Google, OpenDNS et un certain nombre de sociétés spécialisées dans la mise à disposition de contenus (des CDN, pour Content Delivery Network) viennent de lancer une initiative conjointe, baptisée Global Internet Speedup visant à « accélérer Internet », tout simplement. Attention : il n'est pas question ici de favoriser le déploiement du très haut débit, mais plutôt d'optimiser le fonctionnement des différents éléments de la chaîne impliquée lors de la navigation sur le Web. Pour ce faire, les partenaires impliqués planchent depuis plus d'un an sur un dispositif qui permettrait d'améliorer l'efficacité du DNS, ou Domain Name System. Il avait d'ailleurs été présenté début 2010 au groupe de travail IETF.
Le système de noms de domaine est le service qui permet d'établir la correspondance entre le nom de domaine du site que vous souhaitez visiter et l'adresse IP de la machine qui l'héberge. En règle générale, le service est assuré par votre fournisseur d'accès à Internet, mais il est également possible de passer par des prestataires tiers : OpenDNS par exemple, ou Google qui, depuis 2009, dispose de son propre DNS. Dans la vie numérique, les services DNS seraient un carnet d'adresses ou un annuaire.
C'est cette analogie qu'utilisent les membres de l'initiative GIS pour expliciter leur propos. « Que se passe-t-il si vous cherchez un commerce dans un annuaire et qu'il existe 50 emplacements différents ? Vous voudriez sans doute celui qui est le plus près de chez vous », posent-ils comme postulat de départ.
Gestion manuelle des DNS au sein de Windows, ici pointés vers les serveurs de Google
Ici, il convient de rappeler que les sites et services Web les plus importants sont accessibles depuis différentes machines, parfois réparties tout autour du monde. Les sites de vidéo en ligne, les très grands portails ou les sites de sociétés de premier plan sont quant à eux répliqués et disséminés au travers d'une multitude de serveurs. C'est d'ailleurs le rôle que jouent les CDN : ils fournissent des serveurs supplémentaires aux éditeurs de sites devant leur permettre de se « rapprocher » physiquement des internautes. Inutile, en effet, de renvoyer un internaute français vers des serveurs situés aux Etats-Unis si les contenus qu'il recherche sont également accessibles depuis des machines installées à Paris.
Aujourd'hui, la plupart des DNS ne sauraient pas, selon Google et ses partenaires, intégrer dans leur mécanique de résolution des noms de domaine la dimension géographique, liée à la situation physique de l'internaute. De ce fait, ils ne seraient pas capables d'optimiser le trafic, en renvoyant dès que possible vers un serveur situé à proximité de l'utilisateur final. Il s'ensuivrait donc des échanges non indispensables, susceptibles d'entraîner une latence malvenue et, accessoirement, d'encombrer le réseau en faisant circuler l'information sur des distances plus importantes que nécessaire.
Pour fluidifier les échanges, GIS propose qu'une partie de l'adresse IP de l'internaute soit transmise au DNS lors de l'envoi d'une requête. Les premiers blocs de chiffres qui composent ladite adresse permettent en effet de déterminer la zone géographique dont provient le signal, et suffisent donc à un DNS correctement préparé pour adapter sa réponse. Voici un exemple de requête réalisée avec ce que les membres de l'initiative appellent l'option « client-subnet », dans lequel on voit apparaître l'adresse IP de l'émetteur (en gras ci-dessous), dont le dernier octet a été remplacé par un 0.
wilmer@fiona:~$ ./bin/dig @ns1.google.com www.google.com +client=130.89.89.0/24
; «» DiG 9.7.1-P2 «» @ns1.google.com www.google.com +client=130.89.89.0/24
;; OPT PSEUDOSECTION:
; EDNS: version: 0, flags:; udp: 512
; CLIENT-SUBNET: 130.89.89.0/24/21
;; QUESTION SECTION:
;www.google.com. IN A
;; ANSWER SECTION:
www.google.com. 604800 IN CNAME www.l.google.com.
www.l.google.com. 300 IN A 74.125.79.104
www.l.google.com. 300 IN A 74.125.79.99
www.l.google.com. 300 IN A 74.125.79.147
; «» DiG 9.7.1-P2 «» @ns1.google.com www.google.com +client=130.89.89.0/24
;; OPT PSEUDOSECTION:
; EDNS: version: 0, flags:; udp: 512
; CLIENT-SUBNET: 130.89.89.0/24/21
;; QUESTION SECTION:
;www.google.com. IN A
;; ANSWER SECTION:
www.google.com. 604800 IN CNAME www.l.google.com.
www.l.google.com. 300 IN A 74.125.79.104
www.l.google.com. 300 IN A 74.125.79.99
www.l.google.com. 300 IN A 74.125.79.147
Cedexis, prestataire spécialisé dans l'optimisation de trafic, y voit une initiative positive. « Elle démontre s'il en était besoin qu'il y a une forte volonté des acteurs de contribuer à rendre Internet toujours plus fiable », se réjouit Julien Coulon, son cofondateur. « Dans le même temps, nous notons que de plus en plus d'éditeurs réalisent qu'aucun prestataire n'est bon partout tout le temps et que seul le multi-sourcing (c'est à dire l'utilisation de plusieurs prestataires) permet de garantir les meilleurs performances aux meilleurs coûts ». Autrement dit, la proximité géographique ne ferait pas tout.
Outre Google et OpenDNS, le dispositif serait aujourd'hui actif chez Bitgravity, CDNetworks, DNS.com et Edgecast. D'autres CDN sont listés sur le site du projet, mais on remarque que les principaux représentants du genre, Akamai ou Limelight Networks par exemple, manquent à l'appel. Le GIS invite tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse d'éditeurs, d'hébergeurs ou de FAI, à rejoindre le mouvement et assure que les bénéfices seront d'autant plus sensibles que le nombre de participants sera important.