Les e-commerçants ont rendez-vous le 2 juillet avec la Fevad, qui les convie aux Enjeux 2015 du E-commerce. L'événement, organisé à Paris, se focalise sur l'avenir du secteur et la prospection technologique, plus que sur les bonnes pratiques et les outils métier. Alors que le pays compte toujours plus de boutiques en ligne et que les distributeurs en dur contribuent à refaçonner le paysage, nous avons rencontré Marc Lolivier, le délégué général de la Fédération de la vente à distance, qui nous livre sa vision sur l'évolution de cette industrie.
Diplômé de droit et de journalisme, Marc Lolivier est à la tête de la Fevad depuis 2002 - Crédit : Fevad.
Quel est l'intérêt de ce rendez-vous pour des e-marchands en quête de résultats concrets ?
Nous voulons associer les acteurs du e-commerce à la compréhension des grands sujets. Il n'y a pas de rendez-vous d'affaires mais une réflexion collective et une mise en perspective. La connaissance de ces nouveaux enjeux (« uberisation », crowdfunding, crowdsourcing...) permettra à tous de pouvoir anticiper.
Les distributeurs et la myriade de petits sites marchands sont-ils concernés par l'événement ?
Dans la mesure où la Fevad compte déjà parmi ses adhérents 50 % d'acteurs de la distribution, ce n'est pas un sujet pour nous. Nous tenons à la mixité entre les pure players (marchands 100 % sur Internet, ndlr), les retailers (magasins en dur, ndlr) mais aussi une troisième catégorie en pleine ascension : les marques. De plus en plus d'entre elles ne veulent pas se substituer au e-commerce mais créer une nouvelle relation client.
Pour les petits sites (ils représentent la majorité des 160 000 e-marchands français, ndlr), ils sont souvent à l'origine de solutions innovantes, notamment sur le mobile et le collaboratif. Nous le voyons en discutant avec des fournisseurs comme Prestashop. Ils nous disent que la plupart des petits sites sont presque au niveau de la moyenne des grands sur le mobile. Les outils sont accessibles à tous et leur permettent de s'y mettre.
Vous annoncerez le 12 mai un regain de croissance du e-commerce, mais où est la rentabilité ?
En effet, le e-commerce gagne en dynamisme avec 20 000 créations de sites nettes par an. Alors tous ne sont pas rentables mais nous observons une croissance liée à une recomposition du secteur, qui a longtemps reposé sur des pure players qui démarraient de zéro. Dans ce schéma, ils courent derrière l'audience pour atteindre une taille critique, garante d'une rentabilité, ce qui fait fortement augmenter leurs coûts d'acquisition.
Mais on assiste à une reprise de contrôle du retail, dont les objectifs sont différents. Ces acteurs appliquent des règles économiques plus orthodoxes pour répondre aux attentes de leurs clients et éviter de perdre des parts de marché. Globalement, ils contribuent à soutenir une hausse de la croissance du secteur. Dans une enquête récente, on apprenait que 61 % des e-marchands attendent une amélioration de leur marge nette.
Vendre à travers une place de marché est-il devenu incontournable, et est-ce souhaitable ?
Cela a plusieurs avantages. Les grandes plateformes monétisent leur audience. Les petits sites s'offrent une visibilité incroyable, certes pour un coût plus important, mais avec un risque inexistant car ils sont facturés sur leurs ventes. Et enfin, ils peuvent s'exporter à l'international en profitant de la puissance des plateformes. La moitié des pure players français qui vendent à l'étranger passent d'ailleurs par des places de marché.
Il faut préciser que contrairement aux États-Unis, qui sont dominés par deux grosses marketplaces, à savoir Amazon et eBay, la France peut s'appuyer sur d'autres sites très forts comme Cdiscount ou encore la Fnac.
Quand aura-t-on un parcours d'achat « sans couture » entre sites Internet et points de vente ?
C'est un gros sujet et il en sera largement question le 2 juillet. Avant, le parcours client s'arrêtait au pas de la porte mais aujourd'hui, il se poursuit à l'intérieur du magasin grâce au mobile. C'était le chainon manquant et c'est grâce au client que les magasins l'adoptent - la moitié des mobinautes l'utilisent pendant leurs achats.
