Jeudi 21 juin s'est tenue à Paris, pour la troisième année consécutive, la Webgame Conference, composée d'une série de panels et présentations autour du jeu en ligne, et plus particulièrement du social gaming. Durant toute une journée, des professionnels français, anglais et américains du secteur se sont succédés pour parler de la situation et l'avenir des jeux sur Internet. Et si les problématiques à aborder ne manquaient pas, l'une d'elle revenait souvent : qui est vraiment le social gamer ?
A l'heure de l'Open Graph, de l'avènement du modèle Free to Play et de la monétisation massive des contenus sociaux, la place du jeu sur Internet s'avère être stratégique pour un grand nombre d'entreprises et de développeurs. Une après-midi à la Webgame Conference n'a fait que confirmer cette perspective à travers des interventions diverses et variées : à travers elles, la question du social gamer n'a cessé d'apparaître en filigrane. Qui se cache derrière cette appellation ? N'y a-t-il qu'un seul type de joueur qui s'adonne à ce type de loisir ? Et, question importante pour les entreprises et annonceurs du secteur... sort-il son porte-monnaie ?
Une pratique de plus en plus mobile
L'intervention de Julien Codorniou, détaillée dans un précédent article, a permis de mettre en avant que le social gamer s'était énormément rapproché du mobile ces dernières années : un constat apparu notamment avec l'explosion de l'usage mobile de Facebook - 500 millions d'utilisateurs mobiles aujourd'hui - et la démocratisation des applications liées au réseau social sur les smartphones et tablettes, grâce à Open Graph.
Une récente étude de Newzoo datant d'avril 2012 mettait par ailleurs en avant qu'en France, 14,3 millions de joueurs s'adonnent à cette activité sur des plateformes mobiles. iOS génère à lui seul 89% des revenus issus du jeu mobile en France.
« Il existe des hardcore gamers sur les jeux Zynga »
De son côté, Damion Schubert, Lead Systems Design chez Bioware Austin et plus spécifiquement sur Star Wars: The Old Republic, a mis l'accent dans son intervention sur le potentiel des hardcore gamers dans la pérennité d'un jeu vidéo. Même si Schubert a bien mis en évidence que le marché du jeu traditionnel est différent celui du casual gaming, il a tout de même démontré qu' « il existe des joueurs hardcore même pour les jeux Zynga ». « Souvent, un hardcore gamer va se focaliser sur un seul jeu. C'est aussi le cas pour les jeux sur Facebook » explique-t-il, arguant que ce type de joueurs est essentiel pour pousser un titre sur sa durée. « Ce sont des évangélistes. Ils poussent les autres et, souvent, dépensent de l'argent, car être un joueur hardcore coûte cher. »
Ce type de joueur est fréquemment facile à identifier, notamment sur les réseaux sociaux où il monopolise les notifications : du pain béni aussi bien pour les éditeurs de jeux sociaux que pour les réseaux sociaux en eux-mêmes, car ces hardcore gamers sont des « vecteurs sociaux ». Dans le secteur, ce genre de joueur est appelé « Whale », ou « Baleine », à savoir des joueurs actifs qui consomment et motivent les autres à faire de même. Un terme également employé dans d'autres milieux, comme les casinos...
Néanmoins, même s'ils sont bénéfiques aux jeux auxquels ils s'adonnent, ils sont également source d'enjeux pour les développeurs. « Personne n'est profondément adepte d'un jeu le jour de sa sortie » souligne Damion Schubert. « Le but du game designer va donc être de le captiver rapidement » explique-t-il, mais également de garder cet intérêt sur la durée car « un hardcore gamer peut décider d'arrêter de jouer à n'importe quel moment. » Et une telle situation s'avère très différente dans le cas d'un jeu en ligne et dans celui d'un jeu hors-ligne, où l'impact sera moindre puisque le joueur aura acheté son jeu, ne rapportant plus rien au développeur et à l'éditeur... ce qui n'est pas le cas d'un joueur en ligne, qui, lui, est disposé à consommer tant qu'il joue.
« La génération Y refuse la publicité »
Car comme toujours, le nerf de la guerre, c'est l'argent. Et en ce sens, la question qui intéresse surtout les entreprises désireuses de monétiser leurs jeux sociaux, c'est de savoir comment et quand le joueur est le plus enclin à débourser quelques euros.
