Loi drones : deux poids, deux mesures

Alexandre Broutart
Publié le 19 avril 2016 à 19h04

« Mesdames, Messieurs, le 19 février 2016, un Airbus A320 d'Air France a évité de justesse une collision avec un drone volant à haute altitude, alors qu'il était en phase d'approche de l'aéroport de Paris Charles de Gaulle. » La proposition de loi « relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils » débute sur ces mots, avant de compléter l'illustration : « Au cours des années 2014 et 2015, une vingtaine de sites abritant des activités nucléaires (notamment le cas de la base militaire de l'Ile-Longue, qui abrite les quatre sous-marins nucléaires) , ont été survolés illégalement par des drones. » En comptant la collision, bien réelle cette fois, survenue dimanche au Royaume-Uni, on peut dire que la volonté législative ne manque pas d'à-propos.


Né d'une étroite collaboration avec l'aviation civile, le projet de loi entend créer de nouvelles obligations pour les constructeurs de drones autant que pour les télépilotes : selon un premier seuil de poids du drone - qui n'a pas encore été fixé -, les utilisateurs pourraient se voir imposés une formation « aux règles élémentaires de la circulation aérienne ainsi qu'aux caractéristiques spécifiques et aux règles d'emploi (du drone) », ainsi qu'un devoir d'enregistrement de leur véhicule. A partir d'un second seuil pour les drones plus lourds, des signalements électroniques et lumineux seraient aussi rendus obligatoires.

Cette dernière idée avait déjà fait l'objet d'une résolution européenne, dans l'attente que les Etats mettent en place les dispositions nécessaires, notamment techniques. Le parlement européen estimait alors que « devait être garanties la traçabilité, la responsabilisation et la bonne application des règles de responsabilité civile ». Via l'identification des drones par signalisation électronique (probablement des puces), c'est l'identité de l'utilisateur qui est ciblée, et pourrait ainsi être retrouvée en cas de délit.




Pour les sanctions justement, la loi à l'étude prévoit pour les survols illicites (en lieu public) la même peine que pour toute personne qui exposerait directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures, selon les conditions fixées à l'article 223-1 du code pénal, soit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende pour la peine maximale .

Ces nouvelles dispositions résultent de nombreuses alertes, comme celle de l'association internationale du transport aérien (IATA) qui a récemment appelé à la mise en place d'une réglementation et de moyens adaptés, afin d'éviter des collisions susceptibles d'avoir de graves conséquences. Pour Sciences et Avenir, « il faut se rendre à l'évidence : ce n'est qu'une question de temps avant qu'une de ces machines volantes ne provoque un incident grave avec un avion de ligne.  »

Marcher sur des oeufs

Faire porter sur les drones une réglementation plus sévère, c'est aussi prendre un risque économique majeur. Loin de le nier, le texte de loi souligne qu'il s'agit de mieux encadrer juridiquement, « sans pour autant freiner le développement d'un secteur économique aujourd'hui dynamique, dans lequel plusieurs entreprises françaises sont leaders, tant dans le domaine des équipements que dans celui des services. ».


Un dragonlink en UHF d'une portée de 30 km

Même avis pour le Parlement européen, qui affirme que la valeur ajoutée augmente avec la distance entre l'appareil et le télépilote (vols « hors vue ») : « Les usages, extrêmement variés, peuvent encore se développer à l'avenir, et inclure notamment les inspections de sécurité et le contrôle des infrastructures (voies de chemin de fer, barrages et centrales de production d'électricité), l'évaluation des catastrophes naturelles, les travaux agricoles de précision (agriculture raisonnée) ainsi que la production médiatique, la thermographie aérienne ou encore la livraison de colis dans des régions isolées. » Le Parlement note aussi que d'autres applications peuvent être développées dans un avenir proche, comme remplacer l'homme dans des environnements dangereux.


Précurseur, l'Etat français autorise déjà le vol « hors vue » (sorti du champ visuel direct du pilote, via un retour vidéo), qui, selon le texte de loi, aurait favorisé un développement rapide du marché. Sujet donc à des enjeux économiques majeurs, le préambule législatif promet un atterrissage remarqué dans l'arène parlementaire, le 15 mai prochain.

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