Mercredi 19 février, en son campus d'Austin (Texas), AMD tenait le Ryzen Mobile Tech Day. Présent durant l'événement, Clubic a pu en découvrir plus sur la quatrième génération de puces Ryzen basse consommation : les premières à bénéficier à la fois de la gravure en 7 nm et de l'architecture Zen 2 façonnée par le géant américain.
AMD revient de loin, mais n'en fait pas un complexe pour autant. Après une architecture Bulldozer critiquée et rapidement moribonde, utilisée à partir de 2011 et déclinée jusqu'à plus soif pendant près de cinq ans, la firme amorçait un virage salvateur avec la nomination de Lisa Su fin 2014 au poste de P.-D.G. Deux ans plus tard, les rouges inquiétaient de nouveau leur rival de toujours, Intel, avec une toute nouvelle architecture baptisée Zen. Initialement gravée en 14 nm, cette dernière laissait sa place en juillet dernier au design Zen 2, conçu dès sa genèse pour tirer parti du procédé de gravure en 7 nm signé TSMC. Une nouveauté réservée jusque là aux processeurs pour ordinateurs de bureau et serveurs, tandis que les APUs Ryzen de troisième génération (combinant une partie processeur et une partie graphique AMD Radeon) conservaient un léger retard technologique en n'exploitant qu'une simple révision de la première architecture Zen.
À l'occasion du dernier CES, tenu en janvier à Las Vegas, AMD annonçait toutefois du neuf. Ses nouveaux processeurs pour ordinateurs portables, nom de code « Renoir », arboreraient bientôt le design Zen 2 et la gravure en 7 nm. Ce sont ces nouveaux produits qui nous ont été présentés plus en détail dans les salles de l'imposant campus d'AMD au Texas, avec en ligne de mire la perspective d'une reconquête au moins partielle du marché laptop, par trop délaissé ces dernières années par la firme.
Un objectif qu'AMD pourrait bien tenir alors que les processeurs basse consommation Ice Lake-U d'Intel, introduits sur le marché à la fin de l'été dernier, n'exploitent pas encore leur nouveau procédé de gravure en 10 nm à son plein potentiel. Reste que la bataille, la vraie, se jouera du côté des parties graphiques intégrées à ces nouvelles générations de processeurs à basse consommation. AMD le sait, tout autant qu'Intel, et tandis que les usages évoluent sur laptop, les deux rivaux adoptent des approches différentes sur ce terrain.
AMD, la promesse d'une nouvelle ère
Habitué à proposer des APUs dotés de parties graphiques performantes, conférant aux laptops dépourvus de GPUs dédiés une meilleure polyvalence, AMD poursuit sur sa lancée avec sa quatrième génération de processeurs Ryzen à basse consommation.Lors du Ryzen Mobile Tech Day, le groupe a présenté devant quelques dizaines de journalistes ses gammes Ryzen 4XXX « U », pensées pour l'efficacité énergétique sur ultraportables ; « H », destinées à attaquer Intel sur les processeurs hautes performances pour laptops ; et « Pro », conçues pour le monde de l'entreprise. Nous avons été en mesure de découvrir les processeurs Ryzen « U », et « H ». Notez bien que nous avons consacré un article entier à la série « H »... et pour cause, ils pourraient faire particulièrement mal à l'offre mobile haut de gamme d'Intel. Rendez-vous ici pour en savoir plus. Vous l'aurez par ailleurs remarqué, ces dénominations renvoient directement à celles utilisées par Intel depuis des années sur le marché laptop. En s'y calquant, AMD clarifie son offre et se place en concurrence frontale de son némésis. Le ton est donné et cet angle d'attaque n'a rien d'anodin regard des avancées promises par AMD.
Sur le marché des ordinateurs ultraportables, et avec sa gamme « U », la firme de Lisa Su souhaite prendre tous les curseurs et les pousser vers le haut. Cela passe par les performances, bien entendu, la maîtrise énergétique, aussi, mais surtout par une collaboration plus étendue que par le passé avec les constructeurs OEM (comme Dell, ASUS, Lenovo...) qui construiront des appareils équipés des dernières puces d'AMD. L'idée est de rendre nos notebook « snappy and fun to use », mais aussi de s'assurer que ces fabricants exploiteront au mieux ces nouveaux processeurs, notamment en misant sur une grande complémentarité des composants, afin de proposer des machines homogènes (avec un bon écran, un SSD suffisamment performant pour ne pas compromettre le CPU...) et de maximiser les performances en adoptant les standards fixés directement par AMD. La marque a d'ailleurs indiqué qu'elle se réservait hypothétiquement droit de ne pas fournir ses nouveaux processeurs pour des machines qui ne respecteraient pas ses prérequis. L'idée ? Soigner (enfin !) une image de marque un peu écornée sur laptop, c'est du moins comme cela que nous l'avons ressenti.
