Les e-commerçants attribuent à tort leurs ventes au dernier clic

Thomas Pontiroli
Publié le 20 mars 2014 à 07h06
Les e-commerçants engagent des frais de publicité : liens sponsorisés, bannières, e-mails promotionnels, etc. Problème : ils ne savent pas lequel de ces leviers a contribué à leurs ventes ni dans quelle mesure. La situation est devenue d'autant plus complexe que le nombre de terminaux s'est multiplié. Selon Google, il est maintenant grand temps de se pencher sur la question.

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Le e-commerce français en a encore sous le pied, est venu clamer Nick Leeder, le patron de Google France, au salon E-commerce One to One. Classé sixième, l'Hexagone a progressé à un rythme de 13,5% en 2013 d'après la Fevad, mais reste distancé par le Royaume-Uni, plus dynamique. Pour le géant américain, une partie du secret consiste à mieux comprendre les modèles d'attribution de la vente, un levier de conversion client encore ignoré.

Comparé à un point de vente, un site e-commerce est beaucoup plus complexe à appréhender pour un vendeur qui devra affronter la multiplication des terminaux (ordinateur, tablette, smartphone), et les interactions avec la boutique physique. Autant de paramètres qui viennent complexifier le parcours d'achat, d'autant qu'il diffère selon les individus mais aussi l'univers.

Un parcours d'achat devenu bien tortueux

Dans le prêt-à-porter par exemple, le cycle d'achat est de 28 jours en moyenne pour 8 à 10 requêtes effectuées par l'internaute et 8 sites visités. Dans le voyage, la taille du cycle passe à 63 jours pour 15 requêtes et 10 sites visités. Et il ne s'agit là que du canal online. Car le numérique a des effets sur la vente physique (phénomène de Web-to-store). « Quand Panasonic lance un nouvel appareil photo, 6% de ses ventes en magasin viennent d'Internet », estime Google. « Dans le cas de Carrefour, le Web influence jusqu'à 11% de ses ventes d'ordinateur en hypermarché. »

Si les liens entre le Net et le magasin sont avérés, ils se sont complexifiés avec l'émergence de la consommation mobile. Aux États-Unis, 65% des parcours d'achat commencent par une visite sur smartphone et les deux tiers se finissent sur une tablette ou un ordinateur. L'addition des canaux, des terminaux et des catégories de produits ne facilitent pas la tâche des équipes marketing.


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Les entreprises dédiées au ciblage les plus pointues comme Criteo le reconnaissent, elles peuvent faire du suivi de client sur chaque terminal, y compris au sein des applications, mais ne peuvent pas encore suivre un internaute entre ces différents supports. Même si, le directeur Europe de Criteo, Grégory Gazagne l'affirme, sa société en sera capable cette année, en utilisant la correspondance de l'adresse e-mail de l'utilisateur, qui devra être chiffrée par un tiers.

Dans ce labyrinthe, il paraît peu probable que la vente doive être attribuée au dernier clic. C'est pourtant l'attitude de 79% des e-commerçants français, selon une étude Ipsos, qui ont adopté ce modèle d'attribution, et rémunèrent donc l'intermédiaire qui a conduit directement à la vente. Selon le retour d'expérience de Christopher Caussin, PDG du spécialiste du reciblage publicitaire Socimantic, ce taux atteint plutôt les 95%. « Dans un match de rugby, cela reviendrait à attribuer tout le mérite au joueur qui plaque la balle au sol dans un essai, en omettant le reste de l'équipe y compris l'auteur de la passe décisive », déplore Philippe Plichon, directeur du pôle transaction chez Google France. « C'est difficile à admettre qu'après tous ces débats sur ce sujet, les e-commerçants en soient encore là. »

Un simple questionnaire vaut mieux que rien

L'une de façons d'améliorer son modèle d'attribution, explique Google, est d'adopter un modèle en « U ». Cela revient à sur-pondérer le premier et le dernier contact. Google rappelle que les bannières contribuent en général cinq fois à la vente en tant qu'assistant (en jouant sur la notoriété) qu'en déclencheur final de l'achat. Dans le cas des mots clés de recherche, le ratio se situe entre trois et quatre fois.

Toujours selon Ipsos, la moitié des e-marchands en France se disent inactifs sur le modèle d'attribution, car ils manquent de ressources. « Plus que des moyens, il faut une capacité à mobiliser une organisation avec un objectif identifié, ce qui est très rare en France comparé au Royaume-Uni où des cellules dédiées à ce sujet voient le jour », assure Philippe Plichon.

La finalité pour les e-commerçant en réussissant à attribuer la vente de façon plus pertinente est de rééquilibrer les budgets marketing de manière plus juste. Pour Katharina Schäfers, responsable e-commerce France de l'enseigne de prêt-à-porter C&A, « le modèle du dernier clic n'est plus satisfaisant aujourd'hui car on évolue dans un contexte de marketing reposant toujours plus sur les données, où différents acteurs favorisent le taux d'acquisition, donc nous devons affiner cela. »

L'un des principaux freins est le manque de compétences. Pour traiter ces données analytiques, il faut des spécialistes, qui se monnaient cher et sont finalement assez rares. En fait les outils sont peu nombreux - même Google Analytics attribue la vente au dernier clic, même si cela va prochainement évoluer -, et la manière la plus fiable d'étudier les autres leviers de la vente reste de faire appel à des analystes.

Un constat que tempère toutefois Nick Leeder : « Il y a beaucoup de petits commerçants qui ne se posent pas toutes ces questions et sont bien plus pragmatiques. Il demandent juste à leurs clients où est-ce qu'ils ont entendu parler de leur boutique ! Sans statisticien et ne serait-ce qu'avec un questionnaire, on peut déjà se faire une bonne idée au sujet de ses clients. »
Thomas Pontiroli
Par Thomas Pontiroli

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