Vous avez passé une commande en ligne et comme souvent, le facteur est passé lorsque vous n'étiez pas à votre domicile, alors il vous a donné rancard à la Poste la plus proche ou dans un relai colis. En 2016, cette habitude pourrait bien commencer à reculer avec l'essor annoncé des consignes automatiques. Il s'agit de casiers connectés de tailles différentes permettant de retirer un colis à tout moment et de façon autonome.
Les plus attentifs noteront que de telles consignes ont été expérimentées par La Poste elle-même voilà près de 10 ans, avec son offre Cityssimo. Problème : aucun modèle économique viable n'a été adossé à ce système qui a fait un four, avec à peine une trentaine de machines déployées dans le pays. En début d'année, l'offre a été remplacée par Pickup Stations. Elle sera gérée par Packcity, sa coentreprise créée en 2014 avec Neopost.
Ce qui va changer en 2016 en France
Avec un investissement initial de 50 millions d'euros, Packcity compte installer 1 500 consignes en France d'ici la fin de l'année 2016, dont 1 000 seront des Pickup Stations présentes par exemple dans les gares SNCF et certains centres commerciaux. Aujourd'hui, la start-up a installé 200 appareils en France, et en prévoit au moins 500 d'ici la fin 2015. À terme, Packcity ambitionne d'installer quelque 3 000 consignes automatisées.Ce n'est pas tout. Parallèlement à ce chantier, la société polonaise InPost, très active sur la consigne dans son pays ainsi qu'en Allemagne, et qui revendique le plus gros parc mondial avec 4 500 machines, va se déployer en France. Si elle revendique déjà 300 de ses Abricolis installés, en partenariat avec Décathlon, Leroy Merlin et d'autres, sa véritable accélération est programmée pour 2016, avec la mise en service de 2 500 consignes.
Si ces deux sociétés, parties pour être leader sur la consigne en France, atteignent leurs objectifs, le pays comptera officiellement plus de consignes automatiques que les fameux relais colis, au nombre de 4 000.
Derrière les consignes, très proches dans leur fonctionnement, les modèles économiques varient fortement - Crédit : Packcity.
Les avantages de la consigne
Si La Poste tient tant à soutenir la renaissance des consignes et qu'une société polonaise se lance en France, c'est bien qu'elles ont un intérêt. Le premier : augmenter le taux de délivrabilité des colis. Lorsqu'un casier est disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 car il est installé sur un parking dans un lieu de passage par exemple, il permet aux clients de venir récupérer leur commande, en moyenne, 0,8 jour après la livraison.Pour les livreurs, la consigne leur évite de perdre du temps en se présentant plusieurs fois au domicile en vain. Après un troisième passage, le taux de mise en instance atteint jusqu'à 40 %, assure InPost, se basant sur une étude. Inconvénient majeur pour le client : il est astreint aux horaires de La Poste ou des points relais. Selon OpinionWay en mars, 45 % des cyberacheteurs souhaitent s'affranchir de ces contraintes.
La même enquête conclut que 91 % des consommateurs en ligne veulent combiner le retrait d'un colis avec une activité prévue, comme faire ses courses ou son sport. Des lieux que prisent justement les opérateurs de consignes. Alors que cette opération est vécue comme une perte de temps pour plus de la moitié des sondés, notamment parce qu'il faut parfois faire la file en point relais, une consigne ne demanderait que 7 secondes.
InPost et Packcity ne s'associent qu'avec des transporteurs livrant en « express », soit le lendemain, pour des raisons de gestion des flux dans les casiers, qui ne doivent pas être saturés, mais aussi de cohérence de l'offre. Ces sociétés peuvent donc promettre de retirer un colis en quelques secondes, 24 heures après la commande.
Les limites du modèle levées ?
La Poste en a fait l'amère expérience avec Cityssimo : la première pierre d'achoppement d'une consigne est souvent son modèle économique. Car l'investissement induit - des millions d'euros - peine à rentrer dans l'équation du commerce en ligne : les e-marchands n'auraient pas les reins assez solides pour absorber des coûts supplémentaires, et les consommateurs verraient d'un mauvais œil toute inflation des frais de ports.Chez InPost, le business model trouvé est pourtant de le faire supporter par les clients, mais en lissant cela sur 5 à 7 ans, et en ciblant les zones de 10 000 habitants. Les magasins accueillant les casiers, eux, ne paient rien et n'ont qu'à profiter éventuellement de l'effet « drive-to-store » - lorsque des personnes viennent retirer un colis en boutique et en profitent pour réaliser des achats en plus. Côté Packcity, on fait supporter le coût aux transporteurs via un abonnement mensuel de quelques centaines euros, selon leur durée d'engagement.
À quand les consignes chez soi ?
Des obstacles qui ne freinent pas Renz, un fabricant français de boîtes aux lettres depuis 1925. C'est une question de survie pour lui, alors que les volumes de courriers postaux s'effondrent, car dématérialisés. La société s'est décidée à capitaliser sur l'opportunité apportée par l'e-commerce, et sa croissance soutenue à deux chiffres. Renz a eu l'idée de créer sa propre consigne, et d'en équiper les halls d'immeubles neufs.Une expérience est menée dans un immeuble à Paris depuis un an, avec une première conséquence, selon Alain Fischer, gérant de la société : les résidents ont augmenté leur volume d'achats de 23 % . Un chiffre que l'on modérera par leur volonté probable de tester la nouveauté. Comme chez InPost et Packcity (dont les consignes sont fabriquées par l'allemand Keba), Renz propose différents formats de casiers, tous privatisés le temps d'une livraison, et administrés par le livreur grâce à une tablette. Bientôt, depuis son smartphone.
Près d'un siècle après sa création, Renz essaie de se metrte à l'heure du numérique - Crédit : Renz.
Le modèle économique n'est pas arrêté mais une piste se dessine : facturer les promoteurs immobilier, pour qui cet investissement est faible dans le chantier global. Ce service de consigne, qui pourra être le réceptacle idéal pour de la conciergerie à terme, constituera en retour de la valeur ajoutée pour le bailleur. Afin de percer, Renz a décidé de prendre le sujet à la racine : il doit obtenir une norme. C'est en fait la seule voie possible pour que son produit devienne un standard, et qu'il ne soit pas limité au stade de l'expérience.
Le fabricant mosellan, numéro deux français de la boîte aux lettres, a fédéré neuf fabricants de boîtes sur onze au sein d'un syndicat. Le but : qu'ils s'emparent des consignes, en fabriquent, et que cela aboutisse à une norme. Le temps est compté. « La Poste estime que les lettres disparaîtront dans 15 ans », dit Alain Fischer, qui a investi 300 000 euros dans son prototype. L'instance normative se prononcera en 2016.
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