Big Tent Paris 2012 : le numérique sauvera-t-il l'industrie ?

Thomas Pontiroli
Publié le 26 novembre 2012 à 17h40
Le Palais d'Iéna à Paris a accueilli, ce lundi 26 novembre, le Google Big Tent 2012, soit une journée de tables rondes et de débats au sujet du numérique et de son impact sur la croissance. Si tous les intervenants s'accordent à dire que le numérique est bénéfique aux entreprises, certains s'inquiètent des impacts possibles sur l'emploi.

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Google a réuni plusieurs acteurs du numérique, lundi, sous sa « tente », plantée pour l'occasion Palais d'Iéna, à Paris. Le thème de ce Big Tent Paris 2012 : « croissance : une révolution numérique, sinon rien ». En guise d'introduction, Taylor Reynolds, économiste spécialisé dans des technologies de l'information et de la communication (TIC) à l'OCDE a tenu à rappeler un fait : le secteur du numérique est l'un de ceux qui a le mieux résisté à la crise de 2008. Étude à l'appui, il souligne que l'emploi a progressé de 6% entre 2010 et 2011, tiré par les entreprises Internet.

Le numérique, selon lui, a fort à jouer dans la croissance économique. Et l'OCDE n'est pas la seule à le dire. D'après une étude McKinsey, la filière Internet pesait 3,7% du produit intérieur brut (PIB) français en 2010, notamment grâce au e-commerce et à la publicité en ligne. Pour ce qui est de la croissance du PIB, Internet y contribue naturellement de plus en plus : de 10% au cours des quinze dernières années, le secteur est passé à 25% en 2010. Aux États-Unis, c'est même 30%, d'après Taylor Reynolds. Au-delà des entreprises à l'ADN numérique, les autres auraient aussi intérêt à se mettre à la page des TIC.

Patrick Ferraris, de Capgemini Consulting, souligne que les« digital leader », soit les entreprises ayant adopté le numérique avec succès, ont amélioré leurs profits de 26% en moyenne. Pour lui, elles ont réussi leur transition parce qu'elles n'ont pas cantonné le numérique à une petite division, mais elles y ont intégré tous leurs salariés et tous les métiers. Il existe plusieurs ingrédients, selon lui, pour une bonne transition numérique : « focaliser ses investissements sur une façon de l'adopter (Nike a mis l'accent sur les aspects sociaux), piloter ces investissements en démystifiant le numérique auprès des salariés et adapter son modèle économique ».

Ces transformations, que le président du Syntec Numérique, Guy Mamou-Mani, qualifie de « troisième révolution industrielle », s'accompagnent naturellement de craintes, que n'a pas manqué de soulever Christian Mathorel, membre de la CGT à France Telecom : « Je suis pour le numérique, mais il faut voir pour quelle raison une entreprise y a recours. C'est dans le cadre d'une stratégie financière, pour réduire ses coûts ? Ou bien est-ce au service du progrès social ? C'est bien de gagner du temps, d'améliorer l'efficacité, mais si c'est au détriment de la qualité de travail, non. »

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Guy Mamou-Mani - Syntec Numérique
« En France, quand un politique parle de numérique, les gens craignent des suppressions d'emplois, alors il n'en parle pas, sinon, il n'est pas réélu », déplore, en réponse, Guy Mamou-Mani. Selon lui, « il est normal que chaque révolution industrielle s'accompagne de destruction d'emplois, mais c'est sur du court terme. Sur la distance, le numérique créera dix fois plus de postes qu'il n'en aura détruits ». D'après le rapport de McKinsey, depuis quinze ans, un quart des emplois nets en France proviennent du secteur Internet, soit 750 000 postes nouvellement créés.

Christian Cuvillier, directeur général des opérations chez Unibail-Rodamco, souligne pour sa part les résultats d'une étude selon laquelle « 45% des interrogés affirment que le numérique a changé leur vie. Quid des 55% restant ? Qu'attend-on ? Est-ce que ce sont des gens ignorants, ou bien résistants ? Le numérique a créé de l'emploi et dans l'entreprise, il a considérablement accéléré les choses : les systèmes d'information, la collaboration, etc. » Et d'estimer que les syndicats, en France, ont pu ralentir l'incursion des TIC, à cause des craintes sur l'emploi.

« La CGT est pour la fibre optique jusqu'à l'habitant depuis trente ans », se défend Christian Mathorel, qui veut montrer que les syndicats ne sont pas anti-nouvelles technologies. Le problème, selon lui, n'est pas intrinsèque au numérique, mais à la manière de le déployer. « Cela paraît désuet aujourd'hui, mais quand le Minitel a été lancé, il était révolutionnaire. Et cela a été permis parce qu'il était gratuit. Désormais, ce n'est plus possible car c'est la rentabilité financière qui est devenue la priorité », déplore le syndicaliste de France Telecom.

Pour illustrer les effets pervers de l'adoption du numérique, l'intervenant donne l'exemple des centres d'appels. « Les opérateurs sont en concurrence à la minute près, et les salariés de ces centres n'ont que quinze minutes par semaine pour se rendre aux toilettes. Souvent, ils ne sont pas ou peu formés, ils sont cantonnés à lire des scripts, et comme les offres des opérateurs sont toujours plus complexes, ils ne sont pas capables de traiter bon nombre de questions ». Outre les problématiques d'entreprise, le cégétiste s'interroge aussi sur les retombées positives côté consommateur.

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Pour Jonathan Benhamou, qui a fondé Novapost, société spécialisée dans la dématérialisation, « on ne force pas les gens à adopter le numérique ». Même s'il défend le recours au bulletin de paie électronique, il est conscient que tous n'ont pas les moyens d'accéder à Internet, ni l'envie. Par conséquent, il laisse le choix du numérique à la discrétion de chacun - même s'il rappelle que tout de même, 53% des contribuables ont réglé leurs impôts par Internet l'an dernier.

Enfin, le débat a abordé l'épine dorsale de l'économie numérique : son financement. Sur ce point, le représentant de la CGT a pointé du doigt la concurrence sur le secteur des télécoms, qui va renforcer la situation de « sous-investissement en matière de réseaux », selon lui. « Or, pas de réseau, pas de numérique. En France, nous avons les autoroutes, mais pas les nationales, et c'est par là que le numérique s'étend dans le pays, par ramifications », a soutenu Christian Mathorel.

Ce dernier considère que la situation risque de se dégrader, « car on est en train d'étudier la possibilité de faire supporter une partie des investissements par les collectivités territoriales, soit l'impôt ». Sous la tente Google, il a déploré que la firme américaine « distribue des millions de dollars de dividendes mais de par sa position over the top, en utilisant les infrastructures existantes, profite du réseau mais ne paie absolument rien ». La question de savoir si les sites Internet doivent payer les opérateurs télécoms pour acheminer leurs contenus jusqu'aux abonnés sera débattue à partir du 3 décembre à Dubaï, à l'occasion de la réunion des 193 membres de l'Union internationale des télécommunications.
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