Une voix toujours tonitruante, quelques borborygmes dont il a le secret et une longue déclaration, énergique et émue sur la fin : Steve Ballmer a tenu jeudi un long discours en forme de chant du cygne lors du sommet annuel organisé par Microsoft à l'attention de ses investisseurs et des analystes financiers. Le président de Microsoft, qui a annoncé son départ de la société sous douze mois en août dernier, a aussi et surtout clamé sa foi en Microsoft, une société qu'il affirme parée mieux que tout autre à affronter les vicissitudes du marché.
Avant que Steve « Developers » Ballmer ne conclue la séance, plusieurs des exécutifs mis en place lors de la sa grande réorganisation du printemps se sont succédé pour évoquer, chiffres à l'appui, les récents succès de MIcrosoft. Kevin Turner, directeur opérationnel, a par exemple commencé par assurer que ses positions dans le monde professionnel étaient plus stables que jamais, en révélant notamment que 55% du chiffre d'affaires de l'éditeur provenait aujourd'hui du segment entreprise, une donnée qu'il s'était toujours refusé à livrer ces dernières années. Le segment grand public représente quant à lui 20% du chiffre d'affaires, alors que 19% proviennent de la vente aux OEM.
L'exemple Office 365, représentatif du grand virage stratégique amorcé vers le service, a été évoqué à maintes reprises, là encore chiffres à l'appui : l'offre grand public compterait aujourd'hui 2 millions de clients et Microsoft dit désormais tabler sur un chiffre d'affaires annuel de 1,5 milliard de dollars. En mai dernier, il tablait sur un milliard de dollars. Azure, Skydrive, Skype ou Yammer (désormais fort de 200 000 entreprises clientes) figurent également au rang des succès revendiqués... tout comme Windows. Même si Windows 8 n'a pas encore transformé l'essai, l'éditeur de Redmond a tout de même glissé que Windows 7 équipait aujourd'hui 75% des postes clients en entreprise.
Beaucoup plus explicite, Amy Hood, directrice financière de la firme, s'est appuyée sur cette énumération pour légitimer la vision définie par Steve Ballmer lors de la réorganisation stratégique du groupe, désormais centré autour de deux grands indicateurs de performance : Terminaux et grand public d'un côté avec un raisonnement en termes de parts de marché, et le grand volet commercial de l'autre, basé sur la vente de licences et de services. Le premier sert à la conquête, le second constitue le nerf de la guerre sur le plan financier, puisque c'est là que réside le vrai butin, tant en termes de chiffre d'affaires que de marge.
Alternant les va-et-vient, Ballmer revient sur scène et maintient que cette vision est la bonne, avant de concéder un échec : le mobile, sur lequel Microsoft est encore à la peine aujourd'hui. Après Vista, il exprime donc un nouveau regret : « au début des années 2000, nous étions si concentrés autour de ce que nous avions à faire autour de Windows que nous n'avons pas été capables de redéployer nos talents autour de cette nouvelle catégorie de terminaux qu'on appelait téléphones », admet-il avant de reprendre du poil de la bête. « A chaque fois que nous avons de faibles parts de marché, ça donne comme une opportunité pour moi », lance-t-il encore. Cette opportunité, c'est bien sûr le rachat de Nokia... et c'est à son successeur qu'il incombera d'en faire un triomphe.
L'identité de ce dernier n'a pas été révélée, mais Ballmer lui a tout de même souhaité symboliquement la bienvenue, tout en indiquant avoir rencontré bon nombre de ses concurrents et homologues au cours de ces trois dernières années pour préparer le terrain. « Nous avons pris la décision d'annoncer (mon départ) avant d'avoir déterminé mon remplaçant pour être sûr que nous allions lancer le meilleur processus de succession au monde. Bien ce que ce soit un peu étrange pour moi de venir travailler en sachant ça, nous nous sommes dits que c'était assurément le meilleur moyen d'offrir à cette société le leader qu'elle mérite du fait de ses équipes incroyablement talentueuses », a déclaré le futur ex-CEO.
Convention financière oblige, Ballmer a rapidement coupé court aux épanchements pour en revenir à la question de la stature de Microsoft. La seule société à avoir vraiment su, selon lui, poser des jalons sur tous les terrains indispensables, avec partout des produits susceptibles de conserver ou conquérir une place de numéro un, et la compréhension des grands challenges à venir, grâce à son travail simultané sur le grand public et l'entreprise, le logiciel et le matériel. « Et si vous écrivez la liste des sociétés qui ont ces capacités, vous allez certainement mettre Microsoft. Vous mettrez probablement Google, même si nous avons des forces différentes. Après ça, on trouve Apple sur certains tableaux. Mais eux n'ont pas réalisé les mêmes investissements que nous dans le cloud ou dans l'apprentissage automatique, et c'est là que la différence commence à se creuser », a lancé Ballmer, pendant qu'apparaissait derrière lui un tableau récapitulant le poids financier et la rentabilité des grands noms du secteur sur les dix dernières années.