Comment expliquez-vous le succès de Happn ?
À la différence des acteurs existants, nous avons fait le choix de réintroduire l'humain dans la rencontre virtuelle, en permettant aux utilisateurs d'entrer en contact avec les personnes qu'ils ont croisées. Jusqu'à présent la rencontre en ligne était vécue comme trop virtuelle, chronophage et décevante. Sur Happn, les gens ont conscience qu'ils parlent à des personnes qu'ils croisent au quotidien. L'autre facteur est que nous conservons les codes de la mobilité - simplicité, immédiateté et gamification -, et nous les enrichissons.
Sur quoi misez-vous désormais pour réussir ?
Nous avons commencé en nouant un partenariat avec Spotify afin que les utilisateurs partagent de la musique. Cela leur permet de s'exprimer avec plus de profondeur. La musique instaure une autre forme de dialogue. Nous allons poursuivre dans cette voie en ouvrant Happn à Instagram dès la semaine prochaine. Les personnes pourront ainsi révéler leur univers artistique et se rapprocher encore. Ce n'est pas tout : au début 2016, nous intégrerons des messages vocaux à la WhatsApp, afin d'ajouter une dimension sensorielle.
Projetez-vous de la rencontre en réalité virtuelle ?
Oui, on s'y intéresse. On pourrait imaginer un jour un service où l'on braque un téléphone pour avoir des informations, ou représenter son physique plutôt que de se limiter à des photos - je délire complètement là !
On s'intéresse aussi à l'Internet des objets et aux montres connectées. Happn sera d'ailleurs bientôt présent sur la Samsung Galaxy Gear S2. Les gens pourront par exemple envoyer une vibration quand il se croisent.
Didier Rappaport a cofondé Dailymotion en 2005 avant de lancer Happn en 2013 - Crédit : Happn.
Le succès de Happn en chiffres, cela donne quoi ?
Nous totalisons 8 millions d'utilisateurs et nous prévoyons d'atteindre les 10 millions à la fin de l'année. Le rythme d'acquisition est très élevé car nous enregistrons 1,2 million de nouveaux membres par mois - là où nous avions mis 3 mois pour acquérir 2 millions de membres au début. Notre chiffre d'affaires se monte à plusieurs millions d'euros. Tout ce que je peux dire à ce stade est qu'il est substantiel vu notre jeune âge.
Allez-vous essayer de détrôner Tinder ?
Pas du tout ! Nous avons beaucoup de respect pour Tinder et pour ce qu'il a fait. Il a su devenir un acteur de taille mondiale et c'est ce que nous visons aussi, notamment grâce aux 20 millions d'euros que nous avons levés ces derniers mois. Nous allons focaliser notre développement sur l'international - Europe, États-Unis, Amérique du Sud et quelques pays d'Asie - ce qui passera par le recrutement de profils plus seniors. Notre vision est de nous positionner sur la vie réelle. Tinder est dans le panorama, mais pas dans notre viseur.
Votre système de géolocalisation, est-ce fiable ?
Le meilleur témoignage de sa fiabilité se voit dans notre croissance. Les gens ne l'utiliseraient pas sinon. Et puis nous avons un ratio d'utilisateurs actifs journaliers sur mensuels de 40 %, ce qui indique que ces gens reviennent, un indicateur de satisfaction. Aujourd'hui la localisation se fait via GPS ou Wi-Fi avec un degré de précision allant de quelques mètres à une dizaine de mètres. À l'avenir, nous n'excluons pas d'intégrer la communication entre les smartphones, via du Bluetooth par exemple, afin d'augmenter encore la précision.
Une précision au détriment de la vie privée ?
Bien sûr la protection de la confidentialité de nos membres est essentielle, c'est pourquoi nous ne leur dévoilons pas la géolocalisation de leurs contacts à moins de 250 mètres. Ils savent qu'ils ont rencontré une personne dans une zone, mais nous ne donnons pas plus de précision. Les gens doivent se sentir en sécurité.
Que pensez-vous des algorithmes de matching ?
C'est un mensonge ! Deux personnes ne tombent pas amoureuses parce qu'elles ont coché la même case ! Cela comporte une dose de coïncidence, telles que les rencontres fortuites, et c'est en cela que nous croyons avec Happn. Autrefois, on devait remplir des questionnaires comportant une centaine de questions pour aider l'algorithme... Nous, nous préférons la simplicité : trois pages pour les photos, l'identité et les goûts.
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