Des propos corroborés par Vincent Colas, président de l'association FuturoLAN qui organise régulièrement des tournois d'e-sport : « il faut bien des prix pour les vainqueurs, mais ces primes nous n'avons pas le droit de les donner, aucune TVA dessus... C'est une situation qui ne pouvait plus durer, et ce n'est qu'un des multiples exemples. »
Les autres exemples, c'est d'abord et avant tout le statut juridique : jusque-là, les compétitions d'e-sport avaient été assimilées par défaut aux jeux de loterie, qui sont illégaux selon les articles L. 322-1 et L. 322-2-1 du code de la sécurité intérieure : « Les loteries de toute espèce sont prohibées ». Les textes concernés émettent cependant des exceptions parmi lesquels les loteries d'Etat (Fédération française des jeux), les casinos, et tout autre institution qui aurait un agrément.
La présentation officielle du rapport sur le e-sport s'est faite dans le lieu symbolique du Meltdown. Ici Sophia Metz, fondatrice du bar parisien dédié aux jeux vidéo.
Ce qui a conduit à assimiler l'e-sport - qui n'a pourtant que peu à voir avec les jeux de loteries -, ce serait son caractère aléatoire, hasardeux. C'est évidemment bien mal connaître le jeu-vidéo de compétition qui requiert une grande habileté technique et stratégique.
Les amendements qui seront proposés par le gouvernement à sa propre loi (« Pour une République numérique ») seront les suivants :
- Exempter les compétitions du principe de loterie
- Conditionner la participation des mineurs grâce à une autorisation parentale préalable et obligatoire
- Soumettre les gains à une obligation de consignation à la Caisse des dépôts
- Permettre aux joueurs étrangers d'obtenir un Visa rapidement pour participer à un tournoi français (actuellement ils mettent en moyenne 6 mois pour l'obtenir)
- Donner un pouvoir régulateur à une commission spéciale (peut-être le CNOSF)
- Adopter un taux réduit de TVA pour les droits d'entrée aux compétitions
- Ouvrir au compétiteur e-sportif de possibles « CDD spécifiques » et le droit aux protections sociales des sportifs.
- Autoriser la diffusion des compétitions sans que soit floutés les marques/sponsors
- Clarifier la classificzation PEGI (interdiction des jeux aux moins de 12 ans, 18 ans...)
Kayane, célèbre joueuse française
Nathalie Sonnac, professeur à l'université et membre du CSA, nous éclaire sur ces deux derniers points : « Aujourd'hui il est très complexe pour une chaîne de télévision de diffuser de l'e-sport. Ils ne peuvent pas le faire en « prime time » quand ils ne sont pas interdits de le faire, en raison de la nature jugée trop violente du jeu. De même, les diffusions d'e-sport sont toujours sous le coup de la « publicité dissimulée » (placer un produit ou une marque dans un programme autre que le créneau publicitaire dédié est interdit et passible d'amende, sauf pour les compétitions sportives). A la télé, même le nom des jeux ne doit pas apparaître pendant la compétition ! »
Il ne faut jamais sauter dans Street Fighter monsieur le député...
Le président de l'Association FuturoLAN nous confirmera l'importance d'une telle législation : « Le secteur est encore à 90% associatif et bénévole. Pourquoi les partenaires nous donneraient de l'argent puisque tout est flouté ? Et il en va de même pour le joueur lui-même, qui ne peut être rémunéré par son sponsor pour la même raison. »
Oui mais...
Le sénateur Jérôme Durain, qui faisait récemment état sur Twitter des « conservatismes » qui freinaient le projet, a une tout autre façon de présenter son rapport : « Vous ne trouverez pas de véritable bouleversement, juste quelques ajustements législatifs, rien de révolutionnaire. »En train de plancher sur le esport. Qlqs conservatismes à lever encore... mais ça avance ! pic.twitter.com/Bd0yB9VeBv
— Jérôme Durain (@Jeromedurain) 15 mars 2016
A en croire son camarade parlementaire Rudy Salles, cette déception palpable pourrait bien concerner l'impossibilité de créer une véritable fédération sportive des compétitions de jeux vidéo : « Nous avons eu des accueils chaleureux de la part de plusieurs ministères ; un peu moins du ministère de la Jeunesse et des Sports... »
Partagés, « les joueurs attendent de voir » nous confie Sophia Metz fondatrice du Meltdown, « ils ont peur que leur passion soit accaparée par l'Etat, alors que tout se passait plutôt bien jusque-là ». Crainte qu'a justement tenté de dissiper Axelle Lemaire au cours de son intervention, assurant que les parlementaires en charge du rapport avaient réussi à éviter « l'écueil de la sur-régulation. »
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