Deux Will Smith pour le prix d'un, des explosions à gogo et une révolution technique qui pourrait changer le cours du cinéma pour les prochaines décennies. C'est le programme riche de Gemini Man, une course-poursuite à 100 à l'heure comme on en fait plus aujourd'hui.
Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
Gemini Man (2019)
de Ang Lee« Ouais, j'crois que c'est ça, le vécu qui pourrait être le problème »
Si la nostalgie des années 80 est aujourd'hui présente à peu près dans tous les pans de l'industrie culturelle contemporaine, on oublie un peu vite les années 90. Enfant, c'est durant cette période que j'ai vécu mes premiers émois cinématographiques devant des œuvres légères, mais ambitieuses, qui ne lésinaient pas sur le grand spectacle.Des dinosaures de Jurassic Park aux aliens d'Independence Day, on s'est vraiment amusés durant cette décennie avant que l'époque ne se prenne d'affection pour les projets aux héros sombres et torturés et à leurs traumatismes forcément fondateurs.
Avec Gemini Man, j'ai retrouvé l'innocence et le charme un peu suranné, mais délicieux de ses grosses productions de SF, le tout enrobé d'une mise en scène avant-gardiste pour un spectacle débridé.
L'histoire tient sur un demi ticket de cinéma. Henry Brogen, tueur à gages tout juste retraité pour une organisation gouvernementale évidemment secrète, va devoir se battre contre son employeur qui veut sa mort et contre un assassin particulier : lui-même en plus jeune.
Malgré son pitch qui sent bon le popcorn, Gemini Man est une vraie réussite pour trois raisons bien précises.
« Vous n'avez personne pour tuer Henry Brogen. Moi si »
La première vient de sa captation même et de la mise en scène qui en découle. Ang Lee fait partie de ses réalisateurs techniciens, qui voient chaque projet comme un nouveau défi technique. Pour Gemini Man, le metteur en scène a choisi de filmer à 120 images/seconde, ce que l'on appelle aussi le HFR.Pour avoir eu la chance de voir le film dans ce format, la différence par rapport à une fréquence d'images traditionnelle est tout simplement stupéfiante. Le flou de mouvement n'existe plus, le réalisme des situations est poussé à son paroxysme. On est face aux acteurs, et pas à un écran. On peut apercevoir un détail à l'arrière-plan qu'il serait impossible de distinguer à 24 images / seconde.
Cela permet à Ang Lee de proposer, quelle que soit la version du film que vous regardez, des séquences d'action jamais vues, non pas par leur ampleur, mais leur immersion. Caméra à l'épaule, plans subjectifs, plans séquences au plus près des comédiens, mouvements ultras rapides, le réalisateur s'autorise tout et jamais je ne me suis senti perdu dans l'espace ou atteint d'un violent mal de mer.
Pour le moment Gemini Man est l'un des premiers films tournés en HFR, mais James Cameron aurait également filmé ses innombrables suites d'Avatar dans ce format. Reste à voir si l'industrie et les spectateurs seront réceptifs à cette technologie comme la 3D en son temps. Je l'espère vivement !
« Nelson Mandela serait incapable de tuer une personne à 2 km dans un train en marche »
La deuxième raison qui fait de Gemini Man un film important, c'est le retour en grâce de Will Smith. Le bougre s'est perdu depuis quelque temps dans des productions anecdotiques, et pourtant c'est un brillant comédien qui peut déployer une palette d'émotions stupéfiante.Et c'est le double numérique de l'acteur qui bénéficie de l'étendue de son jeu. Il faut bien se rendre compte que Junior n'est pas un simple maquillage numérique, mais un personnage à 100% composé de pixels interprétés par Will Smith en performance capture, une technologie qui permet de saisir les mouvements du corps et du visage.
Si j'étais mauvaise langue, je dirais que l'avatar de Will Smith joue mieux que Will Smith lui-même, plus monolithique dans le rôle du vieux tueur blasé. L'effet visuel est stupéfiant de réalisme et Ang Lee ne se prive pas de filmer son acteur numérique de très près pour transmettre toujours plus d'émotions entre deux fusillades.
« Tu n'as pas à douter Junior, tu vaux bien mieux que ça »
Le dernier point essentiel dans Gemini Man, et qui fait que le film dépasse son cadre de film d'action turbo-zinzin, c'est bien la relation entre Henry et son double. Bien plus qu'un simple concept, le film creuse le lien quasi filial entre le tueur et son double rajeuni.Junior n'est pas qu'un clone, mais un fils, à qui le « père » essaie d'inculquer certaines valeurs et lui éviter les erreurs qui lui ont volé la vie qu'il avait rêvé.
Je m'attendais à être impressionné par la réalisation d'Ang Lee et à profiter passivement des scènes d'action, pas à être finalement plus intéressé par les rares et très intenses scènes de dialogues entre les deux tueurs.
« OK, tu te parles à toi-même, mais c'est lui que ça regarde »
Le film aborde évidemment la question du clonage et n'est pas aussi simpliste et tranché qu'attendu dans un film hollywoodien. Il opte pour une position ambiguë, où le clone est un outil qui peut être performant, voire meilleur que l'être humain, mais qui doit être régulé, éduqué. C'est assez subtil pour ne pas laisser indifférent.Gemini Man est donc un blockbuster de qualité, qui traite en filigrane de questions éthiques et philosophiques, mais cherche avant tout à faire passer un excellent moment à ses spectateurs. Si vous cherchez comme moi à occuper deux heures à toute allure, c'est Gemini Man est sans aucun doute un excellent candidat cinématographique.
Gemini Man est disponible en DVD, Blu-Ray et VOD chez Paramount Pictures.