Le drive est devenu la pierre angulaire de la stratégie omnicanale des distributeurs - Crédit : Carrefour.
Au début, il y avait le mythe du showrooming mais on s'est finalement aperçu que les deux tiers des gens qui consultaient un site Internet en magasin n'était pas Amazon ou autre, mais le site même de la boutique - à condition qu'elle en ai un. C'est une opportunité pour les enseignes qui commencent à exploiter ce pont.
L'avantage est double. Quand quelqu'un va du site Web au magasin, on a constaté qu'il achetait d'autres articles une fois sur place (ventes complémentaires ou additionnelles). Dans l'autres sens, c'est une bonne façon pour le magasin d'étendre la taille de son catalogue en renvoyant ses clients vers son site Internet. Une enseigne comme la Fnac exploite tellement cela qu'elle réalise un tiers de ses ventes en omnicanal.
Au-delà des ventes, que change cette transformation numérique pour les boutiques en dur ?
Cela modifie le rôle du vendeur qui était celui qui possédait le savoir mais aujourd'hui, le consommateur s'informe en ligne et sont experts. Le choix à sa disposition est également élargi car le concurrent est à un clic. Enfin, le client a le pouvoir de s'exprimer suite à une expérience. Il peut influencer une réputation.
Cette transformation fait aussi entrer les magasins dans l'économie numérique, qui est celle des données. Elles sont d'une grande valeur car ce sont elles qui permettent de personnaliser le parcours d'achat, et jouer directement sur la satisfaction du client. Grâce à cela, on migre du paradigme du « push » où l'on arrosait les gens de publicités et d'e-mails, à une logique de « pull », où grâce à la connaissance client, on le contacte le plus possible quand il le souhaite. La donnée est l'élément cardinal. S'il coupe le contact en supprimant ses cookies ou en interrompant la connexion, le marchand perd la source de données et la relation s'arrête.
L'autre changement induit par cette transformation se situe au niveau de l'organisation même de l'entreprise. On ne s'en rend pas forcément compte de l'extérieur mais cela induit de lourdes modifications. Les sociétés du top 15 ont fait beaucoup de progrès sur la question et ont beaucoup gagné en agilité. Elles ont leur propre incubateur. Elles testent de plus en plus de solutions. Cela n'était pas le cas quand elles étaient « offline ».
Quelles sont les technologies desquelles les e-commerçants peuvent attendre de la valeur ?
Il y'en a deux, dont l'une est bien sûr le mobile car il offre une panoplie de services aux consommateurs en magasin. Ce n'est pas pour rien si des boutiques façonnent leur stratégie en partant du mobile ! Il devient un outil de shopping, permettant de s'informer, de commander, de payer sans passer en caisse, de gérer ses points de fidélité, de communiquer avec le SAV, de s'orienter en magasin, de partager ses expériences...
L'autre concerne les objets connectés. Une étude du CSA affirme qu'un quart des consommateurs sondés sont prêts à recevoir des offres sur des canaux tels qu'une montre ou un frigo connecté (Adobe a déjà adapté ses outils à la communication sur ces terminaux, ndlr). On peut ranger dans cette catégorie la livraison dans le coffre de son automobile, comme testé par Amazon. Les objets connectés peuvent enfin remonter des données - vers le mobile par exemple - pour signaler qu'ils sont usés et qu'il est temps de les renouveler.
Afin de saisir ces innovations, qu'avez-vous ajouté à l'édition 2015 des Enjeux du E-commerce ?
Il y a deux nouveautés principales. D'abord, un challenge de start-up qui pourront présenter leurs projets face à des dirigeants d'entreprise, après avoir été présélectionnées. Leur point commun est qu'elles proposent toutes une solution orientée mobile. L'autre innovation est le lancement d'une plateforme pour recueillir les bonnes idées des consommateurs. Cela se fera via l'outil FanVoice et le but sera d'améliorer le e-commerce.
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