Les conseils des grands du e-commerce pour vendre à l'étranger

Thomas Pontiroli
Publié le 25 septembre 2014 à 19h08
Pour bénéficier de nouvelles opportunités, un e-commerçant peut avoir intérêt à étendre son champ d'action à d'autres pays. Attention à faire les choses dans l'ordre, et à ne pas mettre ses pieds partout.

Inutile de forcer, la France ne sera bientôt plus une terre de croissance pour le e-commerce. Au deuxième trimestre 2014, le secteur a montré de nouveaux signes de ralentissement, progressant de 10,5% sur un an, contre 16% l'année d'avant. Dans ce marché aux multiples réalités, le co-fondateur et directeur général de PriceMinister, Olivier Mathiot, voit d'un côté des start-up qui portent le nombre de sites, mais de l'autre, des acteurs plus lourds dont la croissance annuelle (top 40 français) au deuxième trimestre n'a été que de 3%.


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Crédit : Fotolia.


« Si ces sites e-commerce ne vont pas à l'international, le coût d'acquisition de nouveaux clients va devenir de plus en plus élevé et nous allons nous battre entre nous sur un terrain limité car la pénétration globale est arrivée à une asymptote », explique Olivier Mathiot, qui a déjà observé ce phénomène aux Etats-Unis. La solution pour maîtriser les « coûts de conquête » et soutenir la croissance est d'aller sur d'autres marchés.

Mais il ne suffit pas d'utiliser un transporteur pour délivrer ses colis dans d'autres pays pour profiter de leur dynamisme. Olivier Mathiot, pour qui l'expérience de PriceMinister en Espagne et au Royaume-Uni en 2006 fut un échec, en sait quelque chose. En tant qu'investisseur, il reçoit aujourd'hui de nombreux dossiers de start-up et constate une chose : « Ces sociétés sont nativement internationales, elles n'imaginent pas leur projet sans l'international, et c'est encourageant car aujourd'hui, le marché et les outils le permettent. »

Par quel bout prendre l'international ?

Pour vendre dans un autre pays, deux approches sont possibles. Choisir un pays où la pénétration du e-commerce y est faible permettra de rencontrer peu de concurrence et donc de répondre à une demande non satisfaite. Cela signifie que les dépenses marketing pour attirer de nouveaux clients seront faibles. La limite de ce modèle est qu'il prend plus de temps que dans un pays plus mûr, où les usages sont installés.

Le second conseil est de viser un seul pays en premier, d'en valider le succès, et d'enchaîner sur un autre. Le coût de développement du premier pays sera important, et pas forcément rentable avant deux ou trois ans, mais c'est parce qu'il y a tout à créer. Après avoir « essuyé les plâtres » sur la distribution, le juridique ou le marketing, chaque pays supplémentaire sera moins cher à développer car il profitera de cette expérience.

Attention à la Chine et à la Russie

Alors que la Chine affiche un taux de croissance de 65% cette année, selon eMarketer, et affole les compteurs sur la pénétration galopante d'Internet et des smartphones, est-ce pour autant l'eldorado des e-commerçants ? Ilan Benhaim, le co-fondateur de Vente-privée.com, a mené l'expérience, et répond définitivement « non ».

La plateforme s'y est cassé les dents. « Nous nous sommes rendu compte que les Chinois n'avaient pas besoin des Français pour faire du commerce en ligne, y compris pour... les produits français », déplore encore Ilan Benhaim. Dans ce pays, la situation peut vite tourner au vinaigre lorsqu'on y exporte des vins fins. C'est l'amère expérience de Gérard Spatafora, directeur e-commerce chez Millesima : « Nos essais en Chine ont été un fiasco car les douanes prenaient une bouteille par caisse, ce qui s'apparente à de la corruption... »



Et la Russie ? Pas simple non plus. Premièrement, Google, là-bas, s'appelle Yandex. Et pour remonter dans les résultats de recherche du moteur russe, cela demande de s'intéresser à ses mécaniques. Les tensions géopolitiques avec l'Ukraine et l'Europe ont par ailleurs rendu les relations commerciales plus compliquées.

Dans le cas de Millesima, aucun transporteur n'a accepté de livrer dans ce pays jusqu'au client final. Le caviste a dû s'en remettre à un transporteur local. « Le problème est que lorsqu'un chauffeur livre une commande à 13 000 euros, deux fois supérieure à son salaire annuel, toutes les bouteilles n'arrivent pas à bon port. » Ilan Benhaim a fait le même constat dans le Sud de l'Italie, où certains colis « s'évaporaient ».

Une fois le pays choisi, quelques conseils

Ilan Benhaim explique les trois étapes qui, selon lui, assurent une développement international cohérent. En premier, il conseille de créer un onglet ouvrant la livraison dans d'autres pays - via un partenariat avec un transporteur, type DHL, ce qui permet d'adresser plus de pays en même temps à moindres frais. Une fois les pays à plus fort potentiel identifiés, le co-fondateur de Vente-privée.com recommande de localiser son site avec une traduction dans la langue locale, ce qui aura de grandes répercussions dans le référencement.

Selon lui, les consommateurs se moquent du pays d'expédition de la commande. Ils seraient en revanche beaucoup plus soucieux des possibilités de retour, notamment en Allemagne, où le taux de retour frise la barre des 50%. C'est là que la localisation va entrer en jeu, car elle pourra prendre en charge ce genre de demande dans la langue du pays. Troisième étape : la localisation des équipes. Cela permet de réellement comprendre les besoins. « Au départ, Vente-privée.com se présentait comme Français à l'étranger. Mais nous avons fini par être Allemands en Allemagne, avec des offres exclusives », illustre Ilan Benhaim.

PhotoBox a adopté une stratégie différente. La société, qui tire la moitié de son chiffre d'affaires de 200 millions d'euros au Royaume-Uni, a missionné des stagiaires afin d'étudier le potentiel de marché de plusieurs marchés cibles. Son directeur, Sébastien Rohart, explique avoir d'abord expédié les albums photos fabriqués en France à l'étranger, avant de se résoudre à délocaliser ses usines, comme par exemple en Australie.

La question de la logistique est centrale dans un projet d'internationalisation. Olivier Mathiot observe que certains produits, dont le prix est élevé et le poids faible, comme des bijoux, se prêtent très bien à l'export, d'autant que leur marge importante peut absorber une partie des coûts d'expédition. Utiliser les services d'un transporteur international peut être une bonne solution avant de songer à délocaliser ses entrepôts.


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