Lors d'un panel baptisé « Comment battre Zynga avec de nouveaux business models », plusieurs professionnels du secteur se sont justement interrogés sur la question. Pour Frédérique Doumic, PDG de Ouat Entertainment, il faut innover...et ruser. « La génération Y refuse la publicité » constate-t-elle, avant d'expliquer avoir opté pour le placement produit pour les derniers titres de Ouat. « On s'est refusé à imposer des pages de pub dans les jeux, donc on mise sur le placement produit, c'est gagnant pour tout le monde. » Pour son jeu Totally Spies sur Facebook, l'entreprise a réalisé sur un partenariat avec La Redoute, car l'annonceur correspond à la cible du titre, à savoir des femmes entre 25 et 35 ans.
Frédérique Doumic soutient ne pas avoir reçu de retour négatif de la part des joueurs concernant le placement produit : un nouveau jeu Ouat, Kompany, fonctionne d'ailleurs totalement à l'aide du placement produit de 6 marques et entreprises. « Il faut comprendre qu'un jeu avec une marque, c'est un advergame, tandis qu'un jeu avec 6 marques... c'est juste un jeu. » argue-t-elle. Aujourd'hui, le titre est 100% financé par le placement produit, mais la donne pourrait prochainement changer avec l'arrivée de la vente d'accessoires virtuels.
Si Nicolas Gaume, PDG de Mimesis Republic, est perplexe concernant l'avenir du placement produit dans les jeux sociaux, il est néanmoins d'accord sur un point : le ciblage est l'un des enjeux de la monétisation. Et pour cela, il convient d'identifier la cible. Pour Gaume, « il faut analyser l'audience pour mieux cibler », en particulier sur Facebook où les outils sont précis. De fait, le placement produit n'est pas toujours adapté.
Reste que, selon ces professionnels, la cible privilégiée est majoritairement féminine - les femmes partagent plus - et située entre 25 et 35 ans. « C'est la tranche d'âge qui achète le plus » confirme de son côté Eric Bennephtali, PDG de Mediastay. Et c'est tant mieux, car « c'est sur cette tranche d'âge que le marché publicitaire est le plus fiable. » En vérité, on peut également se dire que si le marché de la publicité s'intéresse aux 25-35 ans, c'est parce que c'est celui qui est le plus réceptif.... Et c'est celui qui a les moyens de payer quand il le souhaite.
Les ados, un marché problématique
Bien que présente sur Facebook - en théorie au-dessus de 13 ans - la tranche d'âge adolescente n'intéresse pas les annonceurs et les développeurs qui souhaitent monétiser leurs jeux. « On sait qu'il y a des moins de 13 ans sur Facebook, mais ils sont difficiles à monétise »r explique Frédérique Doumic. Raison évoquée : cette tranche d'âge a peu d'argent, et n'a pas toujours les moyens nécessaires pour le dépenser dans tous les cas. Nicolas Gaume ajoute néanmoins que le SMS est particulièrement populaire sur la tranche des 15-25 ans.
« Paradoxalement, il serait plus facile de monétiser les 6-8 ans, car ce sont les parents qui paient à cet âge-là » ajoute Frédérique Doumic. On imagine dès lors les enjeux qui pourraient survenir si Facebook se décide à ouvrir une version de son réseau social aux moins de 13 ans.
Le social gamer n'est plus un inconnu
Certes, définir clairement qui est l'adepte du social gaming semble être une tâche complexe : comme pour les autres types de jeux, il existe une multitude de profils. Néanmoins, les enjeux commerciaux sont aujourd'hui tellement importants que définir le social gamer est une nécessité pour les entreprises qui marchent dans les pas de Zynga.
Et fatalement, le profil qui est le plus mis en avant est celui qui paie : ainsi, la « baleine » telle que les entreprises semblent la percevoir est une femme - évitons les jeux de mots douteux ! - âgée de 25 à 35 ans, et engagée dans un jeu dont elle partage des notifications avec sa communauté. De même, si le réseau social est forcément lié au social gaming, l'expérience peut tout de même avoir lieu sur mobile. Un constat différent de celui des applications freemium sur mobiles, où les hommes sont plus enclins à passer à la caisse.
Et même si Zynga fait encore aujourd'hui figure de modèle pour de nombreuses entreprises du secteur, il faut rappeler que la société de Mark Pincus n'est pas au mieux de sa forme aujourd'hui : 6 mois après son introduction en bourse, Zynga voit son règne s'écrouler très dangereusement, perdant au passage la confiance des investisseurs. La fin d'une success story, et la preuve pour les entreprises du secteur que le modèle de Zynga n'est pas infaillible : une raison évidente pour continuer à se questionner sur les social gamers... et sur ce qu'ils veulent !
WebGame Conference : qui est vraiment le "social gamer" ?
Par Audrey Oeillet
Publié le 25 juin 2012 à 16h26
Par Audrey Oeillet
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