densité de cette agglomération de 14 millions d'habitants, l'absence de péage urbain ou de restrictions de circulation, les embouteillages et les conflits entre usagers de la route y sont plutôt rares, chacun attendant patiemment son tour et personne n'ayant l'idée saugrenue de brûler un feu rouge ou de se garer en double file.
Si l'on ajoute à ce ballet parfaitement réglé la fascination et l'avance de ce pays pour la robotique, on comprend aisément qu'il ne renonce pas si facilement à l'idée de la voiture autonome. Elle est partout au Salon de Tokyo et constitue même le thème principal du stand Toyota, qui ne présente aucun véhicule de série, pas même la nouvelle Yaris, qui sera pourtant bien commercialisée au Japon.
En lieu et place, un spectacle célébrant la mobilité du futur grâce à plusieurs prototypes aussi futuristes que conceptuels. Les seuls nouveaux modèles du premier constructeur nippon sont présentés dans une exposition annexe sans aucune mise en scène. Il s'agit de la nouvelle génération de Miraï, l'une des très rares voitures à hydrogène de série et d'un petit concept de voiturette électrique pour personnes âgées ou nouveaux permis. Sur le stand de sa filiale Daihatsu, on découvre le petit bus Minico, autonome mais habité par un robot chargé d'accueillir les passagers : tout un programme !
La marque de luxe du groupe, Lexus, présente bien une véritable automobile sur le Salon sous la forme du très futuriste concept LF-30. Mais là encore, pas question de réalité immédiate en série.
Il met en valeur la prometteuse batterie à électrolyte solide sur laquelle le constructeur travaille activement. Rappelons que la technologie de ces accumulateurs plus robustes, qui n'utilisent pas de cobalt, est considérée comme le futur de la voiture électrique. Pour autant, Toyota ne pense pas pouvoir la proposer en série avant 2025.
Le culte des Kei
Parmi les nombreuses particularités du marché japonais, figurent les fameuses Kei cars. Cette catégorie de voitures correspond à un format de citadine défini par l'Etat qui limite leur longueur et leur largeur à 3,40 m et 1,48 m et leur cylindrée à 660 cm3. Ces modèles sont sans aucun doute les plus nombreux au Salon, ce qui correspond bien à leur place sur le marché local, où ils représentent 40 % des immatriculations. Malgré leur format lilliputien et leur sécurité passive inférieure aux voitures conventionnelles, ils se livrent une concurrence féroces au chapitre style et équipement.Les principaux constructeurs sont Dahaitsu, Mitsubishi et Suzuki avec ses délicieux Hustler et Spacia Gear. Ce dernier est même doté de l'affichage tête haute et de la vision 360° ! Pour autant, ces modèles sont massivement dotés de mécaniques essence parfois micro hybridées, Mitsubishi étant le seul pour l'instant à s'être aventuré à proposer une Kei électrique. Il s'agit bien entendu de la fameuse i-Miev, sœur jumelle des Peugeot ion et Citroën C-Zéro bien connues chez nous.
Nissan, la marque japonaise de loin la plus électrophile, présente cependant un prometteur concept, le IMk, doté d'un moteur électrique. Reste que le constructeur ne diffuse aucune information sur ses caractéristiques, et son arrivée en série paraît douteuse puisque c'est Mitsubishi qui réalise aujourd'hui les « Kei » de sa gamme.
Décevantes électriques
Si les concepts et les kei-cars sont très présents au Salon, il n'était aucunement question d'une avalanche de nouveautés électriques de série comme au dernier Salon de Francfort. La seule d'entre elles est en réalité le Mazda MX-30 dont les caractéristiques décevantes en matière d'autonomie ne sont pas sans rappeler la Honda-e déjà vue à Francfort.Avec respectivement 200 et 220 km annoncés, ces deux modèles sont très loin des dernières Renault ZOE, Peugeot 208 ou encore Volkswagen ID.3.
Pour les constructeurs japonais, l'électrique est encore réservé à des utilisations limitées, notamment en ville.
Derrière cette apparente timidité de la part d'un pays qui compte l'un des plus gros producteurs de batteries automobiles au monde, Panasonic, se cache une réalité réglementaire. Contrairement à l'Europe ou à la Chine, l'Etat japonais ne cherche pas pour l'instant à imposer ce type de motorisation. Aucune annonce n'a été faite concernant l'interdiction des thermiques comme en Europe et en Inde et il n'existe pas d'incitation financière importante à l'achat d'électriques.
Enfin, le réseau de recharge publique sur place reste encore relativement peu développé. En creux, on comprend combien l'avènement annoncé de la voiture électrique en Europe est avant tout une affaire de volonté politique.