Ceci étant, AMD avait déjà réussi, avec ses APUs Ryzen « Picasso », de troisième génération, à signer un premier retour concret et valable sur le marché du PC portable. Outre des performances convenables et une maîtrise énergétique, certes perfectible, mais correcte, cette génération aura permis à la marque américaine de muscler sérieusement son portfolio, avec 75 modèles de laptops équipés d'APUs Ryzen en 2018, environ 110 en 2019 en comptant les puces « Picasso », et près 170 attendus en 2020 avec l'arrivée « Renoir », nous a-t-on expliqué. Promesse est par ailleurs faite que plus d'une douzaine de références seraient équipés de processeurs « Renoir » dès les premières semaines après leur lancement.
La tendance semble en marche et pourrait bien s'affirmer alors que de plus en plus d'OEM prennent de nouveau AMD au sérieux, et que les pénuries de processeurs persistent chez Intel.
Pour illustrer leur propos, les représentants du groupe se sont en partie appuyés sur le Lenovo Yoga Slim7. Attendu en avril à partir de 849,99 dollars, cet ultraportable de 14 pouces (dalle Full HD, FreeSync, 100% sRGB) doit nous être confié en test en avant-première dans les prochaines semaines, nous avons d'ores et déjà pu le prendre brièvement en mains sur place. Il est équipé d'un Ryzen 7 4800U, le processeur le plus haut de gamme de la série « U », et de mémoire LPDDR4X, supportée (au même titre que la mémoire DDR4 « classique ») par la nouvelle offre d'AMD sur laptop, et a servi d'appareil de référence à AMD pour la plupart de ses tests d'autonomie. Nous reviendrons plus bas.
Les processeurs de 10ème génération d'Intel plus efficaces en mode économie d'énergie ?
Intel et sa 10ème génération parfois égalée, souvent battue par « Renoir »
Graphiques à l'appui, AMD n'a pas peur de l'affirmer : le Core i7-1065G7 (Ice Lake-U ; 4 cores / 8 threads ; 1,30 / 3,90 GHz ; 8 Mo de cache ; TDP configurable entre 15 et 25 W) est égalé, sinon battu dans la majorité des cas par son Ryzen 7 4800U (8 cores / 16 threads cadencés entre 1,8 et 4,2 GHz ; 12 Mo de cache ; 8 unités de calcul GPU cadencées à 1750 MHz ; TDP configurable entre 15 et 26 Watts).Un bilan qui s'applique tant aux performances CPU qu'à la puissance de feu de son iGPU, avec environ 4% de performances promises en plus en utilisation single-thread sous CineBench R20 1T, et jusqu'à 90% d'écart en utilisation multi-threads sous CineBench R20 nT. Pour briller en multi-thread, le Ryzen 7 4800U bénéficie clairement de son avantage en termes de cores / threads, deux fois plus nombreux que sur la puce d'Intel. En calcul GPU sous 3D Mark TimeSpy, AMD estime en outre que son nouveau processeur arrive devant celui d'Intel avec une avance de 28%.
Même constat en 1080p (réglages « low ») sur la plupart des titres compétitifs du marché, avec quelques belles surprises, notamment avec Rocket League (indice de 80 FPS pour le Core i7 contre 110 pour le Ryzen 7), Overwatch (36 contre 54) ou encore l'indéboulonnable GTA V (29 FPS en moyenne en 1080p « low » contre 53 pour le Ryzen 7 4800U). AMD capitalise pourtant sur une architecture qui évolue peu pour son iGPU, qui reste attaché au design Vega en adoptant une partie des spécifications multimédia de la génération Navi. L'occasion pour la firme de vanter les mérites d'un moteur multimédia en net progrès, capable de gérer nativement les codecs H.265 HEVC, H.264 MPEG4 ou encore VP9. De quoi expliquer au moins en partie les bonnes prestations du Ryzen 7 4800U en encodage vidéo. AMD argue par ailleurs que ses nouveaux processeurs sont moins demandeurs en mémoire (ce qui devrait là aussi aider en montage) et plus sécurisés que les anciens. On tâchera de vérifier tout cela.
