Cette plénière organisée en début d'après midi mardi avait pourtant de quoi séduire. Autour de Maurice Lévy, président de Publicis, étaient en effet réunis Stéphane Richard, PDG d'Orange, Tom Glocer, PDG de Thomson Reuters, Klaus Schwab, fondateur du forum de Davos. A leurs côtés, trois poids lourds du Net : Sheryl Sandberg, directrice opérationnelle des activités de Facebook, Jimmy Wales, fondateur de Wikipedia et Andrew Mason, fondateur de Groupon, ce service qui s'est récemment payé le luxe de refuser un chèque de 6 milliards de dollars, comme l'a fait remarquer Maurice Lévy en introduction.
Ca n'est certainement pas à un aréopage de professionnels du Net que l'on apprendra que les nouvelles technologies sont désormais omniprésentes dans la société moderne et vecteurs de nombreux changements. C'est pourtant par ce biais qu'ont été attaqués les échanges. Sheryl Sandberg a donc eu tout loisir de rappeler que Facebook est à la base une simple plateforme technologique désormais investie, du fait de son succès, d'une noble mission : rapprocher les gens, permettre à des millions de communautés de se créer, et finalement révéler l'individu que nous sommes.
Le jeune Andrew Mason s'est quant à lui fait un plaisir de rappeler que le commerce en ligne ne représentait aujourd'hui que 5% des transactions globales, pour montrer que Groupon est prêt à aller empiéter sur les 95% restants, en mettant l'accent sur la dimension locale. Interrogé sur les liens qu'entretiennent Internet et connaissance, Jimmy Wales a pu souligner pendant quelques minutes qu'aujourd'hui, les gens ont de plus en plus tendance à chercher de l'information spontanément par le biais d'Internet, abandonnant la posture passive de celui qui ne peut que se contenter des flux que lui servent les médias linéaires.
« Wikipedia est un très gros éléphant »
A Maurice Lévy, qui lui glisse en guise de relance que cette encyclopédie permanente et exhaustive qui n'oublie rien peut se révéler embarrassante, il adresse cette jolie répartie : « on dit que les éléphants n'oublient jamais rien, et Wikipedia est un très gros éléphant ! »
Bien qu'il ne soit plus question de mémoire, difficile de ne pas repenser à cet éléphant lorsque Stéphane Richard prend la parole. Interrogé sur la problématique « réseau » en tant qu'infrastructure, le PDG d'Orange saute à pieds joints dans le plat de la neutralité du Net, rappelant pour la énième fois la position de l'opérateur.
« Internet n'est pas qu'une question de principes, c'est aussi une question d'argent. Il faut trouver le bon équilibre entre les besoins d'investissements et les revenus générés. Aujourd'hui, il y a un écart entre la pression des investissements, supportée majoritairement par les opérateurs, et les revenus. Le risque principal, que tout le monde doit avoir à l'esprit, c'est l'effondrement des réseaux », explique le patron d'Orange, avant d'asséner le chiffre qui tue : sur Paris, le volume de données mobiles consommé augmenterait de 5% par semaine, soit une multiplication par 12,6 tous les ans, faisant craindre la saturation des capacités disponibles (d'ailleurs tout à fait sensible sur place mardi).
En dépit de quelques questions pertinentes venues du public (l'excès de transparence sur Internet ne peut-il se révéler préjudiciable, comme dans l'affaire Wikileaks ? garantir la neutralité du Net ne favoriserait-il pas l'innovation ?), les conclusions (qui seront présentées au G8) resteront des plus prudentes : faire naitre un débat entre pouvoirs publics, acteurs privés et citoyens ; favoriser l'investissement dans les réseaux, et ne pas hésiter à prendre des décisions. On a connu plus percutant.