Test du Huawei P9 : un appareil photo Leica dans un smartphone ?

Stéphane Ruscher
Par Stéphane Ruscher, Spécialiste informatique.
Publié le 13 avril 2016 à 19h07
Le Huawei P9 prend le pari de rattraper un retard du constructeur sur le haut de gamme : celui de la photo. En s'associant avec Leica, Huawei livre un successeur alléchant à son P8 avec une originalité, un double appareil composé d'un capteur RVB et d'un capteur monochrome. De quoi se placer en bonne position face au Samsung Galaxy S7 ou au LG G5 ?


Design et ergonomie : Huawei franchit encore un niveau

On va finir par se lasser de le répéter : Huawei a fait d'énormes progrès en matière de design en deux ans. Et si le P8 était encore un peu « entre deux », le nouveau P9 bénéficie vraiment des efforts déjà aperçus sur le Mate 8 ou le Nexus 6P.

Reprenant les codes de la gamme P, notamment la partie supérieure en verre dans laquelle s'intègre l'appareil photo, il arbore des lignes plus arrondies que le P8, rappelant l'iPhone 6s, mais il conserve malgré tout des chanfreins taillés au diamant.



Le compromis est intéressant, car il adoucit la prise en main, sans transformer le smartphone en savonnette. C'est d'autant plus agréable que Huawei a sensiblement optimisé l'espace autour de son écran 5,2 pouces. Le constructeur abuse toujours en le comparant à un iPhone 6s en oubliant de préciser que ce dernier est nettement moins haut et sensiblement moins large, mais ce gain de quelques millimètres est appréciable.

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Le Huawei P9 conserve un écran 5,2 pouces


Au dos, c'est évidemment le double capteur photo qui attire l'œil. On revient plus bas sur les caractéristiques de ce couple - mi-RVB, mi-monochrome - atypique créé en collaboration avec Leica, mais ces deux yeux qui semblent nous fixer ont le mérite d'être particulièrement bien intégrés : la vitre de l'APN ne dépasse pas du tout, et l'ensemble est complètement plat.

Le P9 accueille un lecteur d'empreinte digitale carré - il était rond sur le Mate 8 -, de bonne taille et facile à repérer à l'aveuglette. On demeure partagé sur un placement au dos. S'il est très agréable de pouvoir déverrouiller son téléphone rien qu'en le saisissant, il faut se priver du capteur quand le terminal est posé sur le bureau : pas pratique pour lire rapidement un mail ou un SMS.

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Au dos, un double appareil photo et un capteur d'empreinte digitale


L'autre nouveauté se situe au bas du smartphone : Huawei adopte la connectique USB-C pour la première fois sur un smartphone vendu sous sa marque.

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Huawei intègre enfin un connecteur USB-C


Composants : HiSilicon monte en grade

Pour un constructeur qui veut taquiner Apple et Samsung, Huawei était un peu limite encore l'an dernier, en se targuant que son P8 rivalisait avec l'iPhone 6 et le Galaxy S6, alors que ses performances, certes, honorables, en étaient bien éloignées.

Après un Mate 8 enfin à la hauteur de sa réputation, le chinois livre un P9 aux caractéristiques techniques assez proches. La puce HiSilicon Kirin 955 est une version améliorée du Kirin 950 du smartphone géant de Huawei. Gravée en 16 nm, elle est composée de 4 cœurs Cortex A72 à 2,5 GHz (contre 2,3 sur le Kirin 950), et de 4 cœurs Cortex A53 à 1,8 GHz. La partie graphique est assurée par un Mali T880MP4.

Le processeur est épaulé par 3 Go de mémoire vive, un peu moins que les 4 Go de son grand frère, le Huawei P9 Plus.

Pas de changement côté écran : Huawei reste sur une dalle LCD IPS Full HD de 5,2 pouces. Et si le Mate 8 et son format 6 pouces ne nous paraît déjà pas avoir besoin de plus, il en va évidemment de même pour le P9. Se cantonner au 1080p, c'est éviter des problèmes de performance ou d'autonomie, pour un impact absolument nul sur la lisibilité.

