Le 9 février était annoncée Good Health Pass, une initiative internationale visant à standardiser des sortes de « passeports sanitaires ». Elle regroupe une trentaine d'acteurs de l’industrie du tourisme, de la santé, de la finance et du numérique.
Pour les membres fondateurs de Good Health Pass, la mission est claire : définir les futurs systèmes numériques qui permettront aux citoyens de prouver qu’ils sont en bonne santé pour voyager à l’ère COVID, et aux professionnels de s’en assurer. En somme, il s’agit de jeter les bases de « passeports de santé » qui viendraient compléter les passeports traditionnels.
Un projet universel et décentralisé
Le livre blanc du projet justifie : même si « la plus vaste campagne d’immunisation de l’histoire est en cours », « cela prendra encore des années pour vacciner 7,9 milliards d’individus ». Outre les dégâts humains, l’impact de la pandémie sur l’économie, en particulier le tourisme, est dramatique : « En 2020, les compagnies aériennes auront perdu près de 120 milliards de dollars, tandis que l’onde de choc envoyée par l’industrie du transport international et du tourisme dans tous les secteurs de l’économie devrait entrainer des pertes estimées à plus de 2000 milliards de dollars », souligne-t-on.
Il est donc urgent de « restaurer les voyages internationaux » tout en évitant la « fragmentation » occasionnée par des systèmes hétérogènes qui seraient déployés aux quatre coins du monde.
Harmonisation et vie privée
Si la cause est entendue, il faudra concilier l’acceptabilité de tels systèmes par le public et leur intégration aux dispositifs existants ou en cours d’élaboration.
Plusieurs projets internationaux, dont certains très avancés, visent déjà à développer des outils numériques pour faciliter le retour à la normale. Par exemple Travel Pass, développé par IATA (l’organisme qui fédère 85% des compagnies aériennes mondiales), permettra aux voyageurs d’attester qu’ils ont été testés ou vaccinés avant d’embarquer pour leur destination. Le dispositif est déjà expérimenté par au moins sept compagnies aériennes depuis plusieurs semaines et devrait être publiquement lancé en mars 2021, sous la forme d’une appli mobile gérant résultats de tests PCR ou preuves de vaccination.
Mais le sujet est délicat. En France, l’échec de l’application StopCovid, qui ne stockait pourtant aucune données de santé, a montré l’inquiétude des citoyens en matière de données personnelles et de surveillance. Et depuis le début de l’année, l’idée d’un possible « passeport vaccinal » qui autoriserait les personnes vaccinées à accéder à certains lieux fermés au reste de la population suscite un débat nourri, sur fond de discrimination et de limitation des libertés individuelles.
En janvier dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se déclarait du reste opposée au principe de passeport vaccinal, mais pas pour les raisons le plus souvent invoquées (elle argue en substance que la vaccination ne devrait pas remplacer toutes les autres mesures de prévention des risques sanitaires).
L’initiative Good Health s’inscrit donc dans un contexte compliqué.
Ses fondateurs se veulent malgré tout rassurants. D’abord, précisent-ils, il ne s’agit pas de remplacer les autres initiatives, mais plutôt d’aider à les harmoniser, en garantissant qu’elles soient interopérables et même « universellement acceptées, pour les trajets internationaux ou autre chose ». Pour cela, quatre points cardinaux que devront respecter les systèmes en question sont établis : transfrontaliers (devant fonctionner aux aéroports, dans les ports ou au passage de toutes frontières, en conformité avec les régulations nationales), multi-industries (en associant gouvernements et acteurs des industries du tourisme, de la santé et du numérique), sans friction (en s’intégrant aux processus existants et sans nécessiter de coût supplémentaire pour l’usager) et, enfin, respectueux de la vie privée et des libertés individuelles.
Sur ce dernier point, le document insiste fortement, en soulignant que les solutions envisagées seront « ouvertes », « ne devront pas contribuer à la création de nouvelles banques de données centralisées stockant des informations personnelles sensibles », et « permettront aux individus de posséder et de contrôler eux-mêmes leurs informations d'identification et de santé ».
Cette technologie révolutionnaire permet des échanges rapides de valeurs ou d’informations en pair-à-pair, en toute transparence et sans intermédiaire.
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La blockchain en ligne de mire
Au plan technique, le livre blanc reste évasif. Il évoque plusieurs fois des solutions à base de QR codes sur des applis mobiles, mais ne mentionne pas quelles architectures techniques seront envisagées ou préconisées pour standardiser ces futurs passeports sanitaires. Malgré tout, la description des principes généraux et l’observation de la liste des membres fondateurs de Good Health semblent clairement pointer vers les blockchains — même si le mot n’est jamais mentionné dans le livre blanc de Good Health.
Une bonne partie des entreprises impliquées proposent déjà des solutions d'identification ou de gestion de données à partir de blockchains privées ou hybrides (semi-privées, où seuls des acteurs dûment agréés peuvent participer), et certaines ne font même que ça.
C’est par exemple le cas de Hyperledger, un consortium formé en 2015 par la Fondation Linux (et qui regroupe plusieurs dizaines d’acteur industriels) avec pour mission de « faire progresser l'adoption des blockchains d’entreprise par une collaboration open source mondiale ». On retrouve également au sein de Good Health la start-up Evernym, le prestataire choisi par IATA pour son Travel Pass, dont les solutions d’identification sont basées sur des blockchains.
L’entreprise a d’ailleurs donné naissance au réseau Sovrin, géré sur une blockchain semi-privée par une fondation indépendante, également membre fondateur de Good Health. Tout comme le Centre Blockchain de Catalogne ou encore MUNA, un service à base de blockchains lancé par National Aviation Services, entreprise spécialisée dans la maintenance aéroportuaire, sans oublier IBM, premier fournisseur mondial de services blockchain aux entreprises à travers son département dédié...
S’il n’est pas exclu à ce stade que les futurs passeports sanitaires de Good Health soient bâtis sur des blockchains publiques, comme celles de Bitcoin ou d’Ethereum, il paraît probable en tout cas que des blockchains, sous une forme ou une autre, soient envisagées.
Source : Good Health Pass