Si la situation d'Intel semble moins préoccupante qu'en milieu d'année dernière, les tractations se poursuivent, en coulisse.

Les difficultés financières d'Intel, la perte de son leadership technologique et le récent limogeage de son P.-D.G. Pat Gelsinger, tout concourt à mettre la pression sur le groupe américain.
Depuis déjà plusieurs semaines, différents scénarios ont été évoqués, mais celui d'une association avec son concurrent taïwanais TSMC semble tenir la corde avec de nouvelles informations « proches du dossier ».
Une fin d'année 2024 troublée
2024, annus horribilis pour Intel qui a cumulé à peu près toutes les galères possibles pour une entreprise de la tech. Une situation qui pousse à imaginer tous les scénarios pour penser l'avenir du groupe américain.
En fin d'année dernière, et même si la pression montait chaque jour un peu plus autour de son poste, la démission (ou plutôt, le limogeage) de Pat Gelsinger avait fait l'effet d'une bombe. La stratégie du P.-D.G. était désavouée par le conseil d'administration du groupe et tous les analystes prédisaient alors le pire des futurs pour la branche production de la société : Intel Foundry est effectivement « l'homme malade » du groupe, le secteur qui cumule le plus de pertes.
Un premier scénario s'était alors dessiné pour Intel. Un scénario qui envisageait ni plus ni moins que le dépouillage de l'entreprise. D'un côté, Broadcom aurait examiné avec attention la branche conception et marketing d'Intel tandis que TSMC étudiait la possibilité de prendre le contrôle des usines de fabrication d'Intel. Deux concurrents qui se partageraient les restes du groupe.
Un scénario qui a toutefois fait long feu. D'abord parce qu'il n'était pas évident qu'il soit dans l'intérêt de Broadcom et, ensuite, parce que les monstrueuses subventions (enfin !) accordées à Intel – plus de 8 milliards de dollars – n'avaient pas pour but de faciliter son démantèlement.
La reprise en main de mars
Un premier scénario donc qui aujourd'hui ne semble plus réellement d'actualité d'autant qu'après avoir été publiquement désavoué par un ancien P.-D.G. d'Intel, le conseil d'administration a nommé Lip-Bu Tan pour remplacer Pat Gelsinger, un président aux idées finalement pas si éloignées de celles de son prédécesseur.
Plutôt qu'une rupture, Lip-Bu Tan a souligné l'importance de « redonner à Intel sa place d'entreprise de produits de classe mondiale » tout en s'imposant « comme une fonderie de premier plan ». Des propos que n'auraient pas reniés Pat Gelsinger et qui sonnent comme la volonté de poursuivre son œuvre avec, toutefois, une différence, une nouvelle approche que Lip-Bu Tan explique en ces termes : « Pour atteindre les résultats dont je sais qu'Intel est capable, il faut d'abord se recentrer sur nos clients. C'est notre priorité absolue depuis mon premier jour de travail ».
Lip-Bu Tan insiste sur la nécessité d'agir, « le temps des paroles est révolu », et précise « nous devons passer de la parole aux actes et tenir nos engagements. Je suis ravi de constater que l'équipe de direction a déjà commencé à impulser le changement de culture nécessaire à cette concrétisation ». Des propos qui font écho aux récentes annonces technologiques d'Intel : à savoir la finalisation du processus de gravure Intel 18A et la confirmation que les puces Panther Lake seront bel et bien disponibles en fin d'année, même si la production de masse ne sera véritablement opérationnelle qu'en 2026.
Vers une coentreprise avec TSMC ?
Cette situation de début d'année qui semble clairement mettre Intel sur de biens meilleurs rails n'éloigne toutefois pas toutes les rumeurs. Au contraire, il en est une qui revient à la charge si l'on en croit des « sources proches du dossier » citées notamment par l'agence Reuters.
À côté de la scission d'Intel et de son partage entre Broadcom et TSMC, avait été évoquée l'idée d'une « simple » prise de participation par TSMC. Cette option refait donc aujourd'hui surface alors que l'on parle ni plus ni moins que d'un véritable accord provisoire entre les groupes américains et taïwanais. L'idée serait alors de placer les usines américaines d'Intel sous la direction d'une coentreprise détenue par Intel et TSMC… mais pas du tout à parts égales.
Les 20 % de TSMC déjà évoqués en février seraient toujours à l'ordre du jour sans que l'on sache très bien qui détiendrait les 80 % restants : il se pourrait même que ce soit le groupe d'Intel, ce qui permettrait de poursuivre l'œuvre de modernisation d'Intel Foundry voulue par Pat Gelsinger et confirmée par Lip-Bu Tan dès son entrée en poste. Bien sûr, rien n'est encore officiel et certains ont du mal à imaginer TSMC favoriser ainsi le retour en piste d'un concurrent aussi important qu'Intel. Pourtant, cette coentreprise pourrait lui être utile.
Par tous les moyens, y compris les plus dispendieux, TSMC cherche effectivement à se mettre à l'abri alors que le contexte international est plus que compliqué à déchiffrer. Une coentreprise l'association à Intel serait sans un moyen de contourner les barrières douanières récemment érigées par Donald Trump et son équipe. De plus, s'assurer une production de plus en plus importante aux États-Unis est un moyen de diversifier ses sites alors la question Chine/Taïwan est plus que jamais au cœur de l'actualité.
Reuters se garde bien d'affirmer quoi que ce soit, et ce, même si l'agence insiste sur la fiabilité de ses sources. Gageons que des plans de ce type trottent dans la tête de nombreux responsables des différents groupes concernés et, sans doute aussi, du gouverment américain.
Source : Reuters