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Un écran saturé mais lisible


La dalle LCD plaira aux amateurs de couleurs saturées - presque trop -, mais pèche par son manque de justesse : notre exemplaire tire un peu sur le magenta. Plus inquiétant, le problème semble aléatoire. Lors de la présentation par Huawei, nous avons pu comparer l'écran de notre terminal à celui de nos confrères, et selon les cas, la teinte et la luminosité étaient variables, certains étant plus justes que d'autres.

Huawei décline son P9 en deux capacités de stockage interne : 32 et 64 Go. Malheureusement, la dernière est réservée au marché asiatique. On se rattrape avec l'intégration d'un slot MicroSD qui se fait, sur le modèle européen, au détriment du second slot SIM.

Une ROM EMUI (enfin) réussie ?

Le Huawei P9 exécute Android Marshmallow (6.0.1), et Huawei oblige, l'OS est évidemment proposé avec la ROM EMUI, en version 4.1 précisément. L'interface Emotion UI divise toujours. Huawei prend de grandes libertés avec Android pour se rapprocher de iOS : les puristes hurlent, les utilisateurs venus de l'iPhone, justement, applaudissent.

Une chose est sûre : la version du Huawei P9 est la plus mûre qu'on ait vu jusqu'ici, revenant sur la plupart des bizarreries qui jurent avec l'interface Material Design de Google : les icônes Google ont été (enfin) modernisées, la barre d'état adopte la couleur de l'app comme le veut Material Design, Huawei fait des efforts. Certaines aberrations subsistent néanmoins comme la gestion des notifications sur l'écran de verrouillage : les contrôles multimédia ne s'affichent pas pour toutes les apps (Pocket Casts, notamment, est incompatible).

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Passées ces considérations qui n'intéressent vraiment que les puristes fans du travail de Matias Duarte, le Huawei P9 est simple et agréable à utiliser, et d'une fluidité parfaite. Huawei charge toujours un peu la mule côté applications tierces, mais elles sont désinstallables, et les apps maison, pas trop nombreuses - même si on aimerait pouvoir en supprimer certaines, on peut au moins les cacher.

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Surtout, EMUI est personnalisable par des thèmes, et intègre un gestionnaire à la TuneUp assez bien fait pour visualiser en un coup d'oeil les apps les plus gourmandes en batterie ou en data (et gérer leur activation en veille ou non), activer les modes d'économie d'énergie ou obtenir des conseils d'optimisation.

Un smartphone équilibré

L'usage général du P9 est un modèle d'équilibre : tout est relativement maîtrisé. L'ergonomie est confortable, à part peut-être à une main, les bordures supérieure et inférieure étant d'assez grande taille. On peut rétrécir l'interface via un geste sur le bas de l'écran, mais comme d'habitude, ce genre de fonctionnalité tient un peu de la rustine.

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Bon point en revanche pour le capteur d'empreinte : l'apprentissage est peu intrusif, la fiabilité au rendez vous et la réactivité aussi. Hormis le problème inhérent à son placement (impossibilité de déverrouiller lorsque le smartphone est posé), c'est du sans-faute.

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Les usages « de base » sont gérés sans accroc. La téléphonie s'en tire sans éclat, mais les conversations sont intelligibles d'un côté comme de l'autre. Le fix GPS est quasi instantané, et nous n'avons noté aucun problème de débit en Wi-Fi comme en 4G.

Comme sur le P8, la sortie haut-parleur, malheureusement mono, a du coffre pour un smartphone aussi fin. Dans les cas où c'est la seule option, il fait plus que dépanner. La sortie casque nous a paru satisfaisante, le son un peu neutre par défaut, mais une option DTS booste le son des fichiers audio avec un résultat pêchu.

Photo : deux capteurs valent-ils mieux qu'un ?

L'originalité du Huawei P9, ce sont bien sûr ses deux capteurs photo, réalisés en collaboration avec Leica. C'est à la mode ces derniers temps, mais personne ne semble l'utiliser de la même manière. LG, sur son nouveau G5 ou sur le LG X Cam, fait valoir un second capteur grand-angle, permettant d'ajouter plus de monde sur la photo en un tap.

