Pierre Kosciusko-Morizet : "Nous avions le choix"

Antoine Duvauchelle
Publié le 18 juin 2010 à 10h39
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PriceMinister vient d'être racheté pour 200 millions d'euros par le Japonais Rakuten, dirigé par Hiroshi Mikitani. Réussite de l'e-commerce français, PriceMinister n'a pour autant pas pu se développer à l'international. Une perspective qui change selon Pierre Kosciusko-Morizet, PDG de PriceMinister, interrogé par Clubic.

Bonjour Pierre Kosciusko-Morizet. Après deux tentatives de sortie tentées, notamment en Bourse, le rachat par Rakuten résonne-t-il comme un « Enfin » ?

En fait il y a une réelle tentative de sortie seulement : en avril 2008, nous voulions introduire PriceMinister en Bourse. Le reste, c'est parce qu'à ce moment - comme souvent quand on tente une introduction en Bourse - beaucoup de groupes nous avaient contacté. Ce qui est marquant, c'est que cette fois, nous n'avons absolument rien tenté. Nous avons été contactés par plusieurs groupes en avril 2010, mais cela ne nous semblait pas le bon moment pour les actionnaires, d'une part parce que les marchés ne sont pas très haut, et ensuite parce que nous doublons notre bénéfice par rapport à l'année dernière, donc une belle tendance qui nous permettait de ne pas être pressés.

Nous n'avions l'idée de discuter avec personne, mais nous avons vraiment eu beaucoup de contacts. C'est là que nous nous sommes rendus compte que quelque chose se passait, et dans le lot, un contact très qualitatif a émergé : celui avec Rakuten. C'est une belle offre financièrement, et un projet vraiment intéressant. C'est exceptionnel car nous avons l'opportunité d'offrir une sortie à nos actionnaires, qui peuvent revendre leurs actions, et de permettre aux manageurs d'avoir plus de moyens et de continuer leur travail. Je pense d'ailleurs qu'à titre personnel, mon métier de patron de PriceMinister va être plus intéressant qu'avant, alors que dans la plupart des cas de cession, on se retrouve un peu pieds et poings liés par le nouvel actionnaire. Là, ce sont surtout de nouvelles opportunités.

En plus, nous avons la chance de pouvoir réaliser des synergies de modèle, d'outils, mais pas de synergies de personnes. Comme Rakuten n'est pas présent en Europe, il n'y aura pas de doublons de postes, donc pas de problématique de réduction des coûts par la réduction de ces doublons. Ensuite, Rakuten va nous permettre de développer de nouveaux outils pour nos membres. Je pense qu'ils ont un excellent modèle, mais en France, nous sommes fascinés par les modèles américains, basés sur les enchères. Notamment à cause de leur côté ludique. Mais le modèle de Rakuten, qui se rapproche du notre, avec des coûts fixes et une mise en vente gratuite, représente l'avenir à mon avis. Il y a moins le côté marrant des modèles américains, mais c'est plus puissant en terme d'expérience et de satisfaction utilisateur. A nous de le démontrer, mais je crois qu'à terme, ce sont les entreprises qui proposent le meilleur service client qui fonctionneront le mieux.

Vous conservez votre poste pour au moins cinq ans. Est-ce que ça va vous permettre de réaliser le développement européen que PriceMinister n'a jamais vraiment pu faire auparavant ?

Ce n'est pas uniquement moi : tout le comité de direction reste au moins cinq ans. Nous voulons désormais développer PriceMinister en Europe, et c'est aussi le but de Rakuten, qui n'a personne ici à part nous. Nous allons passer par de la croissance organique, en ouvrant des filiales dans les pays étrangers, et également des acquisitions. La différence avec la situation précédente, c'est que nous avons désormais les moyens, alors qu'avant il nous aurait fallu passer par la Bourse pour avoir de l'argent.

La France est un petit pays, et une fois qu'on est leader, c'est très bien - et nous sommes très contents d'avoir cette position sur le marché français - mais pour aller dans d'autres pays, il faut repartir de zéro à chaque fois. Un leader en France n'a pas du tout la même assise financière qu'un leader au Japon ou aux Etats-Unis, où les marchés sont énormes. Nous n'avions pas suffisamment de moyens pour ouvrir des filiales dans cinq pays à la fois et investir massivement. Surtout que lorsqu'on a une perspective d'introduction en Bourse, on ne peut pas se permettre de dégrader la rentabilité. La moitié de moi qui est manager est vraiment ravie, car cela va nous permettre d'accélérer le développement. Seuls les moyens pour aller vite nous manquaient, et quand on passe par la Bourse pour obtenir ces moyens, c'est un peu un cercle vicieux, car on obtient de l'argent, mais il faut éviter de le dépenser vis-à-vis des actionnaires.

Rakuten est clairement une opportunité aujourd'hui. J'ai entendu ou lu que nous n'avions pas vraiment le choix, mais nous n'étions pas obligés. Nous sommes rentables, nous nous développons bien, et nous avons beaucoup de trésorerie pour de petites et moyennes acquisitions. Cela nous intéresse plus de réaliser l'accord avec Rakuten, mais ça ne signifie pas que nous n'avions pas le choix. Avec 25% d'Ebit (résultat opérationnel, NDLR), on a le choix de faire ce qu'on veut.

Puisque vous parlez chiffres... Il y a eu beaucoup de fantasmes autour des chiffres de PriceMinister, notamment parce qu'ils n'ont jamais été publiés...

C'est vrai que puisque nous avons choisi de ne pas donner les chiffres, beaucoup de gens ont essayé de les imaginer. Mais ce n'étaient pas les bons. Pour les vrais chiffres, il faut distinguer notre chiffre d'affaires et notre volume d'affaires. Quand on dit « Untel réalise un chiffre d'affaires de 800 millions d'euros », pour PriceMinister, ça correspondrait à un volume d'affaires, car c'est le montant de produits achetés par les gens. Or nous avons une marge de 10%, donc c'est notre chiffre d'affaires qui est à comparer aux autres. Or ce chiffre d'affaires est de 50 millions d'euros pour 2010, contre 39 millions en 2009. Si on considère que cela correspond aux commissions que nous prenons, donc 10% de ce qui est acheté, ça donne un ordre de grandeur du volume d'affaires.

Donc nous n'avons pas un bénéfice inexistant, comme j'ai pu lire dans certains articles. Quand ces journalistes parlent du résultat net sans savoir ce que c'est, c'est un peu dommage, car même si ça prendrait deux heures à expliquer, on peut tout de même se rendre assez facilement compte que ce n'est pas sérieux de penser qu'un géant de l'e-commerce japonais comme Rakuten rachèterait 200 millions d'euros un site qui ne réalise pas de bénéfice. Nous avons 12 fois la rentabilité de RueDuCommerce. Je ne connais pas beaucoup de sociétés en France qui ont une meilleure rentabilité, à part Vente-Privée.

Merci beaucoup, Pierre.
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