Anthony Lecouf, Pepita : "Parlons peut-être plus de f-marketing que de f-commerce"

Alexandre Laurent
Publié le 28 mai 2012 à 18h28
Le F-commerce, entendu comme la vente en ligne pratiquée directement sur Facebook, a--il vécu ? C'est ce que pourrait laisser penser l'échec de quelques initiatives conduites par de grandes marques américaines comme Gap qui, pour la plupart, ont fini par faire machine arrière.

Anthony Lecouf est le directeur commercial de Pepita, éditeur de « solutions de croissance pour e-marchands ». Pour Clubic Pro, il livre sa vision des bonnes pratiques en matière de promotion à des fins de vente sur le numéro un des réseaux sociaux.

Anthony Lecouf, bonjour. Comment peut-on expliquer l'échec des premières tentatives d'importance en matière de commerce électronique sur Facebook ?

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Si l'on prend l'exemple de la France, Facebook représente plus de 24 millions de membres, avec une audience particulièrement assidue et des durées de connexion de l'ordre de 4 à 11 heures par mois. On imagine bien que cela attise les convoitises, et il y a bien des choses à faire pour tirer parti d'une telle audience.

Dès le départ, on a vu de grandes marques américaines comme Gap monter d'importantes communautés avec 2, 3 ou 4 millions de fans. Elles se sont alors dit qu'elles allaient essayer de faire du commerce directement sur Facebook. Et effectivement, elles ont connu une grande désillusion : les fans n'ont pas acheté.

Ce n'est pas pour autant qu'il faut dire qu'il n'y a pas d'adéquation possible entre Facebook et e-commerce. C'est plutôt sur la méthode employée qu'il fait s'interroger, en retenant que l'important n'est peut être pas le commerce pur et dur, directement sur Facebook, qui peut se révéler compliqué... mais plutôt la relation commerciale que l'on peut nouer par l'intermédiaire du réseau.

Puisque d'importantes communautés étaient déjà constituées, pourquoi la mécanique n'a-t-elle pas fonctionné ?

Approcher Facebook dans une optique e-commerce soulève deux problématiques majeures. La première concerne la notion de fan, qui n'a pas toujours été bien prise en compte par les marques. Un fan, ça n'est pas un internaute lambda qui vient visiter mon site, c'est quelqu'un qui affiche son soutien et son adhésion à la marque. En échange, il attend de ne pas être traité comme un consommateur standard, mais plutôt comme un VIP. A sa façon, il attend de la reconnaissance, une forme d'inventive. En général, le fan est déjà client de la marque, il veut rejoindre une communauté, et profiter d'avantages qu'un autre n'aurait pas, que ce soit des informations exclusives, des promotions, etc.

La seconde chose, c'est que la plupart des marques se sont mises « hors réseau », en se contentant d'exploiter les pages fan. Une fois que l'internaute a « aimé » une page, quelle que soit la marque, il y revient finalement assez peu. Tout l'intérêt que peut avoir Facebook ne se joue pas sur la page fan proprement dite, mais sur le Mur de l'internaute. Beaucoup de marques ont placé leur boutique au fin fond de leur espace sur Facebook : il est donc difficile pour le fan d'y accéder, et dans la plupart des cas, il y retrouve des produits identiques à ceux qu'il a déjà pu voir sur le site officiel.

Les vraies interactions se déroulent aujourd'hui sur le Mur : il existe pour ce faire des applications qui permettent d'y pousser directement une boutique et donc de déclencher du « f-commerce » directement depuis le profil de l'utilisateur. Un Nike ou tout autre marque a aujourd'hui la possibilité de se doter d'une application qui pousse des promotions spécifiques jusqu'à l'internaute, lui permettant alors de finaliser directement un achat, ou d'être redirigé sur le site marchand officiel. Il faut bien comprendre qu'avec sa Timeline, Facebook recherche la création d'histoires. Elle permet donc à la marque de vraiment faire du storytelling, grâce à la publication de posts antérieurs à la date du jour par exemple. Facebook va donc dans le sens de dire : il faut habiller cette Timeline qui va communiquer avec vos fans.

Et donc faire naître le désormais sacro-saint « engagement » ?

Exactement : dans ce contexte, c'est à la marque de s'adapter. Est-ce que vos publications font plaire aux fans au point qu'ils les partagent, commentent ou likent ? Facebook va accorder des points à vos publications, son fameux edgerank. Plus vous suscitez d'interactivité, plus Facebook va considérer la marque comme légitime, et augmenter son score, donc sa visibilité.

Qu'induisent les changements apportés aux algorithmes de création du flux principal de Facebook pour les marques ? On lit souvent qu'il est désormais bien plus difficile d'être visible.

Facebook accorde globalement une tranche de 4 à 16% de visibilité : on a donc de 4 à 16% des fans qui voient les publications de la page Fan, mais on peut toujours améliorer ce chiffre en y consacrant quelques efforts. Dans une optique f-commerce, c'est donc d'autant plus intéressant de travailler directement sur le Mur : même avec une visibilité potentielle de 16%, on obtiendra des taux de transformation bien plus intéressants, tout en profitant des possibilités de partage. Une personne qui aime une offre et la partage en décuplera la visibilité.

À cela s'ajouteront les options permettant de payer pour que ses publications soient visibles par un maximum de fans. En gratuit ou en payant, le constat reste le même : la bataille se joue clairement sur le Mur.

Au final, parle-t-on de marketing ou d'e-commerce ?

C'est peut-être ça la vraie question. On part peut-être plus dans des notions qui se rattachent au marketing. Je compare un peu ça à l'email, qui aujourd'hui est au coeur de la communication du e-commerce. Sur Facebook, une boutique seule ne fera jamais rien : si l'on veut y faire du commerce, on ne peut pas ignorer la mise en place d'une communication dédiée à Facebook. On ne se situe donc pas uniquement au niveau de la notion de la génération de chiffre d'affaires : il faut raisonner sur des notions de fidélisation, d'engagement, de fan et de développement de la visibilité. Plus que du retour sur investissement, on attend du ROR, du Return On Relationship, que le fan devienne prescripteur pour la marque et la diffuse sur le réseau. C'est ensuite qu'on monétisera cette communauté : parlons peut-être plus de f-marketing que de f-commerce.

Si Facebook est un peu le café du commerce où l'on vient échanger avec ses amis, quelle approche doit adopter la marque pour communiquer avec ses fans ?

Pourquoi clique-t-on sur « J'aime » une marque ? De la même façon que lorsqu'on s'inscrit à une newsletter, on le fait parce qu'on veut recevoir des infos à son sujet. Les internautes le savent parfaitement, et s'ils s'inscrivent, c'est justement pour recevoir des infos en priorité, ou des contenus plus pointus. Après, si je suis accoudé au bar, je n'ai certainement pas envie que la marque me prenne par la main pour m'en sortir. Mais si elle vient m'y signaler une opération spéciale, je suis disposé à l'écouter. On retombe sur des notions de marketing classiques : poster trop souvent, des choses sans vrai intérêt, ne sera pas efficace, hormis peut-être à court terme en terme de community management.
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