"Les PME se mettront au numérique si on leur parle des usages"

Thomas Pontiroli
Publié le 11 février 2014 à 16h48
Délégué général de l'Association Transition Numérique Plus, Laurent Pontégnier fait le point sur la structure créée en 2012 pour accompagner les TPE/ PME dans leur transition vers le numérique.

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Laurent Pontégnier, DG ATN+

Quelle est la mission d'ATN+ ?

L'Association Transition Numérique Plus (ATN+) émane du programme gouvernemental Transition numérique. Partie du constat principal que l'adoption des outils numériques est plutôt d'ordre culturel, l'association veut y remédier en évangélisant les PME. C'est notamment le cas des plus petites, elles restent timides dans l'usage qu'elles font des outils numériques. Par exemple, à peine la moitié des entreprises de 10 à 20 salariés ont un site Internet, et une proportion encore plus faible l'utilise comme canal de vente.

Pourtant, le numérique permet aux PME de diminuer leurs coûts, d'augmenter leur visibilité et donc leur chiffre d'affaire, et d'améliorer la qualité de leur processus et de leurs produits. Pour les aider à se lancer, nous avons constitué un réseau de 500 conseillers en numérique, présents dans les chambres de commerce et de l'industrie (CCI). Ce sont eux nos interlocuteurs, et eux qui vont accompagner les petites entreprises dans leur transition en transmettant les bonnes pratiques de nos partenaires.

Quelles sont les actions menées ?

Nous fournissons du contenu à destination des conseillers, comme une newsletter et un webinar sur un thème défini chaque mois. Ce contenu est alimenté par nos membres, au nombre de cinquante. Nous comptons des sociétés comme Orange, Microsoft, Intel, Facebook, Solocal, Ciel, Fotolia mais aussi l'Afnic ou Bpifrance. Certains acteurs, comme le spécialiste des noms de domaine VeriSign vont plus loin en montant un site Internet comme votre-idee.net. C'est aussi une autre façon pour eux de faire connaître leurs produits.

Nous organisations également des universités d'été où nous réunissions les conseillers et les industriels. De workshops sont aussi organisés régulièrement en région où sont conviées les TPE et PME. Nous les mettons en lien avec les acteurs locaux comme par exemple l'Espace Moselle Numérique, qui accueille ces entreprises pour les sensibiliser gratuitement, mais aussi les former et effectuer un premier diagnostic (payant).

Quel bilan depuis la création d'ATN+ ?

C'est très positif, nous avons attiré beaucoup de conseillers qui sont passés de 200 à 500 en une année, et nous prévoyons d'atteindre le millier à la fin de l'année en cours (c'était l'objectif fixé pour 2013, ndlr). Le nombre de membres industriels progresse également. Parfois ils associent leurs offres pour créer des packages plus simples pour les entreprises, ce qui est le cas des sociétés françaises Gandi et OVH. Lorsque nous organisons des événements en région, ATN+ est de plus en plus identifiée par les entreprises.

Comment convaincre les PME ?

Je pense que ce programme portera ses fruits si les industriels réussissent à parler de façon concrète aux entreprises, en mettant le marketing de côté, et en se focalisant essentiellement sur les usages.

Les messages portés dans le cadre du programme sont conçus pour répondre aux besoins concrets des PME : comment gérer efficacement son fichier client, découvrir les nouveaux outils de mobilité, créer et faire vivre un site Web, externaliser sa gestion informatique ou sa paye, viser l'export grâce au numérique etc. Il y a aussi une défiance des CCI vis-à-vis des grands éditeurs, mais quand on parle usages, elles sont réceptives.




Quelles doivent être leurs priorités ?

Il faut d'abord savoir qu'à peine la moitié des entreprises de 10 à 20 salariés ont un site internet, et une proportion encore plus faible l'utilise comme canal de vente. Le premier chantier pour elles est donc bien sûr d'être présent en ligne. Dans un deuxième temps les entreprises doivent y développer leur activité commerciale, ce qui peut se faire avec un outil comme Prestashop, qui sera bientôt partenaire d'ATN+.
Enfin elles doivent ensuite développer leur notoriété en se faisant connaître sur les réseaux sociaux.

Le SaaS, n'est-ce pas idéal pour elles ?

Paradoxalement, elles ne connaissent pas tant que ça les logiciels en tant que service. En fait cela dépend des cas. Les néo-arrivants se mettent directement au SaaS sans trop se poser la question car ils ont été éduqués avec des technologies comme le Webmail par exemple. Mais les PME dont les logiciels sont déjà installés sur site, c'est plus compliqué. Se pose le problème de la prise de conscience, puis de la migration.

Les PME sont encore moins rassurées depuis l'affaire PRISM qui a mis au jour le vaste programme de surveillance de la NSA. Même si ces craintes ne sont pas forcément fondées, nous préférons les rassurer, nous comptons ainsi sur la présence de sociétés françaises parmi nos partenaires comme OVH ou Oodrive. Pour ce qui est de la sécurité, nous les éduquons sur les niveaux de qualité de service requise (SLA).

Quelles difficultés vous font barrage ?

Il y a une forte inertie et le programme mettra du temps à porter ses fruits. Nous ne pouvons d'ailleurs par encore mesurer son efficacité, c'est trop tôt, et l'univers des PME est tellement grand que cela ne peut se faire qu'au travers d'études comme celles menées par Opinionway. L'un des défis identifiés est que le temps des industriels n'est pas le même que celui des PME. Les premiers sont en effet plus impatients.

Je dirais aussi que nous manquons de partenaires industriels français. Nous pourrions rassembler de spécialistes de la relation client (CRM), du commerce local, des éditeurs verticaux, ou des sociétés de services proposant de l'accompagnement en e-reputation. Mais nos moyens de les attirer sont limités, d'autant qu'ils doivent s'acquitter d'une cotisation pour rejoindre l'association.
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