En direct de la Game Developers Conference, où il a tenu une conférence historique, Google a dévoilé le nom et les détails de son service de cloud gaming : Stadia.
Pour sa première conférence sur le jeu vidéo, Google a mis les petits plats dans les grands. Sur scène, Phil Harrison, chef de la division cloud gaming de Google, a donné la réplique à divers représentants de l'industrie ainsi qu'à Jade Raymond, productrice de renom et récemment recrutée à un poste clé chez Google. L'objectif ? Évangéliser les plans de la firme en matière de cloud gaming, désormais matérialisés sous le patronyme Stadia.
Stadia sera lancée au cours de l'année 2019 aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni ainsi que dans une partie de l'Europe.
Google Stadia : les détails du service de cloud gaming
Si le logo de son service avait fuité quelques heures avant la levée du rideau, les détails du service de Google étaient encore sous scellés jusqu'à l'heure H. Et parler de "détails" est un énorme euphémisme.Une heure durant, Google s'est livré à une véritable avalanche d'annonces, toutes plus excitantes les unes que les autres.
Pour commencer, Stadia est un service de cloud gaming se reposant sur les innombrables data centers dont dispose Google. Implantée dans 58 régions et plus de 200 pays, la firme promet un service à haute disponibilité - ce qui devrait garantir une latence réduite à son minimum.
Accessible au lancement sur PC, laptops, smartphones, tablettes et téléviseurs connectés, Stadia se donne pour objectif de réduire au maximum la friction entre les différentes plates-formes, et donc de proposer une expérience totalement fluide.
- CPU : processeur custom de 2,7 GHz hyperthreadé avec AVX2 SIMD et 9,5 Mo de cache L2+L3
- GPU : carte graphique custom par AMD avec mémoire dédiée HBM2, 56 compute units permettant une puissance théorique de 10,7 teraflops
- API graphique : Vulkan
- RAM : 16 Go de RAM permettant une bande passante jusque 484 Gb/s
- OS : Linux
Sur scène, Google a notamment fait la démonstration de Assassin's Creed Odyssey, joué successivement sur un ordinateur portable, un Pixel 3 XL, un ordinateur de bureau, une tablette et un téléviseur LG. Le tout, sans qu'aucun temps de chargement ou même le moindre rollback de la progression du joueur ne vienne l'handicaper.
Avec Stadia, Google fait de n'importe quel lien un accès direct au jeu vidéo
Mais Google va encore plus loin. "Avec Stadia, n'importe quel lien devient votre plate-forme de distribution", affirme Phil Harrison au parterre de développeurs venus assister à la présentation. Avec sa plate-forme, Google veut créer une passerelle directe entre l'envie de jouer et le jeu.Intégré nativement à tout l'écosystème Google, et notamment avec YouTube, Stadia permettra aux joueurs de regarder la vidéo d'un jeu, puis de s'y essayer dans la seconde si sa curiosité devait être piquée. À l'instar de ce que propose actuellement YouTube Gaming en faisant apparaître une petite fiche descriptive du jeu sous chaque vidéo, y figurera bientôt un lien permettant de lancer - en moins de cinq secondes - une partie. Mieux ! Selon les dires de Google, votre partie commencera exactement là où vous avez arrêté la vidéo.
Mais si cette nouvelle façon de consommer du jeu vidéo revêt bien entendu des côtés pratiques pour les joueurs, c'est aussi un champ des possibles florissant pour les développeurs et les créateurs YouTube, qui jouiront bientôt d'outils extrêmement puissants pour diffuser leur oeuvre et faire croître leur communauté.
Stadia : une formidable opportunité pour les développeurs
Sur scène, Phil Harrison est abondamment revenu sur le caractère frustrant, voire archaïque, d'être limité par l'enrobage matériel des consoles de jeu. Toujours régies par le concept vieillissant de "générations", leur hardware n'est pas en mesure d'évoluer pendant 5 à 8 ans, et implique donc pour les développeurs de raboter leurs ambitions pour que leurs créations demeurent jouables.Mais avec Stadia, Google promet que les préoccupations matérielles des développeurs appartiendront bientôt au passé. Grâce à la puissance des serveurs de la firme, et avec le concours d'AMD, qui a développé un GPU spécialement pour le service, les studios de développement pourront tirer parti d'une puissance de 10,7 Tflops pour donner vie à leurs projets les plus fous.
Aussi, si le service est actuellement capable de propulser les jeux en 1080p 60fps aux yeux des joueurs, Google affirme qu'il sera, demain, en mesure d'afficher de la 4K HDR à un taux de rafraîchissement similaire. Encore plus tard ? Stadia s'adaptera à la 8K, et proposera même un taux d'images par seconde supérieur à 120.
Ce n'est pas tout. Pour satisfaire à son ambition de réduire les frictions, Google a fait en sorte que sa plate-forme ne crée aucune barrière. Aussi Phil Harrison n'a pas caché son approbation en annonçant que Stadia supportera le jeu cross platform nativement.
Google va développer des jeux par l'intermédiaire de Stadia Entertainment and Games
Comme un corollaire à toutes les possibilités offertes par sa plate-forme, Google a annoncé ce soir la création de Stadia Entertainment and Games : la division de la firme qui sera en charge de recruter des studios de développement first party.Une division dirigée par Jade Raymond, nouvelle recrue prestigieuse qui, sur la scène du GDC, n'a pas masqué son enthousiasme à travailler sur des licences originales pour ce nouvel acteur de poids dans l'industrie vidéoludique.
