Le e-marchand spécialisé dans le high-tech LDLC a ouvert une boutique physique à Lyon en 1998. Dans sa stratégie de développement dite multicanale, le vendeur compte en ouvrir une quarantaine d'ici cinq ans. Objectifs : apporter du conseil au client grâce à des bureaux où il peut prendre du temps pour s'informer, compléter la vente en ligne et apporter du chiffre d'affaires au site Internet. Pour l'heure, la vente en dure de LDLC pèse pour 14% des revenus. La boutique lyonnaise représente 10 millions d'euros de chiffre d'affaires par an. « On envisage le commerce comme gobal et on ne souffre pas de cannibalisation. Au contraire, cela crée des synergies », indique Olivier de la Clergerie, directeur général du groupe.
Si cette volonté de développer la vente physique a ses arguments, elle a aussi des contradicteurs. Pour Gauthier Picquart, p-dg de Rue du Commerce, cette stratégie est « anti-économique ». Jusqu'à présent, « les sites de vente en ligne, notamment dans le high-tech, ont bien marché car ils ont fonctionné sur un modèle lowcost », explique-t-il. Or, pour installer une boutique physique, cela impose de dégager une marge brute de 35%, selon lui. Impossible à tenir pour un pure player. « Internet a rendu plus de la moitié des marges au consommateur, on tourne à 10 ou 15%, l'équation n'est pas possible ». Pour le p-dg, les gros acteurs du e-commerce doivent se développer en apportant de la valeur désormais, et pas en ouvrant des magasins.
Le mobile décloisonne commerce et e-commerce
« En période de soldes, c'est la folie dans les boutiques », observe le directeur de la distribution multicanale de Morgan, Frédéric Wilhelm. Cependant, si beaucoup d'internautes sont tentés de bénéficier des ristournes sur Internet pour éviter la foule, ils se privent du toucher du produit. De plus, il note que les taux de transformation ne sont pas les mêmes en boutique et sur Internet. Dans le premier cas, ils s'élèvent à 15%, contre dix fois moins sur le Net. La solution pour Frédéric Wilhelm est la réservation sur Internet, y compris sur place, en vertue du « Web in store ».
En somme, cela se caractérise par la présence de contenu digital dans le magasin via des bornes par exemple. Ou de mobiles : pour Gauthier Picquart, les bornes n'ont aucun avenir car elles peuvent être aisément remplacées par des smartphones. « Les Français ont 25 millions de petites bornes dans leur poche », fait-il valoir. Toujours inscrits dans une stratégie de « Web in store », ils cumulent plusieurs avantages.
« Le mobile est l'outil de fidélisation par excellence car il est greffé à son utilisateur et il peut, on imagine, faire cumuler des points de fidélité quand il entre dans une boutique », envisage-t-il. Par ailleurs, le smartphone apporte des informations sur les produits dont un vendeur peut tirer bénéfice. « Prenons l'exemple d'un client qui cherche un pull rouge. Il se rend dans un magasin et il ne le trouve pas. L'application de l'enseigne lui indique que le pull dont il rêve est disponible dans son autre boutique, située à un kilomètre. Résultat, le client aura eu son pull et le commerçant aura réalisé sa vente », illustre le p-dg de Rue du Commerce. Il ajoute : « Dans le cas où le pull rouge n'est plus en stock, le client pourra l'acheter sur le site Internet de la marque via son smartphone, en rentrant chez lui, puis se faire livrer ».
Du côté de Monoprix, on développe aussi cette stratégie mobile multicanale. « Avec le service clic & go, on fait l'économie de la file d'attente à la caisse. Après avoir réalisé ses achats sur le Net, on se rend sur place puis on obtient ses courses en deux minutes, sur le principe du drive », indique le responsable e-commerce de la marque, Patrick Oualid. Selon lui, le smartphone « peut même remplacer avantageusement le paiement en caisse lorsqu'on scanne directement chaque produit en les introduisant dans son caddie ».
Les protagonistes du commerce en dur et du commerce en ligne peuvent trouver un terrain d'entente autour du mobile. Du côté des consommateurs, Gauthier Picquart est d'avis qu'ils ne raisonnent plus en termes de multicanal ou de cross canal, mais ne voient qu'un canal. « Souvent, les clients sont opportunistes et vont au moins cher ou au plus pratique, que ce soit sur Internet ou non », relève le p-dg. De ce point de vue, « le mobile efface cette notion de canal, car il est partout, et on peut l'utiliser n'importe où, chez soi, dans les transports, dans la rue, dans un magasin ». Selon Damien Bousson, de la Mobile Marketing Association France, la force du mobile se trouve justement dans son utilisation contextualisée. Un levier à activer pour générer plus de ventes.