Les internautes peuvent en effet désormais demander à ce qu'un moteur de recherche ne référence plus des liens dirigeant vers des informations les concernant. La Cour de justice de l'Union européenne instaure toutefois une limite à ce principe en demandant à ce qu'un équilibre soit trouvé entre le droit au respect de la vie privée, le droit à la protection de données à caractère personnel et la liberté d'expression et d'information.
Face à cette exception, les moteurs de recherche tentent de recueillir les positions des professionnels et acteurs du secteur. Un cycle de conférence a donc été initié. Après Madrid et Rome, Paris est désormais au rendez-vous.
David Drummond, directeur des affaires juridiques de Google livre la situation du groupe : « nous n'avons pas accueilli cette décision de l'Europe avec beaucoup de plaisir. [...] Certains cas sont clairs, comme ceux relatifs à la pédophilie par exemple. Mais d'autres sont plus difficiles à juger par exemple pour les personnes qui ont été condamnées pour des délits désormais passés ou pour des discours et propos politiques ».
Le responsable s'interroge sur l'idée d'une « prescription numérique » d'un fait ou d'un propos formulé en ligne. A cette question, le psychiatre Serge Tisseron répond : « sur le fond, une information ne doit pas être effacée. [...] Car sinon nous risquons d'entrer dans une culture ou chacun peut faire ce qu'il veut car tout peut être effacé. Ce sont souvent les internautes eux même par imprudence qui sont à l'origine d'informations et qui souhaitent ensuite les effacer. J'invite donc tout le monde à prendre en compte le risque de creuser le fossé entre la réalité du monde et d'Internet ».
Des risques « d'instrumentalisation » des demandes de retrait
Face à ce principe, plusieurs responsables de services en ligne tentent de rappeler que certains ont déjà saisi l'opportunité du droit à l'oubli pour en faire un commerce. Emmanuel Parody, secrétaire général du Geste et directeur de CUP Interactive (Zdnet, Gamekult...) explique : « la plupart des demandes que l'on reçoit sont instrumentalisées c'est-à-dire qu'il s'agit d'éditeurs, de personnes qui ont un intérêt à réécrire l'histoire. Au moment où nous parlons des sociétés privées se sont constituées pour automatiser ce processus de droit à l'oubli ».
Google n'oubliera pas la volée de critiques
Face à ces propositions recueillies par Google et son comité de réflexion composé d'experts, les critiques sont nombreuses. En première ligne, la Cnil rappelle que « les demandes d'effacement sont prévues par la loi depuis longtemps et sont appliquées par les possesseurs de sites ». Interrogée par Le Figaro, Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la commission ajoute avoir reçu une « soixantaine de plaintes » émanant de personnes ayant essuyé un refus de la part de Google.
La Cnil entend examiner ces demandes « avant d'ordonner ou non à Google de retirer ces liens. Nous avons toutefois demandé à ces personnes de patienter, car nous souhaitons nous coordonner avec les autres autorités européennes, pour définir des règles communes ». Elle propose également à la firme américaine de prendre « des mesures précises et pratiques pour répondre aux exigences du cadre juridique européen en matière de données personnelles ».
Un rappel à l'ordre que partage en partie la Quadrature du Net. Le collectif estime que Google « tente de privatiser l'édiction de règles en la matière au travers d'une série de consultations menées par un comité mis en place par l'entreprise américaine ». Il qualifie également « d'excès de pouvoir » le fait que la Cnil puisse se « substituer au législateur et au juge ».
Si la Quadrature du Net souhaite donner « au seul juge judiciaire la tâche de mettre en balance cette liberté fondamentale avec le droit à la vie privée », Google entend, pour sa part, dresser un rapport à l'issu de son cycle de conférences.
Pour en savoir plus