La politique fiscale de Google est dans le collimateur de plusieurs pays. Ce mardi, c'est le Comité des Comptes Publics britannique (Public Accounts Commitee), composé de 14 parlementaires, qui a rendu public son rapport à la Chambre des Communes.
Le 20 mai, Éric Schmidt avait été reçu par David Cameron en personne. Le Royaume-Uni ne cache plus sa volonté de d'agir sur la question. S'attaquer à l'imposition de firmes à rayonnement international est en effet forcément bienvenu dans un contexte de crise, alors que toutes les firmes y ont recours.
À l'époque, le président de Google avait justifié sa politique fiscale auprès de la presse. Il s'était même dit « fier » de la politique d'optimisation fiscale opérée par la firme de Mountain View. Parce que son comportement ne diffère pas de celui des autres géant de l'Internet et que Google contribue fortement à l'économie britannique.
« Je pense que la chose la plus importante à dire sur nos impôts, c'est que nous nous conformons entièrement à la loi, ce que nous continuerions évidemment à faire si elle changeait », avait-il déclaré. Et d'ajouter que Google « fait vivre un grand réseau de start-up grâce à la publicité » et un « élément clé du e-commerce » dans le pays, « l'un des moteurs de sa croissance économique ».
Google UK : 18 milliards de dollars de revenus entre 2006 et 2011, 16 millions d'impôts
Des arguments qui ne satisfont visiblement pas les parlementaires britanniques. Le rapport, accablant, met clairement en cause le rapatriement en Irlande d'une grande partie des bénéfices obtenus au Royaume-Uni.
Comme de nombreuses firmes, Google profite des taux d'impositions irlandais, les plus bas d'Europe, pour échapper à un impôt sur les sociétés bien plus élevé dans les pays voisins (12,5% en Irlande contre 28% au Royaume-Uni par exemple). Google assure tirer une grande partie de ses revenus de la vente de publicités via son entité irlandaise. Il se défend de mener des activités commerciales au Royaume-Uni et n'en dégagerait donc aucun revenu imposable.
Reste que pour le comité, la réalité est toute autre. Pour lui, le Royaume-Uni serait même un marché clé de Google en Europe. Il affirme que la firme pratiquerait allègrement l'évasion fiscale en dépit des profits énormes qu'il dégagerait sur le territoire. Les ventes de publicités, si elles sont effectivement traitées en Irlande, ne seraient qu'un subterfuge alors que celles réalisées auprès des clients britanniques seraient de la responsabilité des employés basés sur le territoire.
Le Comité incite le Fisc britannique à mener l'enquête
Pour étayer ses dires, le rapport se base notamment sur des témoignages d'anciens employés de Google, qui assurent qu'ils traitaient à l'époque directement avec de futurs clients de Google. Le comité disposerait sur ce point de preuves concrètes, parmi lesquelles des graphiques présentant les interactions entre les clients et les employés britanniques.
Il se base enfin sur des informations révélées par l'agence de presse Reuters, présentant le descriptif des missions des employés de Google UK et autres éléments censés témoigner d'une activité commerciale irréfutable.
Le « PAC » se penche également sur l'action menée par le HMRC (l'équivalent du Fisc français) qu'il estime insuffisante. Les parlementaires s'étonnent d'avoir vu ce dernier s'avouer incapable d'établir une potentielle activité commerciale au Royaume-Uni. « Nous comprenons que le HMRC dispose de moyens limités mais il est extraordinaire que Google n'ait pas rencontré plus de difficultés à mettre en oeuvre ces arrangements, compte tenu de l'immense disparité entre l'endroit où le profit est généré et celui où l'impôt est payé ». « Dans le cas de Google, nous ne comprenons pas comment quelques journalistes, sources anonymes et membres du parlement ont pu découvrir ce que le Département n'a pas pas obtenu » déplore-t-il. Les parlementaires appellent aujourd'hui le HMRC à mener l'enquête dans le détail quant à la politique fiscale de Google.
Plus globalement, les parlementaires appellent à revoir les lois fiscales britanniques, jugées « trop complexes ». « Le HMRC et le Trésor devraient pousser à la mise en place d'une organisation internationale pour accroître la transparence fiscale, notamment en élaborant des propositions spécifiques visant à améliorer la qualité et la crédibilité des informations rendues publiques », précise-t-il. Pour le Comité, cela permettrait d'utiliser cette information pour collecter une part équitable de l'impôt prélevé sur les profits générés dans chaque pays.