L'OPA de Bolloré sur Gameloft en 12 leçons

Thomas Pontiroli
Publié le 01 juin 2016 à 17h42

Six mois auront suffi à Vincent Bolloré pour prendre le contrôle de Gameloft, pépite française de l'édition de jeux pour smartphones. L'entreprise, fondée et contrôlée par la famille Guillemot, emploie 7 000 salariés dont plus de 3 800 développeurs. Son chiffre d'affaires en 2015 s'est élevé à 256 millions d'euros, contre 227 millions en 2011, mais surtout moins de 100 millions en 2007. En d'autres termes, c'est une entreprise en croissance.

Pour Vivendi, le but est de consolider son activité dans la création de contenus, aux côtés d'Universal Music, de Canal+ ou de Dailymotion. Pourtant ancien propriétaire du numéro un mondial de l'édition de jeux vidéo, Activision Blizzard, dont il s'est séparé en 2013, le groupe français a un intérêt renouvelé dans le secteur, et entrevoit de nombreuses synergies. Synergies dont la famille Guillemot a longtemps attendu des preuves.

Blitzkrieg  de Bolloré

Mais l'OPA aura été plus vite. Menée de façon prédatrice, sans que les responsables n'aient pu discuter avec Vincent Bolloré, l'opération semble avoir surtout été menée dans l'intérêt du groupe Vivendi. Car de leur côté, les membres de la famille Guillemot - Yves en tête, le PDG d'Ubisoft, également dans le viseur de Bolloré -, ont martelé à plusieurs reprises leur volonté de rester indépendants, et ont même cherché un « chevalier blanc ».

Réunir les actionnaires et leur démontrer le bien-fondé de leur vision stratégique n'auront pas suffi. Le coup de massue a été porté par le troisième actionnaire de Gameloft, Amber Capital, qui a apporté ses parts à l'OPA. Adoubé par la justice et en position de force, le « raider breton » n'avait alors plus qu'à asséner le coup fatal.


Un mat en 12 coups

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15 oct. 2015 : L'incursion de Bolloré
Après avoir revendu Activision Blizzard pour 8,2 milliards de dollars en 2013, signant son désengagement des jeux vidéo, Vivendi y revient. Le groupe de Vincent Bolloré remet un pied dedans en prenant 6,6 % d'Ubisoft et 6,2 % de Gameloft, soit 19,7 millions d'euros pour ce spécialiste du jeu mobile. Avec la revente de SFR, Vivendi détient 9 milliards d'euros de cash.


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27 oct. 2015 : Prise de contrôle rampante
Pendant combien de temps encore Ubisoft et Gameloft vont-ils conserver l'« indépendance » qu'ils revendiquent ? Cinq jours seulement après avoir porté sa participation dans Ubisoft et Gameloft de 6,6 à 10,39 % et de 6,2 à 10,20 %, le groupe de Vincent Bolloré affirme dans un communiqué qu'il n'exclut pas une prise de contrôle des deux éditeurs de jeux vidéo.


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8 déc. 2015 : Bolloré met la pression
Dans la partie d'échecs qui se déroule depuis la mi-octobre entre Vincent Bolloré et la famille Guillemot, le milliardaire est à une case d'infliger un mat cinglant, avec Gameloft en trophée. La famille à l'origine de Gameloft avait relevé sa participation à 15,64 % le 26 novembre, afin de freiner la « prise de contrôle rampante » de Vivendi, qui est monté à 26,69 % du capital.


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18 février 2016 : Bolloré lance son OPA
Ce qui devait arriver, arriva. Vivendi, devenu progressivement le premier actionnaire de Gameloft, annonce son intention de déposer auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) un projet d'offre publique d'achat visant la totalité des actions de l'éditeur de jeux mobiles. Vincent Bolloré est désormais au seuil des 30 % à partir duquel il est obligé de formuler une OPA.


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22 février 2016 : Gameloft rejette Bolloré
Face aux assauts de Vincent Bolloré sur Gameloft et Ubisoft, Yves Guillemot prend la parole. Au Figaro, il déclare : « Vincent Bolloré aime réaliser des plus-values, qu'il sorte d'Ubisoft et il en fera une bonne avec notre plan stratégique ». Le fondateur de l'éditeur de jeux mobiles réclame des précisions au groupe de Vincent Bolloré sur les synergies qu'il espère réaliser.


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29 février 2016 : Le Non de Gameloft
Le conseil d'administration de Gameloft rejette l'OPA hostile lancée par le groupe Vivendi le 18 février. Il estime que cette offre est « contraire à l'intérêt de Gameloft, de ses actionnaires, de ses salariés et de ses clients ». Les deux entreprises sont farouchement opposées depuis octobre 2015, lorsque Vincent Bolloré a commencé sa prise de contrôle rampante de l'éditeur.


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1er mars 2016 : Bolloré repart à l'assaut
La partie de poker continue. La dernière offre de rachat de Gameloft par Vivendi a été repoussée par l'éditeur de jeux mobiles. Face à ce refus, Bolloré repart à l'offensive avec une nouvelle proposition d'acquisition du capital de la société. L'offre passe de 6 euros par action à 7,20 euros. Dans le même temps, Vivendi continue de grignoter le capital d'Ubisoft.


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23 mars 2016 : Gameloft contre-attaque
Face à l'OPA de Vivendi, le dirigeant de Gameloft tente de séduire ses actionnaires (seuls à même de faire barrage) en leur présentant une société assainie, et avec des perspectives à deux ans : il prévoit d'entamer une nouvelle étape de croissance rentable, avec un objectif de chiffre d'affaires de 350 millions d'euros en 2018, dont 30 % provenant de sa régie publicitaire.


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31 mars 2016 : Une OPA jugée irrégulière
Gameloft dépose un recours contre l'offre de Vivendi devant la cour d'appel de Paris. Il juge son projet d'OPA non conforme, contrairement à l'AMF. Gameloft dénonce « les manquements de Vivendi aux principes directeurs des offres publiques, ainsi qu'aux obligations légales et réglementaires visant à assurer la transparence et la bonne information du marché ».


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4 mai 2016 : Bolloré adoubé en justice
Le groupe de Vincent Bolloré, qui tente de monter au capital de Gameloft, voit la justice l'adouber dans sa démarche. Bien qu'elle soit hostile, la justice considère que son offre publique d'achat n'est pas irrégulière. La cour d'appel de Paris a donc rejeté la demande de l'éditeur de jeux mobiles, qui espérait une suspension de l'OPA. Le milliardaire a les coudées franches.


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20 mai 2016 : Bolloré proche des 50 %
Vincent Bolloré assène un coup presque fatal à sa proie. Le groupe ne propose plus 7,20 euros, mais 8 euros par action, à la direction de Gameloft. L'ambition du « raider breton » est désormais plus que limpide : monter au capital du spécialiste du jeu vidéo sur mobile pour en prendre le contrôle, ou tout du moins influer sur les décisions stratégiques de la société.


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31 mai 2016 : Game over pour Gameloft
Après plusieurs mois d'intense bras de fer, Vincent Bolloré fait plier la famille Guillemot. En s'alliant au troisième actionnaire de Gameloft, Amber Capital, qui ajoute ses 15 % des parts à l'OPA, Vivendi annonce détenir 53 728 336 actions Gameloft, soit 61,71 % du capital et au moins 55,61 % des droits de vote. La prochaine cible dans le collimateur du « raider » : Ubisoft.


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