Espionnage de la NSA : le Parlement européen recueille les premiers témoignages

Ludwig Gallet
Publié le 05 septembre 2013 à 18h39
Ce jeudi, une audition s'est tenue au Parlement européen dans le cadre de l'enquête annoncée concernant l'espionnage de la NSA. Des journalistes à l'origine des principales révélations sont entendus.

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Le Parlement européen veut en savoir plus sur les programmes de surveillance à la disposition des agences de renseignements américaines. Ce jeudi, l'organe communautaire a donné le coup d'envoi de son enquête sur le sujet, en organisant les premières auditions.

Ont notamment été conviés le journaliste du Monde Jacques Follorou et Jacob Appelbaum, journaliste indépendant et informaticien, travaillant notamment sur le développement du réseau Tor. Le rédacteur en chef du Guardian, Alan Rusbridger, est quant à lui interrogé par vidéoconférence. L'audition de Glenn Greenwald, le principal interlocuteur d'Edward Snowden a finalement été annulée.

Le premier est à l'origine d'affirmations selon lesquelles la France disposerait elle aussi d'outils de collecte massive de données, entre les mains de la DGSE, qui plus est en l'absence de tout contrôle.

Les élus souhaitent connaître dans le détail le fonctionnement de ces programmes de surveillance. Il faut dire que le parlement fait partie des principaux concernés, puisque les révélations avaient fait état de l'espionnage d'un certain nombre d'organes officiels de l'Union européenne. Le 1er juillet, Der Spiegel avait affirmé que la NSA aurait déployé du matériel dans les bureaux officiels des instances européennes, permettant l'écoute des représentants communautaires à Washington et aux Nations-unies.

Le 8 juillet dernier, l'assemblée appelait à la protection des lanceurs d'alerte, comme Edward Snowden, dans le cadre d'une résolution adoptée par une très large majorité (483 pour, 98 contre). Sur ce point, Alan Rusbridger renchérit : « si on enferme en occident des lanceurs d'alerte pendant 60 ans, comment peut-on forcer des lanceurs d'alerte chinois ou iraniens à parler ? On ne peut pas leur garantir une quelconque protection. Il faudrait se demander quels messages nous envoyons au reste du monde. »

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La surveillance pour des menaces terroristes n'est que « minoritaire »

Ce jeudi, les débats portent sur deux volets. Les révélations de The Guardian, bien sûr, mais également le cas français, lié aux révélations du Monde. Sur ce dernier point, Jacques Follorou rappelle les spécificités liées aux outils français. En premier lieu parce que le dispositif se trouve « entre les seules mains de la DGSE ». Passé ce constat, le journaliste explique ensuite que les autres services tels que la DCRI viennent ensuite lui demander, sur la base de « consultations quotidiennes », des renseignements sur d'éventuelles cibles. Tout cela sans le moindre contrôle administratif et politique, s'inquiète-t-il.

Le journaliste français détaille ensuite le fonctionnement tel que décrit par les différents témoignages. « Aujourd'hui, les métadonnées sont plus importantes que les conversations téléphoniques. On peut récupérer dans le détail l'ensemble de la vie d'un internaute. Quand les autres services français sollicitent la direction technique de la DGSE, celle-ci fait marcher son énorme super calculateur. Il en sort des données brutes, consultées a posteriori. La DGSE se charge ensuite de rendre ces métadonnées "intelligentes" ».

De son côté, Jacob Appelbaum évoque des révélations à venir. « On se focalise en ce moment sur la NSA. Mais il faut savoir que le FBI et la CIA disposent eux aussi de leurs outils de surveillance. » Et d'ajouter, accusateur : « à travers le programme GENIE, mis en lumière par le Washington Post, les services de renseignement veulent savoir ce que vous faites. Ils corrompent des dizaines de milliers de systèmes informatiques et ciblent des personnes bien précises ». Il évoque également une autre pratique, mise en oeuvre par la NSA et consistant pour les agents à se rendre « en zone urbaine pour pirater des réseaux Wi-Fi domestiques ».

Pour lui, la surveillance justifiée par la lutte contre le terrorisme ne serait que minoritaire. Ce que confirme Jacques Follorou pour le cas de la France. « Les cibles peuvent être des sujets de terrorisme. Mais dans le cadre de nos investigations, il nous a été dit que des enquêtes menées par la DCRI étaient réalisées sur la base de menaces potentielles au chef de l'État. Si le motif porte sur la seule menace à la sécurité de l'État, la justification passera. ».

Alan Rusbridger en appelle désormais à une certaine prise de conscience politique. « Ce type de collecte est-il compatible avec nos libertés fondamentales ? On nous parle de tribunaux secrets. J'ignore dans quelle mesure le contrôle parlementaire est efficace. Est-ce qu'ils se retrouvent eux-mêmes involontairement entraînés dans le système ? »

Les parlementaires disposent désormais de quatre mois pour faire avancer les débats et parvenir à un vote du rapport en assemblée plénière, au plus tard en janvier 2014. S'il est encore trop tôt pour en évaluer la portée et ses conséquences, l'ouverture de cette enquête marque au moins symboliquement la volonté des élus communautaires de s'emparer de la question.
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