Payer pour éviter la publicité : l'idée progresse

Thomas Pontiroli
Publié le 10 mai 2016 à 16h02

Alors qu'Eyeo vient d'annoncer que son bloqueur de publicité Adblock Plus recensait désormais 100 millions d'utilisateurs actifs, Accenture Consulting publie concomitamment une étude sur ce phénomène. Menée auprès de 28 000 consommateurs dans 28 pays, elle conclut entre autres que 32 % des Français seraient prêts à payer pour consulter des sites Internet dépourvus de publicité. En deux ans, de l'eau aurait donc coulé sous les ponts.

Une autre enquête réalisée par OpinionWay en France en 2014 disait tout l'inverse. Leurs auteurs avaient demandé combien étaient prêts à débourser 65 euros par an pour un Web sans pub - revenant à seulement 5,4 euros par mois, sous la moitié d'un abonnement Spotify ou Netflix environ. Réponse : 87 % répondaient non !
Et lorsqu'ils ont demandé quelle somme ils voulaient bien payer, la moitié d'entre eux avait répondu 0 euro.

Bloquer les bloqueurs, « inutile ? »

Pour Yannick Sadowy, directeur exécutif en charge du secteur des médias pour Accenture France, la source du problème est que les publicités tapent souvent à côté. « À l'ère de la personnalisation du contenu, être contraint de regarder une publicité non pertinente est une opportunité ratée pour les annonceurs, mais c'est aussi une perte de temps pour le consommateur », qui préfèrera éviter les contenus « redondants ou peu pertinents ».


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Un service comme Flattr propose aux internautes de rétribuer un média dont il ont apprécié un contenu - Crédit : Fotolia


En France, les éditeurs sont réunis autour du Geste pour tenter de faire barrage au blocage de la publicité or, force est de constater que la pratique progresse inexorablement. « Il est inutile d'imiter l'industrie musicale dans ses tentatives avortées de contrecarrer le piratage », considère Yannick Sadowy. « Inutile aussi de redoubler d'efforts pour essayer de déjouer les technologies toujours plus performantes des bloqueurs de publicités ».

Le bras de fer est déjà entamé

De plus en plus de médias ferment pourtant désormais la porte aux internautes surfant avec un bloqueur. Le contenu peut devenir inaccessible, ou flouté, tant que les lecteurs n'ont pas débrayé leur logiciel. En échange, certains sites proposent aux réticents de s'abonner gratuitement pour être débarrassés des formats les plus gênants - et par cette subtile manœuvre, ils en profitent pour faire grossir leur base « opt-in » d'e-mails !


D'autres réponses, plus fermes, sont apportées à l'adblocking, à l'instar de la société français Secret Media, qui promet aux éditeurs de « restaurer » leurs publicités bloquées, ainsi que leurs cookies traceurs, via une technologie chiffrée propriétaire. Un service comme SourcePoint se pose lui en bloqueur de bloqueur de pub.
Et il nourrit de nombreux espoirs, comme en atteste sa levée de fonds de 10 millions de dollars en juin 2015.

Vers des pratiques plus douces ?

Mais pour Yannick Sadowy, la solution face au blocage doit provenir des publicitaires. Et ça ne doit pas être le rapport de force. Au contraire. « L'industrie publicitaire doit faire son maximum pour que les publicités soient plus respectueuses du temps précieux que nous passons devant nos écrans, en misant sur des contenus ciblés, adaptés et divertissants, avec une créativité que tout le monde appréciera », ajoute le spécialiste d'Accenture.


Conscient de l'inadéquation devenue délétère entre la publicité en ligne et les consommateurs, l'IAB (instance normative de la pub), a mis en chantier de nouvelles normes pour une publicité « légère, chiffrée, consentie et non-intrusives ». En attendant, les annonceurs misent aussi sur le marketing de contenu - aux États-Unis, 68 % des marques l'utilisent pour acquérir des clients, selon Limelight. Une approche plus onéreuse et plus ingrate.


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