Officiellement adoptée dans la nuit du 8 au 9 février dernier en commission mixte paritaire, la loi Loppsi 2 va faire l'objet d'un examen de la part du Conseil constitutionnel, saisi mardi suite au dépôt d'un recours signé par 60 députés et 60 sénateurs. L'objet de cette saisine, rangée dans la catégorie « Contrôle de constitutionnalité des normes », sera de vérifier si parmi les nombreux articles polémiques de la loi Loppsi2, certains n'entrent pas en contradiction avec la Constitution.
Du côté de l'Assemblée nationale, le motif exact du recours vient d'être précisé (PDF) par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC).
L'article 4 - qui prévoit que l'autorité administrative puisse ordonner aux fournisseurs d'accès le blocage de tout site susceptible de véhiculer des contenus pédopornographiques, sans que la justice soit impliquée - fait partie des points les plus fermement décriés dans cette saisine. Les requérants font notamment valoir « le caractère inapproprié des moyens au regard de l'objectif poursuivi », soulignant que l'efficacité du filtrage a à de nombreuses reprises été remise en question. « Non content d'être inefficace et même contre-productif, ce dispositif s'avérera extrêmement onéreux pour les finances publiques, puisqu'il met à la charge de l'Etat le surcout qui en résultera pour les FAI », expliquent les auteurs de la saisine.
Sans surprise, ils condamnent tout aussi fermement le « risque d'immixtion arbitraire » qui réside dans le fait de confier la responsabilité de ce filtrage à une autorité administrative, « sans qu'aucun contrôle indépendant ne soit prévu quant à la qualification » des contenus devant faire l'objet d'un blocage. Le caractère pornographique d'une image pouvant donner lieu à débat contradictoire, il faut nécessairement selon les requérants que celui-ci puisse avoir lieu, encadré par la justice, puisqu'il est question de prononcer une restriction d'accès à Internet. L'argument pourrait faire mouche, puisqu'il avait participé à la décision de censurer une partie de la loi Hadopi en juin 2009.
Dans l'univers numérique, les fichiers d'antécédents (STIC et JUDEX) et d'analyse sérielle, ou le nouveau régime appliqué à la vidéosurveillance sont également attaqués, même si la saisine va plus loin, visant également les articles relatifs aux peines plancher ou à la responsabilité parentale.
C'est toutefois peut-être sur la forme que les adversaires de la Loppsi 2 obtiendront le plus aisément gain de cause. Selon eux, le texte ne saurait porter le nom de « loi d'orientation et de programmation » dans la mesure où il ne recèle aucune disposition concrète programmant, sur le plan financier, les moyens de la sécurité intérieure.
Le Conseil constitutionnel doit maintenant statuer dans le délai d'un mois.