Comparé à la moyenne de l'Union européenne, les entreprises françaises, surtout les petites, sont rétives à l'adoption du cloud. Une étude de l'Insee sur les sociétés d'au moins 10 salariés révèle qu'en 2014, 12 % d'entre elles avaient « acheté » des services d'informatique dématérialisée, contre 19 % pour l'UE. En Allemagne, cette proportion est de 11 %, mais de 24 % au Royaume-Uni, 40 % en Italie et même 51 % en Finlande.
Facteurs limitant les sociétés dans leur utilisation du cloud - Source : Insee.
L'adoption du cloud en France varie fortement selon la taille de l'entreprise : de 36 % dans les structures de plus de 250 salariés, elle descend à 14 % dans les organisations de 20 à 249 collaborateurs, pour tomber à 9 % dans les entreprises avec des effectifs compris entre 10 et 19 personnes. Le taux de pénétration du cloud dépend aussi très largement du secteur : 39 % dans les sociétés de l'information et 5 % dans la restauration.
Ces chiffres semblent très faibles alors que cette étude comprend une forme de cloud très classique : l'e-mail. Parmi les sociétés adeptes de cloud, 62 % en sont clientes, et autant pour le stockage de fichiers. L'usage d'outils plus critiques, comme un logiciel de gestion de l'entreprise (ERP), entièrement dans le cloud, ou un logiciel de gestion de la relation client (CRM), n'est pas à l'ordre du jour dans les plus petites structures.
Alors que le cloud est censé procurer des économies à ses clients, qui n'ont plus besoin d'investir dans des serveurs, ni d'en assurer la gestion et la maintenance, le coût est pourtant avancé comme l'un des principaux freins à son adoption. Selon l'Insee, 37 % des sociétés disent que « le coût élevé des services offerts les oblige à en limiter l'usage ». L'autre raison qui freine les sociétés est plus connue : la localisation des données.
La crainte du Patriot Act
Un tiers des sociétés réduit son utilisation du cloud, dit l'étude, « du fait des incertitudes sur la localisation des données ou sur la législation ». Dans un marché où il est dur d'éviter les opérateurs américains, tels qu'Amazon Web Services, Google, Microsoft, Salesforce ou IBM - et alors que les acteurs franco-français Numergy et Cloudwatt pataugent - les entreprises françaises veulent tant que possible éviter le Patriot Act.Il sera intéressant de sonder l'avis de ces sociétés si le projet de loi sur le renseignement est voté en France. L'un de ses volets prévoit l'installation de « boîtes noires » chez les fournisseurs d'accès et les hébergeurs, ce qui a déjà provoqué le départ d'Altern. En parallèle, les américains se mettent à ouvrir des centres de données en Europe : Salesforce au Royaume-Uni, en Allemagne et en France. Et même Amazon, en Allemagne.
Cette migration en Europe améliore la disponibilité des données, et veut rassurer les entreprises, alors que l'Insee souligne que « dans la plupart des cas, les clients ne disposent d'aucune information sur la localisation (...) du cloud ». Juridiquement, cela ne changerait rien. En 2012, des juristes de l'université d'Amsterdam affirmaient que le Patriot Act peut conduire au contournement des lois européennes. Ce qu'a confirmé le directeur de Microsoft au Royaume-Uni, disant ne pas pouvoir garantir que les données restent en Europe.
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