Ces résultats sont réalisables vis-à-vis des puces de Intel de 10ème génération « Comet Lake-U », qui font quant à elle l'impasse sur un iGPU performant au profit d'une partie CPU plus percutante. Selon les tests d'AMD, le Ryzen 7 4800U prendrait bien souvent l'avantage sur un Core i7 10710U, avec un indice de 479 sous CineBench R20 1T contre 473 chez intel en single-thread ; et un rapport de 3306 contre 2411 en faveur du processeur d'AMD sous CineBench R20 nT, cette fois en multi-threads.
Très fiers de ce portage du monde Zen 2 / 7 nm sur puce basse consommation (les ingénieurs d'AMD nous on expliqué travailler sur ce projet depuis 2017, avant même le lancement de la toute première génération de processeurs Ryzen), la firme annonce enfin jusqu'à 59% de performances GPU en plus sous TimeSpy par rapport aux APUs « Picasso », de seconde génération. Une avancée supplémentaire qui ne se fait pas au détriment de la consommation, réduite de 20% par rapport à la génération précédente, nous a-t-on assuré. Comme par le passé (et tout comme chez la concurrence), AMD laisse néanmoins à ses partenaires OEM le soin de configurer à leur guise le TDP de la plupart de ses nouveaux processeurs laptops.
Sur le Ryzen 7 4800U, les performances peuvent ainsi être dopées de 2 à 17% (selon les applications) en passant de 15 à 26 watts de TDP. Notons par ailleurs que pour minimiser au maximum la perte de performances inhérente à la chaleur générée, AMD mise sur sa technologie STT (System Temperature Tracking).
Complexe, mais efficace, tout du moins sur le papier, cette dernière vise à maintenir un niveau de performances stable sur ultraportable, même après une charge prolongée. Un moyen d'éviter aussi bien le throttling que l'efficacité en dent de scie qui en résulte. Cette technologie STT pourra par ailleurs être conjuguée à une autre technique de Sioux mise au point par les rouges et dévoilée pour la première fois en janvier, à Las Vegas : SmartShift, qui permet en deux mots d'utiliser plus intelligemment un processeur AMD dans son entier (CPU + iGPU) et un GPU dédié Radeon en améliorant leurs degrés de communication afin de les laisser prendre le relais l'un de l'autre en fonction des situations. L'objectif ? Optimiser à la fois les performances et la consommation énergétique dans le cadre de tâches variées.
AMD promet enfin que les constructeurs OEM tireront parti de ces deux technologies sur leurs appareils respectifs dès le lancement des Ryzen 4XXX, « et pas dans six mois », nous a-t-on indiqué. La chose devrait donc profiter au consommateur sans attente de patchs ultérieurs.
Consommation et autonomie sont souvent corrélées, AMD en a bien conscience, aussi la gestion énergétique des processeurs Ryzen 4XXX « U » était également au coeur des interventions auxquelles nous avons pu assister au Texas. Le groupe nous promet notamment une meilleure gestion des modes de performances sur ses processeurs de série « U », afin de détecter plus efficacement les phases en idle et celles de charge, durant lesquels le processeur est fortement sollicité.
Pour y parvenir, les nouvelles puces Ryzen à basse consommation ont été conçues de manière à travailler en meilleure intelligence avec le système d'exploitation. Cette coopération renforcée avec Windows 10 permet au Lenovo Yoga Slim7 (utilisé comme machine de référence par AMD sur ses derniers tests d'autonomie), et son Ryzen 7 4800U d'arriver pile au niveau d'un Dell XPS 13 équipé d'un Core i7-1065G7, avec 11h30 de temps de batterie côté AMD contre un peu plus de 9 heures côté Intel en moyenne.
Une fois normalisé (le Yoga Slim7 profite en effet d'une plus grosse batterie), l'écart se réduit à seulement une demi-heure d'autonomie à l'avantage d'AMD, qui assure avoir voulu mener les tests les plus objectifs possible face à la concurrence... histoire de savoir où il mettait les pieds. Une bonne foi affichée à laquelle nous sommes tentés de croire, mais seul un test en bonne et due forme pourra nous conforter dans cette impression. Réponse lorsque ce fameux Slim7 nous sera confié.
La gamme Ryzen 4XXX « U » détaillée au grand complet : des Ryzen 5 et 3 qui toussotent face à Intel ?
