Christophe Collet est directeur général France d'Adenyo. Ex-SBW, Adenyo se présente comme un futur géant du marketing mobile. Adenyo vient de réaliser une levée de fonds de 26,9 millions de dollars, financée à hauteur de 17,2 millions par Genuity Capital Market, et de 9,7 millions de dollars par des placements privés. Christophe Collet a bien voulu répondre à quelques questions sur cette opération et sur les tendances pour l'après 2010, qu'Adenyo considère comme l'année zéro du mobile.
Bonjour, Christophe Collet. Adenyo annonce une levée de fonds de 26,9 millions de dollars. Quelle sont vos ambitions avec cette opération ?
Aujourd'hui, Adenyo est leader en France et au Canada sur les technologies mobiles de publicité. Avec la levée de fonds, nous allons pouvoir mettre en place une croissance organique, en renforçant les équipes existantes, et tenter de conquérir de nouveaux marchés, notamment les Etats-Unis. Cela se fera soit par des ouvertures de nouveaux bureaux, soit par des acquisitions. Nous considérons que 2010 est l'année du mobile. Depuis huit ans que nous travaillons sur ce marché, nous avons besoin d'argent pour nous développer et assurer la croissance. Nous avons profité de la levée de fonds pour effectuer un rebranding. L'ancien SBW devient Adenyo, une marque unique, et prononçable dans n'importe quel pays du monde. Ca ne correspond pas à une acquisition ou quoi, c'est vraiment un rebranding.
Un marché qui bouge, mais qui risque d'être rapidement encombré par Google et Apple...
Oui et non. Nous sommes propriétaires de notre technologie, avec des produits à fort potentiel. Ce que Google et Apple ont racheté, ce sont des inventaires publicitaires et des technologies d'Adserving. Nous, nous mettons en avant notre connaissance du mobile et des produits. En France, 40% de la publicité mobile passe sur nos serveurs. Nous avons une plateforme de statistiques sur 100% du trafic mobile, un outil de codage à la volée, et une plateforme d'envoi de SMS notamment. Donc nous ne sommes pas concurrents de Google ou d'Apple. Notre but, c'est de rendre ces outils plus performants.
Nous ne sommes pas dans une logique où nous devons chercher de l'espace publicitaire à vendre. Notre métier est de mettre à disposition nos technologies à des éditeurs, qui en assureront la commercialisation. C'est pour ça que des applications comme Foursquare ou Plyce, loin d'être nos concurrents, sont au contraire une cible pour nous. Ils peuvent utiliser nos outils, pour développer des sites ou des applications mobiles. D'ailleurs nous les ciblons déjà. Par exemple, nous travaillons pour le groupe Canal +. Nous avons fait leur application iPhone.
C'est un marché sur lequel on annonce d'excellentes performances. Est-ce qu'il va y avoir un appel d'air pour les éditeurs de technologies publicitaires ?
Il faut voir que c'est un marché encore très marginal. En France, il compte pour 25 millions nets. Même si on connaissait une hausse de 100% pour 2010, ça restera un marché très petit face au marché publicitaire global, ou même sur le web. Aujourd'hui, s'il y a de bonnes performances, c'est dû au support. Le téléphone portable est un environnement très personnel. Avec des technologies de qualité, on va pouvoir délivrer le bon message à la bonne personne, au bon moment. Donc oui, je pense que les annonceurs vont y venir. Mais quand on dit que c'est l'année zéro pour ce marché, c'est parce que les formats ne sont pas encore figés, et les modèles économiques pas encore ancrés.
On parle d'un marché de 4 milliards de dollars dans trois à quatre ans. C'est possible. Mais il y a un effet de nouveauté, une curiosité vis-à-vis des applications. Sauf que quand 100 personnes téléchargent une applications, seuls 20 l'utilisent encore à J+1. Cela dit, il y a d'excellentes perspectives : on va pouvoir faire un vrai ciblage, et c'est ce qui fera sans doute que les performances chuteront moins que sur le web. Mais quel modèle économique adopter ? On va probablement suivre le web. Dans deux ans, il y aura plus de connexions Internet depuis les mobiles que les PC. On est au début, alors peut-être qu'une bulle va se créer, mais ça dépendra surtout du contenu. Par contre, on peut annoncer qu'il y aura une course aux contenus.
