Martin Ajdari, le président de l'Arcom, a rappelé ce vendredi au Forum Viginum que les grandes entreprises numériques qui ne respectent pas les règles européennes s'exposent à de très lourdes sanctions.

Martin Ajdari, le président de l'ARCOM © Alexandre Boero / Clubic
Martin Ajdari, le président de l'ARCOM © Alexandre Boero / Clubic

Présent au Forum Viginum ce vendredi 28 mars, Martin Ajdari, le nouveau président de l'ARCOM, le régulateur du numérique, a détaillé les avancées de la régulation numérique européenne. Il a aussi rappelé le rôle de l'autorité française face aux risques de manipulation de l'information. Son discours s'est notamment concentré sur l'application du règlement sur les services numériques (DSA) et la collaboration avec les autres autorités.

L'information comme « bien public inestimable » à protéger pour l'ARCOM

« L'information est un bien public inestimable pour nos démocraties. Sans information professionnelle et objective, il n'y a pas de débat public, ni de scrutin éclairé », a souligné Martin Ajdari dès l'ouverture de son intervention. Le président de l'ARCOM a rappelé l'évolution progressive des missions de l'autorité, depuis la veille du « respect de l'honnêteté de l'information » à la fin des années 80 jusqu'à son rôle actuel de coordinateur pour les services numériques.

Avec les menaces actuelles, l'arsenal réglementaire s'est construit progressivement. « Un arsenal multiforme s'est constitué au fil du temps, et parfois au gré des menaces », a expliqué Martin Ajdari, avant de préciser que « cette approche nationale s'est heurtée aux limites liées à l'essor récent des services numériques. » C'est bien pour cela que l'Europe a adopté en 2023 le règlement sur les services numériques (le Digital Services Act).

La régulation des plateformes numériques est désormais encadrée par le DSA qui vise principalement, selon Ajdari, « à identifier et atténuer les risques systémiques induits par les plus grands réseaux sociaux ou plateformes, tout en garantissant la liberté de communication. »

En cas de non-respect, le patron de l'ARCOM a tenu à rafraîchir toutes les mémoires, en rappelant les conséquences. « Ces grandes plateformes s'exposent à des sanctions qui peuvent être très lourdes : amende égale à 6% du chiffre d'affaires mondial, voire suspension temporaire d'accès à la plateforme en cause. »

Des actions concrètes et des résultats tangibles

Martin Ajdari a mis en avant certaines actions récentes de l'ARCOM. « En 2024, nous avons constitué un dossier national d'informations pour l'enquête de la Commission sur les risques addictifs du service TikTokLite. L'ouverture de cette procédure a suffi dès le mois d'août 2024, à convaincre la plateforme d'abandonner ce service sur le territoire européen. » Cette victoire a marqué un tournant dans la capacité du régulateur français à influencer les décisions des géants technologiques mondiaux.

Il a également évoqué une action concernant le réseau social X. « Au mois de janvier dernier, l'ARCOM a transmis à la Commission et à son homologue irlandais, compétent pour X, les plaintes de deux parlementaires françaises, mettant en cause la mise en avant massive des contenus du compte d'Elon Musk, dans le cadre de la campagne électorale allemande. » L'autorité mène actuellement « une étude pour identifier l'existence de biais de recommandation » sur cette plateforme, a-t-il confirmé.

À l'échelle européenne, les efforts s'intensifient. « Pas plus tard qu'hier, les très grandes plateformes ont participé à un stress test en matière d'ingérence et de manipulation de l'information », a révélé le président de l'ARCOM. Le dirigeant a ajouté qu'il s'agissait d'un « exercice de gestion de crise grandeur nature, associant à la fois la société civile, le régulateur et la Commission. »

Au niveau national, l'ARCOM a également publié « la liste de quatre nouveaux signaleurs de confiance qui sont des associations d'utilité publique ». Ces derniers peuvent, comme leur nom l'indique, signaler aux plateformes des contenus manifestement illégaux avec obligation de retrait rapide pour ces dernières.

Renforcer la collaboration avec VIGINUM pour maîtriser les ingérences numériques étrangères

Pour renforcer l'efficacité de la régulation, Martin Ajdari a défini trois priorités. « Le premier axe, c'est de poursuivre nos efforts de sécurisation du débat public et des élections en France. La collaboration avec VIGINUM est à cet égard décisive pour nous », a-t-il affirmé, mentionnant une convention signée en juillet avec l'agence. VIGINUM est, rappelons-le, le service français chargé de détecter et contrer les ingérences numériques étrangères.

« Le deuxième axe consiste à exploiter pleinement les rapports d'évaluation des risques des plateformes et les données qu'elles mettent à notre disposition ». Et le numéro un du régulateur du numérique de poursuivre que « nous devons en particulier mobiliser le monde de la recherche et la société civile, qui disposent de moyens humains et d'une expertise indispensables. »

Enfin, « le dernier axe, au cœur de la mission de l'ARCOM, c'est de renforcer l'économie des médias producteurs d'information professionnelle. Car lutter contre la désinformation, c'est bien et c'est nécessaire. Mais produire une information de qualité, indépendante et fiable, l'est tout autant » a conclu Martin Ajdar, pour boucler la boucle.