Huawei s'était déjà essayé au double APN, avant LG d'ailleurs : c'était pour le Honor 6+. A l'époque, les deux capteurs 8 mégapixels étaient combinés pour produire une image 13 mégapixels aux détails plus prononcés, ou pour faire de la mise au point à postériori.

Cette fois, l'approche est inédite puisqu'on trouve deux capteurs 12 mégapixels signés Sony : le premier RVB, et le second monochrome, capable selon le constructeur de capter 300% de lumière en plus.

Associé à un ISP double cœur qui combine les informations des deux composants, il permet de réaliser des images plus contrastées et lumineuses, mais aussi de récupérer des données de mise au point utilisables à postériori, comme sur le Honor 6+.

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Mais le capteur monochrome peut également être utilisé... Tout simplement pour faire des photos en noir et blanc, sans passer par un filtre de conversion. Une fonctionnalité unique avec laquelle on se prend à s'amuser avec plaisir, le rendu étant assez rare, sans traitement, sur un appareil mobile.

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Une couche photo plus pro

La couche photo du Huawei P9 se dote d'un mode pro, nouveau par rapport au P8, mais pas complètement dans la gamme de Huawei puisque le Mate 8 en disposait déjà. L'utilisateur a la main sur les ISO, la vitesse d'obturation, l'exposition, l'autofocus et la balance des blancs, ce que proposaient déjà pas mal de smartphones Android, mais pas encore le constructeur chinois, dont l'interface photo est traditionnellement calquée sur la simplicité d'un iOS.


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La petite touche Leica est essentiellement cosmétique : la police de la marque est présente, tout comme le son du déclencheur photo. Et à ce sujet, quitte à jouer sur le côté photophone, on aurait aimé, justement, disposer d'un vrai bouton déclencheur à deux positions.

Les options sont néanmoins complètes, entre les différents modes (HDR, monochrome, Light Painting...), l'activation ou non du RAW, l'ajout d'éléments d'interface pour faciliter le cadrage (niveau, grille...), ou encore le choix entre 3 « films » Leica pour raviver ou adoucir les couleurs.

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Le double capteur à l'épreuve

En pratique, qu'est ce que ça donne ? Du bon et du moins bon. Disons-le clairement : c'est de loin le meilleur rendu photo jamais vu sur un smartphone Huawei, ce qui en soi n'est pas bien difficile : sans être catastrophique, même le Mate 8 demeurait en retrait par rapport aux meilleurs photophones.

En bonnes conditions de luminosité, on apprécie effectivement des images plus contrastées que celles d'un iPhone 6s, par exemple, et des couleurs bien pêchues.

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L'image est homogène... Elle l'est un peu moins sur les bords. Le traitement du JPG est un peu agressif quand on la compare au RAW que l'on peut également sortir en mode pro. L'accentuation et le lissage n'y vont pas de main morte.

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À gauche, un panda roux. À droite, un panda RAW.


Attention : les .DNG ne peuvent pas être sauvegardés sur la carte SD externe.

Les choses se dégradent tout de même en situation de faible luminosité, où on constate pas mal de bruit. En outre, le déclenchement des photos manque clairement de pêche, d'ailleurs, ce qui occasionne pas mal de photos floues dans ces conditions. Là dessus, le P9 n'étant même pas disponible commercialement à l'heure où nous écrivons ce test, les défauts seront peut-être corrigés d'ici la sortie. On se souvient que le P8 avait rapidement bénéficié de mise à jour qui améliorait son APN de manière sensible.

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La capture vidéo est de bonne facture sans être extraordinaire. La 4K n'est pas de la partie, et si une stabilisation logicielle est proposée, elle rogne très largement l'image.