Reste que le monde ne gravite pas autour du Ryzen 7 4800U. Cette année, AMD déclinera en effet sa gamme Ryzen 4XXX « U » en cinq processeurs distincts dont les spécifications nous ont été dévoilées sans fausse pudeur. Par souci de clarté en voici la liste et les grades lignes techniques :- Ryzen 7 4800U : 8 cores / 16 threads cadencés entre 1,8 et 4,2 GHz ; 12 Mo de cache ; 8 unités de calcul GPU cadencées à 1750 MHz ; à partir de 15 watts de TDP.
- Ryzen 7 4700U : 8 cores / 8 threads cadencés entre 2,0 et 4,1 Ghz ; 12 Mo de cache ; 7 unités de calcul GPU à 1600 MHz ; 15 watts de TDP configurable.
- Ryzen 5 4600U : 6 cores / 12 threads cadencés entre 2,1 et 4,0 GHz ; 11 Mo de cache : 6 unités de calcul GPU à 1500 MHz ; TDP configurable de 15 watts.
- Ryzen 5 4500U : 6 cores / 6 threads cadencés entre 2,3 et 4,0 GHz ; 11 Mo de cache ; 6 unités de calcul GPU à 1500 MHz ; 15 watts de TDP configurable.
- Ryzen 3 4300U : 4 cores / 4 threads cadencés entre 2,7 et 3,7 GHz ; 6 Mo de cache ; 5 unités de calcul GPU à 1400 MHz ; 15 watts de TDP configurable.
Nous n'en avons pas parlé plus haut, mais AMD a bouclé sa présentation principale en s'attardant sur ses Ryzen 5 4600U et 4500U, mais aussi sur le petit Poucet de la famille : le Ryzen 3 4300U.
Ici le groupe semble toutefois plus évasif, notamment quant aux performances de ses Ryzen 5 4500U et 4600U, qui n'ont pas été comparés au Core i5-1035G7. Dans les graphiques présentés, AMD préférait en effet opposer ses deux puces milieu de gamme à un Core i5-1035G1. Un opposant en un sens complaisant puisqu'il ne profite pas du tout du même iGPU que le 1035G7 (Intel UHD Graphics d'une part contre Iris Plus Graphics de l'autre). Nous émettrons donc quelques réserves quant aux chiffres dévoilés pour l'heure en matière de performances GPU. Elles méritaient clairement d'être comparées à ce qu'Intel est capable de faire de mieux sur ce même type de produit, c'est-à-dire le Core i5-1035G7.
Même démarche un peu floue pour le Ryzen 3 4300U qui est comparé frontalement au Core i3-1005G1, Si ce dernier dispose bien d'un TDP de 15 watts lui aussi, il se contente toutefois des iGPU Intel d'ancienne génération (Intel UHD Graphics) et de spécifications légèrement inférieures. Le Ryzen 3 arrive donc en tête, mais d'une courte avance, en single-thread face au Core i3-1005G1 moins bien pourvu (2 cores / 4 threads cadencés entre 1,2 et 3,4 GHz) et prend l'avantage grâce à ses deux cores de plus en utilisation multi-threads, avec un indice de 1571 contre 1016 sous CineBench R20 nT.
Avec sa nouvelle génération de processeurs pour ordinateurs portables et ultraportables, AMD porte l'espoir d'une fin de quasi-monopole pour Intel. Si la firme doit en faire un peu plus pour nous convaincre que ses Ryzen 5 et 3 sont réellement au niveau de la concurrence, force est d'admettre que les Ryzen 7 le sont. Plus performants tant sur les plans CPU que GPU, plus économes en énergie, plus aboutis technologiquement, les nouvelles puces basse consommation haut de gamme d'AMD risquent en effet de tenir la dragée haute à Intel et sa gamme bicéphale, dispersée en une multitude de références gravées tantôt en 14, tantôt en 10 nm, et ne profitant pas toutes des dernières innovations en matière d'iGPU.
Au moyen de cette offre renouvelée, le message d'AMD est d'ailleurs clair : continuer à grignoter des parts de marché sur laptop et attaquer Intel à la gorge en proposant aussi bien (voire mieux) au travers d'une gamme unifiée, claire et performante. À défaut d'avoir été entièrement conquis par ce qu'AMD nous a présenté en son fief d'Austin, nous voici plus que jamais convaincus d'une chose : AMD is Back (vraiment), et ça fait bigrement plaisir. Reste maintenant à savoir quelle sera la réponse d'Intel, notamment au travers des puces 10 nm « Tiger Lake ».