Ces dernières décennies, les professionnels de santé ont remarqué que la mortalité infantile diminuait à la suite d'une campagne de vaccination contre la rougeole, qui semblait protéger les enfants non seulement contre le virus mais aussi contre d'autres infections, sans toutefois être capables d'expliquer pourquoi. Le mystérieux mécanisme vient d'être percé à jour.
Pour comprendre cette conséquence du vaccin, des scientifiques se sont donc penchés sur l'étude des effets corollaires de la rougeole. Il s'avère que le virus ne se contente pas de provoquer l'infection virale aux symptômes bien connus, mais s'attaque aussi au système immunitaire des personnes qui le contractent, en éliminant une partie des anticorps acquis depuis leur naissance, qui les protégeaient contre d'autres infections. Les individus atteints sont alors laissés dans un état de vulnérabilité similaire à celui d'un nouveau-né face aux différents pathogènes. La vaccination, luttant contre le virus dans sa globalité, permettrait alors d'éviter cette détérioration du système immunitaire.
Comparaison du sang d'enfants atteints de rougeole avant et après l'infection
Pour découvrir les processus biologiques expliquant la protection additionnelle apportée par le vaccin contre la rougeole, des chercheurs issus des facultés de médecine d'Harvard, de l'Université d'Helsinki et de l'Université Erasmus de Rotterdam ont analysé le sang de 77 enfants contaminés par le virus de la rougeole aux Pays-Bas.L'étude a été conduite auprès de communautés répondant de faibles taux de vaccination ; dans les familles volontaires, le sang des enfants a été prélevé avant l'infection, puis quelques semaines après. Les échantillons ont ensuite été envoyés aux Etats-Unis pour être analysés par le VirScan, un outil capable d'identifier l'ensemble des virus et des bactéries ayant infecté une personne au cours de sa vie, en cherchant dans le sang les anticorps contre plusieurs centaines de pathogènes connus.
En effet, lorsque le système immunitaire rencontre un virus pour la toute première fois, l'organisme produit des anticorps pour se protéger, et continue de le faire durant les années voire les décennies qui suivent cette première infection. C'est ce que l'on appelle la « mémoire immunitaire ». Le VirScan peut détecter ces différents anticorps, et ainsi dresser un historique des infections rencontrées au cours de la vie d'un individu.
Le virus de la rougeole élimine jusqu'à 73 % de nos anticorps protecteurs
La comparaison entre les prélèvements de sang des 77 enfants, avant et après l'infection, a permis de démontrer que le virus de la rougeole avait éliminé entre 11 % et 73 % des anticorps présents dans leur corps. Autrement dit : le virus a « remis à zéro » leur système immunitaire lors de l'infection, le faisant revenir à un état antérieur.Dès lors, pour que les enfants atteints de rougeole puissent rebâtir leurs défenses immunitaires, ils doivent être graduellement ré-infectés par les différents pathogènes. Un processus qui peut prendre des années, et les rend vulnérables à des complications liées à ces infections redondantes.
Le virus de la rougeole semble donc plus délétère que les professionnels de santé ne l'imaginaient, et représente une menace pour les enfants qui va au-delà de la seule contraction de la rougeole. Selon les scientifiques, ces nouvelles données confirment alors l'importance de ce vaccin, en particulier face à la recrudescence mondiale des infections.
Sources : Harvard, Science