Moteur de recherche : les plaignants sceptiques face aux propositions de Google

Ludwig Gallet
Publié le 25 avril 2013 à 18h20
Google est actuellement au centre d'une procédure pour abus de position dominante. Après des critiques, la firme a dit qu'elle avait modifié la façon dont elle présente les résultats sur son moteur de recherche. La Commission européenne souhaite désormais recueillir les retours des professionnels qui ont initié cette plainte, et qualifient déjà les propositions d'insuffisantes .

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Les discussions entre Google et la Commission progressent. L'institution communautaire demande ce jeudi aux plaignants de lui faire connaître leurs observations concernant les propositions formulées par la firme pour mettre un terme au différend.

Qu'est-ce qui est reproché à Google ?

Le moteur de recherche, qui pèse pour plus de 90% de parts de marché dans son secteur, est accusé d'abus de position dominante. Onze entreprises (Foundem, BDZV, Euro-Cities, Expedia, Hot Maps, Streetmap, TripAdvisor, Twenga, la VDZ, la VfT et Visual Meta) estiment que Google profite de son monopole sur la recherche pour mettre en avant l'ensemble de ses services.

Joaquin Almunia, le commissaire européen chargé de la concurrence, a clairement critiqué l'attitude de Google puisqu'il avait notamment annoncé publiquement que l'entreprise abusait de sa domination sur quatre points. À savoir une différence de traitement sur les recherches verticales, la copie de certains contenus provenant de sites concurrents, la mise en place d'accords publicitaires très contraignants et les restrictions qu'il impose en matière de portabilité des campagnes de publicité entre sa plateforme AdWords et d'autres services concurrents

La Commission européenne avait donc ouvert une enquête en 2010, sommant Google de s'expliquer. Les discussions se sont ensuite prolongées jusqu'à ce que Google fournisse des propositions très concrètes, que la Commission soumet aujourd'hui à l'appréciation des plaignants. Il faut dire que Google risque potentiellement très gros. En matière d'abus de position dominante, le droit communautaire expose les entreprises à une amende maximale égale à 10% de leur chiffre d'affaires mondial (art L464-2 du code de commerce). Dans le cas d'un géant comme Google et suite à un rapide calcul, la somme serait donc astronomique, dépassant les 5 milliards de dollars puisque qu'il a franchi le cap des 50 milliards de chiffre d'affaires en 2012.

Ce qu'il propose contre la mise en avant de ses services

Finalement, la firme s'est résolue à faire un pas en avant vers la Commission européenne en proposant toute une série de mesures destinées à assurer un égal traitement de ses services avec ceux des sites tiers. Des mesures qu'il n'a pas encore déployé mais qui pourraient l'être après l'aval de la Commission.

Elle a ainsi proposé de labelliser les liens dirigeant vers ses propres services afin que les utilisateurs soient en mesure de les distinguer. La Commission cite notamment Google Shopping, Google Places, Google News pour l'actualité et plus récemment Google Flight pour la recherche de vols aériens.

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Visuels fournis par Google à la Commission pour illustrer ses propositions


Elle a ensuite proposé de séparer clairement les liens faisant l'objet d'un traitement préférentiel des autres résultats de recherche. On remarque ainsi un encadré autour des liens renvoyant vers les services de Google. La firme s'engage par ailleurs à afficher des liens renvoyant vers trois services concurrents à proximité de ses propres services.

Les sites auront encore la possibilité de refuser l'utilisation de tout leur contenu dans les services de recherche de Google sans pour autant remettre en cause leur classement parmi les résultats des recherches générales du groupe américain.

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Un exemple sur mobile


Et en matière publicitaire ?

Le moteur de recherche propose ici de mettre un terme à l'insertion dans les accords de contrats publicitaires d'obligations écrites ou non qui exigeraient d'eux qu'ils se procurent leurs publicités contextuelles en ligne exclusivement auprès de Google. Il s'agirait enfin pour lui de ne plus imposer d'obligations empêchant les annonceurs de gérer les campagnes publicitaires contextuelles sur différentes plateformes concurrentes.

De quoi contenter les plaignants ?

La Commission a depuis toujours affirmé qu'elle recueillerait avec la plus grande attention les retours des plaignants. Règlement amiable oblige, ceux-ci sont aujourd'hui invités à présenter leurs observations sur le sujet. En cas de retours positifs de la part de ces derniers, la Commission sera alors en mesure de « rendre ces propositions juridiquement obligatoires » pour Google.

Certains points seraient cependant toujours contestables. C'est notamment le cas de la labellisation qui pourrait bien avoir comme effet pervers d'avantager encore un peu plus Google. De même que les propositions ne semblent pas remettre totalement en cause la mise en avant des services de Google, mais simplement de les démarquer et de les rendre identifiables par les internautes par rapport aux services concurrents.

Interrogé par la rédaction, Bastien Duclaux, p-dg de Twenga, plaignant dans cette affaire, estime que les propositions de Google sont insuffisantes. « L'objectif n'est clairement pas atteint. Au vu des captures d'écrans fournies par Google, il est clair que ses propositions ne règlent pas le problème de fond. Prenez le labelling... Ce n'est même pas le sujet ! Google aura toujours la possibilité via le déréférencement et les méthodes de déclassement de nous pénaliser sur le référencement vertical. Nous allons bien sûr mener des tests poussés pendant les semaines à venir. Mais il est probable que le retour soit négatif », regrette-il. Pour lui, si les propositions de Google étaient retenues en l'état, il y aurait là « le risque de sanctuariser les abus de position dominante pour les cinq prochaines années ».

Un sentiment partagé par d'autres professionnels, à en croire un communiqué de l'ICOMP, qui regroupe plusieurs autres plaignants. S'ils se félicitent de voir la Commission les solliciter pour demander un retour, et s'ils entendent bien évaluer les propositions en détail, ils expliquent qu'« il est d'ores et déjà clair que la simple labellisation des services de Google sur les pages de résultats du moteur de recherche ne constitue pas une solution à même de régler les problèmes de concurrence qui ont été identifiés. Google doit appliquer les mêmes règles de classement des résultats à tous les sites web indexés. Cela inclut évidemment leurs propres services verticaux (par exemple YouTube ou Google Images) dont le classement est actuellement manipulé de sorte qu'ils soient à tort bien positionnés sur les pages de résultats. ». Le feuilleton pourrait durer encore un petit moment.
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