Une bataille des systèmes d'exploitation est en cours. Est-ce une difficulté pour vous ?
C'est vrai que quand on sort un site mobile, par exemple, on doit l'optimiser pour 2 500 tailles d'écrans différentes disponibles sur le marché. Ce qui nous assure du travail pour quelques années encore. Pour que ce marché évolue avec succès, il y a trois clés : il faut des terminaux sympas pour la navigation, et l'exemple de l'iPhone montre qu'on y parvient désormais, il faut une vitesse de débit suffisante, ce qui n'est pas tout à fait le cas, mais qui arrivera bientôt avec des débits comme celui de la 4G, et il faut des forfaits avec un montant fixe par mois et une vraie navigation illimitée. C'est presque réuni aujourd'hui, et l'augmentation du débit devrait amener à un essor du mobile. C'est donc notre capacité à fournir des technologies pour sortir des outils facilement maniables qui va être l'enjeu.
Aujourd'hui, c'est vrai qu'il y a Android, iPhone OS, mais il ne faut pas oublier Nokia. Finalement, quand on regarde, Apple se taille 27% des parts de marché, alors que Nokia est à plus de 40%. En terme de simplicité de développement, on gagnerait évidemment à avoir un appareil unique, mais tout dépend si on parle de site mobile ou d'applications embarquées. Je pense qu'on se dirigera vers une solution hybride, avec des sites web multiplateformes, tandis que les applications dépendront toujours du système. C'est un vrai problème pour les applications embarquées, surtout. Quand on doit développer pour plusieurs plateformes, il faut parfois coder en C++, parfois en Objective-C. Ca multiplie les coûts pour les annonceurs, puisqu'on ne peut pas faire d'économies d'échelle.
Cependant, aujourd'hui, je n'ai pas le don d'ubiquité, et il est difficile de dire qui va gagner. Certes, Android a ses chances, mais il se passera sans doute la même chose que dans le monde PC : il y aura toujours 15 à 20% du marché qui sera composé d'Apple addicts. Ca ne complique pour autant pas forcément la tâche. Pour l'instant, le site web mobile est un peu mis entre parenthèses, mais il reviendra en force, du fait même de la fragmentation des plateformes. Aujourd'hui, ce sont surtout les débits limités qui font la force des applications embarquées. Elles permettent d'intégrer en local le graphisme, la navigation, etc. Mais quand les débits seront suffisants, ce ne sera plus une limitation, et donc le site mobile reviendra. D'autant qu'on profitera largement du Html 5.
On voit d'ailleurs que quand un éditeur veut sortir une application, il se concentre d'abord sur l'iPhone, et qu'Android ou autres viennent seulement dans un second temps. C'est une tendance qui disparaîtra ?
C'est une tendance à relativiser pour un annonceur. Si on cible les 15-25 ans, il ne faut pas aller sur iPhone. Beaucoup d'éditeurs l'ont déjà fait, mais les autres plateformes seront aussi probablement une source de succès. L'iPhone reste cher, et même lorsqu'il est subventionné par les opérateurs, le forfait derrière a un coût élevé. C'est d'ailleurs le cas pour tous les smartphones haut de gamme, type HTC ou autres. Tous ceux qui permettent une bonne navigation. Il y a certes un côté mode, et également un usage facilité : on peut aller sur un web de qualité avec ces appareils, alors que sur d'autres plateformes, on ne va pas forcément aller naviguer. Apple a créé une demande, et tous les autres constructeurs répondent à leur manière. La grande question du moment, sur les forfaits, c'est : Que va faire Free ? Si la logique est la même que pour l'Internet fixe, cela va profiter à tout le monde.
Cela dit, ce que j'attends vraiment pour développer encore plus le marché, ça reste un débit supérieur pour une navigation fluide tout le temps, et une vraie mesure de l'Internet mobile. Il manque des outils de mesure aujourd'hui. Il y a Médiamétrie en fin d'année, qui donne enfin une visibilité. Au-delà, Nielsen, TNS Sofrès... On a des rapports de 1 à 2 pour deux études différentes. Nous avons besoin de datas consolidées et indépendantes.
Christophe Collet, je vous remercie.