Performances : CPU au top, GPU en retrait

Les performances du Huawei P9 sont absolument conformes aux attentes : le smartphone est équipé d'un processeur légèrement plus rapide, sur sa partie CPU, que celui du Mate 8 et c'est ce qu'on constate en pratique. Sous Geekbench, le test multicœur renvoie un score sensiblement supérieur au Mate 8 ou au Nexus 6P, et même à égalité avec un Galaxy S7. Le constat est semblable sur PC Mark : le P9 est en tête.

On ne peut malheureusement pas en dire autant sur la partie graphique. Si Huawei n'est plus complètement largué par rapport à la concurrence, les performances du Kirin 955 sont au niveau des haut de gamme... de l'an dernier. Concrètement, le P9 fait à peu près aussi bien que le Samsung Galaxy S6.

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En pratique, on vérifie ces résultats : sur de gros jeux comme Asphalt 8, Marvel Champions ou Real Racing 3, les performances sont bonnes, mais pas irréprochables, et de légères baisses de régime peuvent être observées. La chauffe en cours de jeu est sensible, mais pas exagérée.

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Autonomie : pas de mauvaise surprise

La batterie de 3 000 mAh du P9 assure une autonomie qui, sans être exceptionnelle, est plus que correcte. Comme le Galaxy S7 Edge, le smartphone tient sans aucun problème la route jusqu'en fin de soirée. Lors de notre usage, on finit souvent de 30 à 40% de batterie restante. On peut espérer durer une partie de la journée suivante avec un usage modéré, mais la recharge quotidienne est tout de même conseillée.

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Sur le test d'autonomie de PC Mark, qui réalise en boucle des tâches de bureautique, de retouche photo, de lecture vidéo et de web, avec écran allumé en permanence, à 200 Cd/m2. Dans ces conditions, le P9 tient un peu moins de 7h30, un score tout à fait honorable, et comparable au OnePlus 2.

Notre avis

Alors que le P8 nous avait laissés quelque peu sur notre faim, le Huawei P9 est indéniablement un smartphone nettement plus équilibré et soigné. Le constructeur chinois surfe sur ses succès récents (Mate 8, Nexus 6P) et livre une fois de plus un terminal bien fini, performant et endurant.

On attendait Huawei au tournant depuis l'annonce de son partenariat avec Leica, et là c'est un petit peu plus mitigé qu'on l'espérait. Sans commune mesure avec les appareils photo de ses smartphones précédents, la solution à base de double capteur, l'un en couleur, l'autre monochrome réalise de belles images, contrastées, homogènes et pêchues. L'option RAW est évidemment un bonus appréciable, et on est franchement fan du mode noir et blanc.

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Malgré les meilleures intentions du monde, l'APN se montre un poil trop agressif sur le traitement des JPEG, tandis que le déclenchement accuse quelques coups de mou problématiques pour les photos en faible luminosité, d'autant plus qu'elles ne sont pas exemptes de bruit. Samsung peut dormir tranquille, et reste le champion dans ce domaine.

Au final, le Huawei P9 déçoit presque sur ce qui est son principal argument, car on attendait encore mieux de sa partie photo, déjà correcte. N'allez pas en déduire pour autant qu'il s'agit d'un mauvais smartphone, loin de là. Son design, son autonomie, et ses bonnes performances générales en font un terminal très agréable à utiliser, et pas trop mal positionné, puisque son prix de 549 euros est inférieur à celui d'un Galaxy S7, même si on trouve évidemment moins cher. Néanmoins, si la promesse était de dépasser les meilleurs smartphones du moment, Huawei échoue, de peu, à franchir la barre dans sa catégorie.

Huawei P9

8

Les plus

  • Design bien fini et agréable
  • Bonnes performances
  • Capteur d'empreinte fiable et réactif
  • Autonomie satisfaisante
  • Double APN original et bien intégré

Les moins

  • Déclenchement un peu mou
  • Pas mal de bruit en faible luminosité
  • EMUI : en progrès mais certaines incohérences subsistent
  • Pas de version 64 Go en Europe

Finition9

Ergonomie8

Autonomie8

Puissance8

Photo8





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Stéphane Ruscher
Spécialiste informatique
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