Aujourd'hui à Bercy était organisée une DataDay, visant à promouvoir et éclaircir la partie open data du projet de loi sur la République Numérique. Dans l'enthousiasme général, le vice-président du Conseil National du Numérique a pourtant tenu à mettre en exergue des points particulièrement sensibles de la loi à venir.
A l'heure où les géants de l'Internet réutilisent les données personnelles à des fins commerciales, une ouverture de ce nouveau marché semblait indispensable, afin que cet « oligopole » dénoncé par Axelle Lemaire ne se pérennise pas, et que l'économie de la donnée profite à tous les acteurs économiques nationaux. Telle était la raison majeure de l'urgence actuelle à légiférer sur ce nouveau secteur économique.
Mais la loi à venir inclut deux volets distincts : la création d'un « service public de la donnée » (qui agrégera les informations des différentes administrations publiques) et la mise en place d'un statut de « donnée d'intérêt général ». Selon Godefroy Beauvallet, vice-président du Conseil National du Numérique (CNNum), c'est ce second pan qui pourrait poser problème, voire être la « bombe » en puissance de la loi d'Axelle Lemaire.
Axelle Lemaire défendra demain sa loi à l'Assemblée Nationale.
Dans un premier temps, le projet de loi intitulé "Pour une République Numérique" prévoit donc l'ouverture des données des institutions publiques. Le but de l'opération est double : donner à des PME, TPE et start-up, la possibilité de créer des services autour de de l'exploitation de ces données, et généraliser la pratique de la gouvernance collaborative en complétant la partie dialogue d'une partie « transparence des institutions publiques ».
Après le travail, la donnée...
Mais derrière l'ouverture des données publiques (open data), se profile un second volet, beaucoup moins convenu : le statut de « données d'intérêt général ». Derrière le concept, il s'agit donc à nouveau d'ouvrir certaines données, mais cette fois celles détenues par des acteurs privés et dont l'accès représente un fort enjeu d'intérêt général.Ce serait notamment le cas pour les SPIC (Services Publics à caractère Industriel et Commercial), dont les données n'ont pas le même statut que les informations publiques, selon les termes de l'article 10 de la loi du 17 juillet 1978. Elles peuvent être consultées, mais pas réutilisées, ce qui empêche le développement de nouveaux services utilisant ces données. Pour savoirsCom1, la notion de données d'intérêt public n'était pas indispensable, en ce sens qu'il aurait suffi d'appliquer à des établissements comme l'IGN ou l'INSEE les mêmes principes qu'aux autres administrations, en les soumettant à un principe général de gratuité.
Le site émet aussi des inquiétudes, rappelant que le terme « données d'intérêt général » est né originellement dans le rapport Jutand (la source d'inspiration de la loi Lemaire), qui prévoyait que les données de trafic en temps réel (type SNCF) puissent par rester payantes : « la création d'un nouveau statut de données d'intérêt général pourrait même s'avérer dangereuse, en servant d'alibi au maintien de redevances. »
Logo officiel de la DataDay organisée à Bercy
Poursuivant son raisonnement, le site affirme que « ces grosses sociétés (de type Google) ont largement les moyens de payer des redevances pour accéder aux données qui les intéressent, tandis que le Freemium (mode de redevance par abonnement) va surtout pénaliser les acteurs moyens. Au final, de tels systèmes tendent à conforter les positions dominantes. » Si aujourd'hui il n'était question que de gratuité dans la conférence de Bercy, l'article 2 du texte de loi est en revanche beaucoup plus clair :« les SPIC resteront libres de prévoir des licences encadrant la réutilisation ou de demander une redevance ».
Ces SPIC peuvent néanmoins détenir des données particulièrement stratégiques, comme c'est le cas pour l'IGN, l'INSEE, la SNCF ou la RATP. Pendant la DataDay, Godefroy Beauvallet évoque « une amélioration considérable des statistiques » grâce à l'accès des données de l'INSEE. En prenant le cas de Météo France, le membre du Conseil national du numérique évoque les intérêts majeurs de la « donnée contribuée », tout en signalant « des problèmes redoutables en matière de vie privée ». Pour suivre cet exemple, Météo France pourrait en effet considérablement optimiser le calibrage de ses capteurs... si certaines de nos données personnelles devenaient « d'intérêt général » ( Godefroy Beauvallet prend l'exemple des données qui seraient prises directement sur les capteurs d'essuie-glaces de chacun).
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