Les chiffres sont si grands qu'ils donnent le tournis : deux superstructures du cloud, Numergy et Cloudwatt, disposant de 225 millions d'euros chacune pour leur lancement ; une capacité d'emprunt portée au demi-milliard ; un marché du Cloud, lui, estimé à 3 milliards d'euros sous 4 ans ; et Microsoft qui a déjà investi 6 milliards de dollars sur ce marché !
La solidité du marché ne fait plus de doute. La pertinence de ses acteurs, si.
Avant de gloser sur l'attribution de deniers publics à des projets qui existent déjà dans le privé, il faut se demander si ces acteurs existent véritablement.
La question peut surprendre, mais elle doit se poser. Le site web de Numergy, pour ne citer que lui, laisse perplexe. Le catalogue de solutions n'existe que par son accroche « Mettre en place un service web en quelques clics », un peu décevant pour les entreprises qui attendaient de la future « centrale numérique française » une réponse concrète à leurs problématiques d'infrastructures. Les offres de services sont classées par taux de disponibilité, à la manière de forfaits 'appels et SMS illimités' d'opérateurs télécoms - un peu léger lorsque l'on dispose de 225 millions d'euros publics et pour un groupement tels que SFR et Bull.
On pourra toutefois se réjouir de la mise en concurrence des opérateurs historiques entre eux sur un marché porteur. De surcroît, tous semblent animés par la même préoccupation, celle de proposer une offre résidente en France. Enfin, ces structures pourront apporter une certaine visibilité à la France sur le marché international, face aux mastodontes type Google ou Amazon. Voit-on enfin poindre une alliance nationale pour un Cloud à la française ?
Hélas, pas avec Numergy ni Cloudwatt, pour deux raisons.
La première, c'est que le marché n'a pas attendu ces deux prestataires pour développer ses propres offres. Cela fait près de 10 ans que des acteurs spécialisés sont présents.
La seconde, c'est qu'un marché se développe aussi par l'innovation. Or, cette innovation reste minime dans les plans de développement (connus à date) de ces deux prestataires, malgré les fantastiques capacités de R&D chez Bull ou Thalès, par exemple.
A ce jour, on admet communément qu'il faut 4 briques essentielles pour composer une offre de Cloud Infrastructure As A Service : réseau, stockage, serveurs et virtualisation. Avec 225 millions de fonds, Cloudwatt et Numergy nous proposent donc la brique à plus de 56 millions d'euros. L'addition promet d'être salée. N'oublions pas que le Cloud ne se limite pas aux solutions Iaas, mais qu'il intègre aussi les solutions Paas et Saas, les plus attendues du marché et pour lesquelles aucun chiffre n'a été annoncé.
Au final, beaucoup de confrères ont décrié l'arrivée de ces nouveaux jeunes talents du Cloud. Mais, nous pensons que leur arrivée était nécessaire pour conforter les entreprises françaises dans le choix du « modèle Cloud » et positionner la France comme un acteur de référence à l'international.
Néanmoins, l'impulsion a été donnée il y a près de 10 ans par quelques centaines d'entreprises visionnaires dans leur façon de consommer les services informatiques. Aujourd'hui, elles sont déjà plusieurs dizaines de milliers, en France, à faire appel à des acteurs spécialisés (agréés, certifiés ou normés).