Compte personnel d'activité : le sujet oublié de la loi El Khomri

Alexandre Broutart
Publié le 17 mars 2016 à 14h40
Un chapitre du nouveau projet de loi sur la refonte du code du travail dessine les bases du « compte personnel d'activité » . Le nouvel outil en ligne semble pensé pour les jeunes qui ont appris, avec la crise, à se créer leurs propres emplois.

Actualité mise à jour

Il s'agissait d'abord de faire entrer les nouvelles activités rémunérées du collaboratif dans le droit du travail. Le CPA (compte personnel d'activité) propose que celles-là soient reconnues par l'Etat, et ouvrent l'accès à de nouveaux droits. Mais en partie seulement, car si le CPA ouvre aux indépendants les formations, validations des acquis, et primes de pénibilité, il ne leur octroie ni congés rémunérés ni assurance chômage.

Avant que germe l'idée d'un service en ligne gratuit du nom de « compte personnel d'activité », il y eut d'abord un constat : « la rupture de la tendance historique à la progression du salariat » , « les situations d'incapacité à accéder à l'emploi salarié, ou bien la nécessité de compléter les revenus que l'on en tire », « les nouveaux statuts qui émergent, déplaçant la frontière classique entre salariat et non salariat, notamment pour les auto-entrepreneurs  » explique un rapport universitaire sur le compte personnel d'activité.

Le CPA concerne tous les travailleurs qui le souhaitent, salariés ou non, qui pourront voir centralisés leurs divers droits : grâce à un point d'entrée unique sur Internet, le CPA permet d'accéder à l'ensemble de ses droits sous forme de points (congés, pénibilité, formations, chômage, retraite) et de les mobiliser de façon autonome. Par exemple, le titulaire du compte pourrait choisir d'accumuler des droits au congé rémunéré ou de lui préférer une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises. De même, libre aux actifs engagés dans des professions dont la pénibilité est reconnue (horaires, postures, bruits, agents chimiques,...), de convertir les points accumulés en formations, rémunération, ou points de retraite.

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L'application CPA conçue par Pascal Lorne, connu pour avoir développé les toutes premières applications Facebook et Twitter.


Outre la plus grande liberté de disposer de ses droits, le vrai changement réside dans le fait que ceux-là ne soient plus attachés à l'emploi mais à la personne. Ce changement garantit leur conservation dans le cas de changement d'emploi ou d'employeur, ou leur cumul dans le cas d'un exercice conjoint de plusieurs professions.

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Demi-joie

Les non salariés qui sont liés aux plateformes numériques auraient, si la loi était adpotée, accès à certaines prestations sociales (assurance accidents, formations), et cela en contrepartie de leurs nouvelles obligations fiscales. Les plateformes de mise en relation sont en effet, depuis le 29 décembre 2015, « tenues de fournir, à l'occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par leur intermédiaire ».

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Mais ici le projet de loi entend faire une distinction aussi claire que possible entre deux types de plateformes de mise en relation : « celles qui déterminent les caractéristiques de la prestation du service fournie ou du bien vendu et fixe son prix » (type Uber, Deliveroo,...) devront cotiser à l'assurance accidents du travail à la place de l'actif qui y souscrirait, et financer les éventuelles formations professionnelles et validations d'acquis. Rien de tel donc pour toutes les autres plateformes en ligne (type Leboncoin, Blablacar, etc..).

Le compte personnel d'activité tente donc bien de soutenir les « travailleurs du numérique » mais il leur bride encore leur accès au chômage et aux congés. Les chauffeurs d'Uber France n'auront pas la chance des californiens qui peuvent désormais s'inscrire comme demandeurs d'emploi.

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L'application précisera pour chaque formation, son pourcentage de chance qu'elle débouche sur un emploi.


Une dernière interrogation subsiste : est-ce qu' « attacher les droits à la personne et non à l'emploi » signifie que les innombrables différences de statuts qui existent en France vont tendre à une plus grande uniformisation et amoindrir la disparité des droits ? Professeur d'université et rapporteur de la commission sur le CPA qui vient d'être créée sur la demande du Premier ministre, Hélène Garner nous répond : « ce n'est pas son objectif premier et pourtant », avouera l'ancienne normalienne, « il pourrait conduire à une harmonisation des différents régimes. Par la portabilité des droits qu'il implique, nous pensons qu' il va mettre en lumière les différences existant entre tous les statuts. »

Mise à jour :

La nouvelle version de la loi travail renforce le CPA : un "compte engagement citoyen" comptabilisera les activités de bénévolat et de volontariat du titulaire. Il permettra d'acquérir des heures supplémentaires sur le compte personnel de formation (CPF) ou bien des congés payés, pour récompenser les services civiques, réserve militaire ou sanitaire, maître d'apprentissage, activités bénévoles et associatives... De même, les salariés sans diplôme cumuleront jusqu'à 40 heures par an sur leur Compte de formation (au lieu de 24), dans la limite de 400 heures (au lieu de 150).

Initialement publié le 25 février 2016


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