Mais et les jeux dans tout ça ? Eh bien n'oublions pas que la GDC est avant tout un événement destiné aux professionnels, et que la conférence de Google n'était pas (intégralement du moins) destinée à faire mousser les babines des joueurs, mais bien celles des développeurs. L'objectif de cette opération séduction est bien de ramener des studios dans l'escarcelle de Google afin de se confectionner un solide catalogue lors du lancement de Stadia.
Pour l'heure, si l'on sait déjà que Ubisoft sera un partenaire privilégié du service, on a également eu la confirmation que id Software serait de la partie. Sur les planches de San Francisco, Marty Stratton, producteur exécutif de DOOM Eternal (la suite du reboot de 2016) a annoncé que son jeu sera bel et bien jouable sur Stadia, et qu'il le sera en 4K HDR à 60 fps.
Stadia est pensé comme un véritable outil communautaire
On l'a dit : passer d'une vidéo YouTube à un véritable jeu vidéo se fera en un clignement d'oeil avec Stadia. Mais Google ne s'est pas arrêté là, et compte bien faire cohabiter Stadia et son service de vidéos en ligne.Pour cela, la firme de Mountain View a imaginé plusieurs fonctionnalités qui vont permettre aux vidéastes d'interagir comme jamais auparavant avec leur communauté.
"State Share", par exemple, est un outil qui va permettre aux joueurs de partager un extrait jouable de jeu à sa communauté. Imaginez-vous en train de regarder votre streamer favori hurler de terreur dans un passage glauque d'un jeu d'horreur. Eh bien si les développeurs ont intégré la fonctionnalité, et que le streamer en question a choisi de partager ce moment, tous les spectateurs auront l'opportunité de rejoindre l'extrait et d'y jouer eux-mêmes.
La feature intitulée "Crowd Play" est aussi particulièrement excitante. Elle permettra aux viewers d'un stream de rejoindre en un clin d'oeil la partie de la personne qu'ils regardent jouer ; si tant est que cette dernière accepte la requête, bien entendu.
Et Google Assistant dans tout ça ?
Vous vous doutez bien que Google n'imaginerait pas lancer un produit en 2019 sans inclure son assistant vocal quelque part. Pourtant, son intégration dans Stadia est relativement discrète, bien qu'incroyablement puissante.En effet, l'assistant Google est intégré nativement dans le Stadia Controller, la manette de jeu développée en interne. Celle-ci fonctionne en Wi-Fi, et sera liée directement aux serveurs de jeu, garantissant ainsi une latence réduite à son minimum. Mais Google a bien indiqué dans sa conférence que n'importe quelle manette USB, ou couple clavier / souris seraient supportés.
Mais revenons à Google Assistant. Grâce à un bouton dédié sur la manette, il sera possible d'obtenir de l'aide en jeu de façon ridiculement simple. Coincé dans un tombeau de Shadow of the Tomb Raider ?, demandez à Google Assistant de vous trouver la solution. En un clin d'oeil, une vidéo YouTube se lancera en surimpression sur l'écran, et démarrera à l'exact moment où vous êtes bloqués pour vous accompagner.
Google Stadia : la révolution du jeu vidéo ?
Sur ses cartons d'invitation, Google nous invitait à venir découvrir le futur du jeu vidéo. Est-ce donc comme cela qu'il faut prendre les annonces qui ont été faites ce soir ?Pas si vite. N'oublions pas que la GDC est avant tout un événement à destination des professionnels. À San Francisco, Google est en réalité en pleine opération séduction pour son service de streaming vidéoludique. On le sait : le plus important pour ce type de produit est l'épaisseur de son catalogue. En substance, Google n'a pas dit autre chose ce soir que "Stadia est un service accessible pour les développeurs, qui peuvent facilement y porter leurs jeux".
La promesse de la firme de Mountain View est-elle alors trop ambitieuse ? Loin de là. La volonté de Google de faire un maximum de bruit autour de son annonce n'est pas innocente, et l'entreprise n'a pas pour coutume de lancer sur le marché des produits dysfonctionnels.
Sundar Pichai, CEO de Google, a indiqué que ses équipes travaillaient d'arrache-pied depuis plus de deux ans pour peaufiner Stadia. Cela paraît peu ? C'est oublier les efforts transversaux qu'a mobilisés Google dans des domaines comme l'intelligence artificielle ou le cloud, et qui lui ont probablement permis de prendre quelques raccourcis bienvenus lors de la conception de Stavia.
Mais alors que la conférence vient de prendre fin, on se retrouve malgré tout avec plus d'interrogations que de réponses. Combien cela va-t-il coûter ? Quid de la connexion Internet requise pour profiter du service ? Les développeurs répondront-ils à l'appel de Google ? Et surtout, la plus importante de toutes : quels jeux seront disponibles au lancement du service ?
Pour l'heure, à part Ubisoft et id Software, nous avons pu relever que les noms de Square Enix, 2K Games, Q-Games et Tequila Works avaient été prononcés à un moment ou à un autre. Du reste, Phil Harrison et Jade Raymond ont affirmé avoir obtenu la confiance d'un bon (et vague) millier de studios de par le monde.
Des questions envoyées comme des bouteilles à la mer, auxquelles Google a heureusement encore au moins neuf mois pour répondre. Peut-être à l'occasion d'un certain salon californien dédié au jeu vidéo cet été ? Après tout, alors que Sony s'est fait porter pâle pour cette édition de l'E3, Google s'offrirait ainsi une tribune royale pour toucher le coeur des joueur.
Une chose est sûre : cette fin de génération de consoles s'avère définitivement plus palpitante que nous n'aurions pu l'imaginer il y a encore quelques mois.